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Les défis du mouvement altermondialiste devant le cercle vicieux de la violence

Anonyme, Lunes, Septiembre 8, 2003 - 19:15

UFP

L'arrestation de 240 personnes en marge de la réunion mini-ministérielle de l'OMC le 28 juillet dernier par la police de Montréal est une illustration éloquente de la concertation entre l'appareil répressif, la sphère politique et la classe industrielle, financière et marchande mondialisée.

Diversité des tactiques
Les défis du mouvement altermondialiste devant le cercle vicieux de la violence
Article paru dans Le Couac, vol. 6 no 12

lundi 8 septembre 2003,
par Molly Alexander , Pierre Dostie

L'arrestation de 240 personnes en marge de la réunion mini-ministérielle de l'OMC le 28 juillet dernier par la police de Montréal est une illustration éloquente de la concertation entre l'appareil répressif, la sphère politique et la classe industrielle, financière et marchande mondialisée. Cette arrestation aussi massive qu'abusive et injustifiée, décrite dans un abus de sens comme « préventive », a cherché sa justification dans le fracassement de quelques vitrines s'étant produit une heure plus tôt et à 2 km des lieux des arrestations. Le tout a donné lieu à une tentative de récupération par l'ordre destructeur dominant, de la légitime contestation qui lui est faite. L'infiltration dans les rangs des manifestants par des agents provocateurs a généralement pour but de « justifier » l'usage de la force par les policiers et de conduire à des arrestations souvent abusives, parfois massives, dans le but de dissuader les citoyens à exercer leur droit démocratique, mais aussi pour « ficher » et intimider le plus grand nombre de militants sociaux possibles, de procéder à du harcèlement judiciaire et bureaucratique, bref à bâillonner la contestation du pouvoir.

Mais quelques réflexions s'imposent. Quand quelques individus prennent eux-même l'initiative de briser ne serait-ce que quelques vitrines ciblées, ne permettent-il pas à la police de faire l'économie d'une mise en scène pour manipuler l'opinion et justifier sa répression ? À première vue, les gestes isolés de casse malheureuse ont été immédiatement utilisés pour discréditer le mouvement altermondialiste (cf les voyous sont en ville titrait le journal de Québec) et pour détourner l'attention des enjeux locaux et planétaire et des répercussions néfastes des orientations et décisions de l'OMC pour les peuples de la terre. Les médias, qui n'ont pas tous le sens critique, jouent le jeu et focalisent sur le spectacle pendant que dans les salons clos les membres de l'OMC continuent tranquillement de maintenir des politiques comme celle qui empêche aux pays du Tiers-Monde d'accéder aux médicaments génériques qui permettraient de traiter des maladies qui tuent 30,000 personnes par jour, soit 10 fois plus que le nombre de victimes du WTC le 11 septembre 2001. Combien de journalistes se sont-ils intéressés à mesurer cette violence, à révéler l'existence de ces armes de destruction massive que sont véritablement les soit-disant « politiques d'harmonisation des accords commerciaux » de l'OMC ?

Par ailleurs, et en raison même du silence des décideurs et des masse-médias sur ces enjeux d'importance, comment ne pas être profondément révolté et comment espérer encore pouvoir faire intervenir l'intérêt commun et l'opinion des citoyens par des moyens pacifiques devant la violence de la main invisible du marché quand elle use allégrement de sa poigne de fer pour mâter toute remise en question radicale ? Quand on ne peut même plus manifester pacifiquement, ou simplement marcher sur la rue sans se voir arrêté, détenu et accusé d'attroupement illégal, il est vrai que la tentation est forte d'opter pour des moyens d'actions qui font fi de la légalité institutionnelle imposée, ne serait-ce que pour attirer l'attention des caméras friands de fracas et de sensationnel.

Voilà pourquoi nous ne pouvons mettre en doute la sincérité des personnes qui font la promotion de certaines tactiques violentes lors de pareilles manifestations. Il faut cependant reconnaître que paradoxalement leur démarche peut se trouver récupérée par le système répressif dans l'intérêt malheureusement de ceux que nous cherchons à dénoncer. Loin de « jeter la première pierre » à ces militantes et militants que l'on devrait considérer comme des révélateurs, des sonneurs d'alarmes et certainement aux antipodes des voyous en costume et cravate qui veulent marchandiser la vie, il faut d'abord considérer que cette violence est le reflet et le produit de la violence structurelle capitaliste dont l'OMC, tout comme la police, sont des rouages. Et il faut également remarquer que, en dépassant largement les bornes comme elle l'a fait (les quelques personnes qui avaient commis des gestes illégaux avaient déjà été arrêtées), la police de Montréal ne peut pas justifier cette intervention abusive par des motifs de sécurité. Une enquête publique indépendante s'impose, d'ailleurs réclamée par plusieurs organismes et analystes politiques, pour faire la lumière sur ces événements et pour répondre aux questions à savoir d'où sont venus les ordres ? Quels en furent les motifs, sécuritaires ou politiques ? Déjà avant l'ouverture du mini-sommet, le Ministre Pettigrew avait annoncé « l'essoufflement du mouvement altermondialiste ». La police de Montréal aurait-elle aussi de son côté « ciblé » ses arrestations ?

Une vaste coalition est nécessaire au Québec afin d'exercer le rôle de chien de garde de nos libertés fondamentales et éviter le débordement vers un État policier au service de la dictature des marchés. Son nom pourrait être Opération liberté II , pour marquer notre mémoire de celle qui fut créée en 1978 alors que de nombreuses violations des libertés fondamentales par les appareils répressifs avaient été remarquées. Il serait souhaitable que la Ligue des droits et libertés, qui s'est prononcé en faveur d'une enquête indépendante sur les récents événements, prenne l'initiative de cette coalition, compte tenu de son expertise et de sa crédibilité. Cette coalition pourrait se préoccuper non seulement des victimes de la répression policière lors des manifestations, mais aussi des réfugiés expulsés, des syndiqués victime des scabs, des personnes accusés en vertu des nouvelles procédures sécuritaires fédérales, etc.

Une analyse approfondie s'impose au sein du mouvement altermondialiste pour examiner l'efficacité de ses actions à ce stade-ci de la lutte à la globalisation néolibérale. Il faut multiplier les expériences d'éducation du public et de mobilisation de masse. Il faut user d'imagination pour répondre efficacement à la violence du système sans se faire piéger, happer ou récupérer par celui-ci. Il est nécessaire de penser à long terme et d'investir dans un relais politique capable de véhiculer les valeurs et un projet de société altermondialiste et capable également de rassembler la population tout en menant une lutte efficace, dans la rue et sur la scène politique, voire électorale. C'est la tâche que l'Union des forces progressistes s'est donnée.

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