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Le dragage du fleuve Saint-Laurent: les enjeuxAnonyme, Martes, Diciembre 16, 2003 - 18:01
Etienne Grandmont
Le dragage du fleuve pourrait permettre une relance de l'économie de la région des Grands-Lacs en permettant la circulation de bateaux au tonnage plus important. Les impacts environnementaux possibles sont cependant extrêmement inquiétants. Le ministre des Transports du Canada, Monsieur David Collenette, s’est déclaré en faveur de l’idée de procéder au dragage du fleuve Saint-Laurent afin d’y permettre la circulation de bateaux au tonnage plus important (Le Soleil, 19 novembre 2003). Relancer l’activité économique de la région des Grands-Lacs et rendre la navigation sur le fleuve plus sécuritaire : tels sont les principaux arguments en faveur d’un tel projet. La réalité risque cependant d’être moins rose (ou bleue!) pour les riverains, la faune et la flore qui sont localisés dans la portion québécoise du fleuve Saint-Laurent. En effet, trois arguments majeurs appuient cette idée. Les sédiments contaminés Depuis le début de l’industrialisation, le fleuve a servi de dépotoir aux villes situées aux abords des Grands-Lacs et du fleuve Saint-Laurent. «Dilution is the solution to pollution» disait-on avec insouciance… La nature des sédiments qui composent le fond du Saint-Laurent est donc le reflet de l’activité industrielle qui s’est déroulé en amont. On y trouve des sédiments présentant des teneurs en métaux lourds, en BPC, et autres produits présentant une dangerosité certaine, qui dépassent les niveaux acceptables pour la santé humaine et animale. Pour l’instant, cette pollution est confinée sous des couches plus ou moins épaisses de sédiments dont les concentrations en polluants sont acceptables, c'est-à-dire qu’elles ne représentent pas de risques pour la santé humaine. Ces couches saines se sont déposées depuis les années 1970, époque caractérisée par une forte prise de conscience environnementale qui a poussé le gouvernement du moment à resserrer les lois dans ce domaine. Mais l’élargissement et le creusement de la voie maritime auraient pour principal impact de remettre en suspension ces substances toxiques enfouies, les rendant à nouveau disponibles et assimilables pour toute la chaîne alimentaire. Au Québec, le fleuve Saint-Laurent constitue la source d’approvisionnement en eau potable pour environ 45% de la population (Centre Saint-Laurent. Le Saint-Laurent - Municipalités possédant des prises d’eau potable, 1995). Certains polluants échappent déjà aux différents systèmes de traitement de l’eau et se retrouvent à des niveaux traces au robinet. Bien que la situation ne soit pas alarmante pour le moment, on constate que les polluants peuvent trouver un chemin jusqu’à nous via le réseau d’aqueduc municipal et qu’une augmentation des concentrations de ces polluants dans le fleuve Saint-Laurent pourrait se traduire par une augmentation des concentrations en contaminants dans notre organisme. Au Québec, le gouvernement libéral, élu le 14 avril dernier, a martelé tout au long de sa campagne électorale que la santé serait sa préoccupation principale au cours de son mandat. Prévenir les cancers, les dysfonctions sexuelles, les malformations physiques et les handicaps intellectuels en évitant l’assimilation de polluants en concentrations trop importantes est une manière d’investir en santé. Reste à savoir si ce gouvernement sera apte à poser des gestes qui auront des répercussions qui se vérifieront au-delà des quelques années qu’il demeurera au pouvoir. L’érosion des îles et variation du niveau de l’eau Un cours d’eau, comme un être vivant, tend toujours vers un état d’équilibre. Jouer avec cet équilibre entraînera nécessairement des répercussions ailleurs, principalement en aval. Le débit du fleuve a très peu changé depuis 100 ans mais le dragage en a modifié considérablement la vitesse. L’augmentation de la vitesse d’écoulement du fleuve Saint-Laurent pourrait provoquer une érosion accrue des îles et des berges sensibles, qui se traduirait par une perte de territoire pour l’ensemble des îles et des berges localisées sur le fleuve. Il faut aussi noter qu’environ 10 000 mouvements de navires sont dénombrés annuellement dans le chenal principal de navigation creusé en 1950. Toutes les rives situées à moins de 600 mètres de cette voie de navigation sont soumises au batillage, soit l'action érosive des vagues générées par le passage des navires, et on estime que 20% de l’érosion observée sur les berges du fleuve est causée par le passage des navires commerciaux (La Voie Verte, http://www.qc.ec.gc.ca). Augmenter le trafic maritime sur le fleuve Saint-Laurent causera la perte de nombreuses niches écologiques et la transformation, voire la perte de plusieurs sites présentant un intérêt éco-touristique non négligeable. Les berges et les îles représentent autant de sites où s’épanouissent une flore et une faune diversifiées et protégées de la présence humaine. Il s’agit d’une richesse unique au Québec que nous nous devons de préserver. La destruction des milieux humides Le dragage d’un cours d’eau modifie également la hauteur du niveau d’eau : l’eau, maintenant concentrée dans un canal étroit mais profond, quitte les milieux humides présents au abords du fleuve Saint-Laurent. Les milieux humides compte parmi les écosystèmes les plus productifs de la planète. Leur structure sert à la filtration des polluants et des sédiments en suspension dans l’eau et deviennent donc une niche écologique vitale pour de nombreuses formes de vie. Toute action qui met en danger les milieux humides du fleuve Saint-Laurent ne devrait donc pas être entreprise. Conclusion et alternatives Le gouvernement fédéral actuellement au pouvoir envisage le dragage du fleuve Saint-Laurent comme solution pour relancer l’économie de la région des Grands-Lacs. Cette perspective est malheureusement très inquiétante quant à la santé du fleuve Saint-Laurent et d’une partie de la population en général. Le dragage remettrait en suspension des sédiments enfouis qui présentent des concentrations en polluants dépassant les normes acceptables pour la santé humaine. Dans un contexte où la santé devient un enjeu majeur pour nos gouvernements, il serait tout à fait illogique d’augmenter les incidences néfastes en santé parmi la population qui consomme l’eau et les produits du fleuve. Le dragage de la voie maritime aurait également comme autre conséquence d’augmenter l’érosion des berges et des îles qui sont souvent des niches écologiques irremplaçables et des sites permettant l’éco-tourisme. Enfin, le surcreusement du fleuve aurait pour effet la destruction de nombreux milieux humides, qui sont au fleuve ce que les reins sont à l’humain. Dans cette perspective, je souhaite que les intérêts économiques ne priment pas sur les droits fondamentaux de l’humain, de l’environnement et de leur santé. Des alternatives à ce projet existent. Dans la perspective où on veut maintenir l’engagement de relance économique de la région des Grands-Lacs, il est possible d’envisager le transport des marchandises par train. Cette solution combine à la fois la faiblesse des coûts, comparables à ceux engendrés par l’utilisation de bateaux, et le peu d’impacts environnementaux en comparaison au transport par camions. L’autre alternative est inspirée du Club de Rome, une association privée créée en 1968 et dont l’objet est d’étudier, au niveau mondial, les problèmes des conditions de vie liées au développement économique. Cette association publiait en 1971 le rapport Halte à la croissance, qui mettait en garde les pays du monde face à un désir de croissance à l’infini dans un monde aux dimensions physiques restreintes. Autrement dit, nous sommes confrontés au choix suivant : désirons-nous relancer l’économie de notre pays et de ses régions au détriment de notre plus grande richesse patrimoniale? Ou nous déciderons-nous enfin à considérer notre niveau de vie comme acceptable, notre confort comme suffisant et de cesser la recherche d’un idéal déjà atteint? |
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