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Un boss, c'est un boss, pis un jaune, c'est un jaune... Même dans le "communautaire"

Nicolas, Jueves, Septiembre 25, 2003 - 13:58

Nicolas Phébus

Demain --vendredi-- les travailleuses syndiquées à la CSN dans les garderies du Québec vont être en grève générale pour faire pression sur le gouvernement afin d'accélérer le dossier de l'équité salariale. Alors que cet été "toutes les intervenantes au dossier", comme le dit la formule consacrée, ont fait front commun pour "sauver les garderies à 5$", demain les travailleuses de la CSN devront monter seules au front pour défendre l'amélioration de leurs conditions de travail. Pire, elles se font actuellement poignarder dans le dos par leurs "camarades de lutte" de l'avant veille.

Un boss, c'est un boss

On a tendance à l'oublier à l'occasion, surtout dans le milieu "communautaire", mais un boss, ça reste un boss et les boss, même progressistes, ce n'est jamais très chaud à l'idée d'une grève. L'Association québécoise des centres de la petite enfance (AQCPE) ne fait pas exception à la règle. L'AQCPE nous avait déjà donné de beaux exemples d'attitude patronale en s'opposant farouchement à la syndicalisation des intervenantes en milieu familial sous sa gouverne. C'est en des termes très durs que cette association a commenté, à la toute dernière minute, le mouvement de grève des syndiquées CSN. Premièrement, l'AQCPE "dénonce les moyens de pression de la CSN" (c'est même le titre de leur communiqué). Pour l'association patronale, parce que c'est de cela dont il s'agit, "cette décision de mobiliser la main-d'oeuvre syndiquée n'est pas acceptable car les travaux du comité sectoriel d'équité salariale du secteur des CPE progressent et qu'il s'agit, dans la majorité des cas, d'une grève illégale". Les travailleuses, que l'on encense quand vient le temps de se comparer au secteur des garderies privées, deviennent de la vulgaire "main d'oeuvre syndiquée" quand elles entrent en lutte et leur mouvement, décidé démocratiquement, n'est plus qu'une vulgaire "grève illégale". Un peu plus et l'AQCPE nous dirait que "leurs" éducatrices sont manipulées par la méchante CSN... Comme si la décision de débrayer n'avait pas été prise dans une réunion du conseil fédéral des centres de la petite enfance de la FSSS-CSN (pas de l'exécutif, du conseil fédéral!).

Est-ce que la CSQ est jaune dans les CPE?

On peut aussi se poser des questions sur l'attitude de la Centrale des syndicats du Québec (l'autre syndicat présent dans les garderies). En effet, ce syndicat minoritaire informe par voie de communiqué qu'il ne participera pas au mouvement de grève. "La CSQ décide de laisser une chance à l'équité salariale dans les CPE de se réaliser avant de mettre ses moyens de pression à exécution" nous dit-on. "Nous avons établi un plan d'action de moyens de pression à mettre en place dans l'optique où la réponse de la Commission de l'équité salariale ne serait pas à notre satisfaction", indique la première vice-présidente de la CSQ, Mme Louise Chabot. "Pour l'heure nous préférons attendre la réponse de la Commission, avant d'entreprendre des moyens de pression", ajoute-t-elle. Deux questions : premièrement, était-ce bien nécessaire de publier un communiqué la veille d'une grève annoncée par un autre syndicat pour crier haut et fort qu'on n'y participera pas; deuxièmement, dans quelle mesure est-ce que la CSQ ne profitera-t-elle pas de toute façon des avancées réalisées par les travailleuses de la CSN (tout en les laissant aller seules au front)? Est-ce ça la vision de la CSQ du syndicalisme, de la solidarité? Attendre que la grève passe et récolter les fruits du travail des autres? On sait que la CSQ est minoritaire dans les CPE (moins de 10% des effectifs syndicaux), à lire de tels communiqués, on se demande moins pourquoi...

Soutenir la grève malgré tout

À mon avis, les syndiquées CSN des CPE ne méritent pas ce traitement. Elles sont légitimement en droit de se poser des questions sur l'équité salariale. Ça fait depuis 1999 qu'elles demandent l'équité salariale et le Conseil du trésor refuse même de donner une date à partir de laquelle l'équité s'appliquerait. "Les travaux du comité sectoriel d'équité salariale du secteur des CPE" ont beau progresser "selon le calendrier de travail entendu entre les parties" comme le dit l'AQCPE, ce n'est pas de cela dont il s'agit : les syndiquées veulent un "deadline" sur lequel s'enligner. C'est pas compliquer à comprendre, non? Le hic c'est que si les syndiquées ont tout intérêt à ce que les travaux aboutissent, l'AQCPE, elle, a tout intérêt à ce que ça dure en longueur. D'où, sans doute, leur aimable invitation à "poursuivre les travaux du Comité sectoriel d'équité salariale du secteur des centres de la petite enfance", sans deadline et sans obligation de résultat.

Le plus frustrant c'est que c'est sans doute le respect des parents qui a trahit les syndiquées de la CSN. En effet, elles ont averti tout le monde deux semaines à l'avance via une lettre explicative laissée dans le casier des enfants. Si elles avaient été plus "sauvages" --comme l'ex-CEQ, par exemple, qui dans ses belles années avertissait les parents et les enseignantes le matin même d'une grève-- ni l'AQCPE ni la CSQ n'aurait pu produire de communiqués de dénonciation et de dissociation la veille de leur grève. Et pourtant, ce sont les luttes de ses travailleuses aujourd'hui dénoncées qui vont faire avancer les conditions de toutes les éducatrices des CPE. Dans ce contexte, j'ai choisi mon camp, celui de celles qui luttent, parce que : un boss ça reste un boss et un jaune, ça reste un jaune... même dans le communautaire.

Nicolas Phébus, 25 septembre 2003

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