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Vidéotron: Retour sur le conflit du câble

Nicolas, Miércoles, Septiembre 24, 2003 - 12:21

Service de l'information SCFP

Lorsque l’on jette un coup d’œil sur les deux dernières années, la grève de Vidéotron ressort particulièrement – par son ampleur, sa durée (presque un an) et ses répercussions sur le mouvement syndical. Mais, l’histoire aurait pu être différente si ce conflit avec le plus important câblodistributeur du Québec avait été régi par la loi provinciale plutôt que par la loi fédérale. En fait, le gouvernement fédéral est en partie responsable de la durée du conflit, parce que Code canadien du travail, tel qu’il existe actuellement, crée des conflits de toutes pièces.

Le Québec interdit le recours aux briseurs de grève

Au Québec, le recours aux briseurs de grève, ou «scabs», est illégal depuis presque vingt-cinq ans. Cette loi a été adoptée après de nombreuses années de confrontations féroces dans le cadre de grèves particulièrement dures comme la Commonwealth Plywood, Robin Hood, United Aircraft. Dans certains cas, il y a même eu des morts. Mais dans tous les cas, quand on permet à des «scabs» de voler les jobs qui appartiennent en toute légitimité à d’autres, on se prépare forcément des lendemains difficiles.

La loi interdisant le recours aux «scabs» a grandement favorisé la paix syndicale au Québec. Aujourd’hui, la Colombie-Britannique est la seule autre province canadienne où les briseurs de grève sont interdits. En Ontario, l’une des premières mesures adoptées par les conservateurs lorsqu’ils sont entrés au pouvoir en 1995 a été d’abroger la loi anti-briseurs de grève.

Alors pourquoi le recours aux briseurs de grève a-t-il été permis dans le conflit de Vidéotron? Le secteur des communications est de compétence fédérale et, le Code canadien du travail ne contient aucune protection contre les briseurs de grève. Il y a de quoi s’étonner, car à l’époque où ils siégeaient à l’opposition, les libéraux fédéraux avaient voté en faveur d’un projet de loi anti-briseurs de grève soumis par le Bloc québécois.

Il est également troublant de constater que le code fédéral permet aux patrons de «modifier» les conventions collectives 81 jours après une demande de conciliation. En vertu des dispositions actuelles du Code, un employeur n’a qu’à demander rapidement la conciliation et, le délai de 81 jours écoulé, il pourra contourner les clauses d’une convention collective qui ne lui conviennent pas. C’est ce qui s’est produit chez Vidéotron, assurément l’un des plus durs conflits de travail des dix dernières années.

L’entreprise négocie de mauvaise foi

Le 14 décembre 2001, la direction de Vidéotron diffuse un message de Serge Gouin, président du conseil d’administration, sur les ondes du canal de télé communautaire Vox. Dans les faits, il sert un ultimatum et exige des concessions de 35 à 40 millions de dollars sur une masse totale d’environ 120 millions.

Deux mois plus tard, le 14 février 2002, les parties se rencontrent pour échanger des propositions de négociation. Avant même de déposer ses demandes et d’entendre celles du syndicat, la direction annonce qu’elle demandera la conciliation.

Puis, le 4 mars, Vidéotron annonce publiquement son intention de vendre ses 650 techniciens à Entourage Solutions Technologiques Inc., en totale contradiction de la convention collective qui ne permet pas la sous-traitance. Dans son communiqué, la direction affirme que la vente se fera «dans le respect des lois».

On apprendra par la suite qu’une nouvelle compagnie, Alentron, elle-même une créature de Entourage, est mise sur pied pour accueillir les techniciens et contourner le Code du travail québécois qui interdit tout recours aux briseurs de grève.

Bien avant que le conflit n’éclate au grand jour, la situation n’augure rien de bon et on assiste, impuissants, à une parodie de négociations. L’employeur veut démanteler son entreprise pour mieux la vendre en pièces détachées. Il attend tout simplement l’expiration du délai de 81 jours prévu au Code canadien pour se débarrasser de la convention collective et confirmer la vente de ses techniciens. Le 8 mai 2002, à zéro heure une minute, les 2,200 salariés entrent en grève. Quatorze minutes plus tard, l’employeur les met en lock-out.

On connaît la suite. Les «scabs» remplacent non seulement les techniciens, mais tous les employés de Vidéotron. Les tensions sont exacerbées et les incidents se multiplient. Le conflit de travail s’étirera jusqu’au printemps de l’année suivante. Des centaines de familles sont jetées à la rue pendant presque un an, parce qu’un homme d’affaires voulait faire les choses à sa manière… «dans le respect des lois».

Une victoire retentissante – mais à quel prix!

Malgré tout, au printemps 2003, les négociations se concluent par une éclatante victoire syndicale et le recul de l’employeur sur son projet de démanteler l’entreprise. La vente des techniciens à la firme Entourage est annulée. Ce point est majeur, d’autant plus que l’employeur avait maintes fois affirmé qu’il était «impossible de reculer», alléguant que l’équipement, les camions et les outils ne lui appartenaient plus. «Le chèque est encaissé et c’est terminé», avait-on répété du côté de l’employeur.

Au terme du conflit, l’éditorialiste du journal Le Devoir, Jean-Robert Sansfaçon, écrit que «pour éviter qu’une partie des leurs soit transférée, l’ensemble des employés accepte de partager la facture et consent un léger recul […] sans atteinte grave à la qualité des conditions générales de travail des employés, qui demeure supérieure à la moyenne.»

Le long – trop long – conflit à Vidéotron a connu un dénouement heureux, certes, mais à quel prix! L’acharnement de l’employeur à vouloir démanteler son entreprise passait par l’embauche de briseurs de grève. Le gouvernement fédéral, qui autorise le recours aux «scabs», porte une lourde responsabilité dans ce conflit. Il faudra s’en souvenir.

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