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Une cible prévisible

pep, Miércoles, Agosto 20, 2003 - 13:37

Pierre-E. Paradis

L'horrible attentat de Bagdad du 19 août 2003 ne fera certes pas avancer la cause d'un Irak libre, mais il est normal que l'Organisation des Nations Unies soit maintenant perçue non pas comme le garant de la paix, mais comme le corollaire de la guerre: «là où on tue, ONU.»

Cependant, il y a bientôt 42 ans avait lieu un autre genre d'attentat...

La dernière fois où l'Organisation des Nations Unies a joué un rôle interventionniste remonte à l'époque où son Sécrétaire général, M. Dag Hammarskjöld, s'était impliqué personnellement pour tenter de protéger l'indépendance toute récente de la République du Congo et résoudre le conflit armé dans la province sécessioniste du Katanga. Mal lui en prit, car l'avion transportant le pacifiste suédois et 18 collaborateurs s'est écrasé mystérieusement. Un attentat? Probablement. Un attentat peut-être même commandité par la Belgique, ou toute autre instance coloniale profitant du conflit pour mieux asseoir ses intérêts commerciaux. Le message a été compris, et le jour où Kofi Annan quittera se bureaux de New-York pour se rendre personnellement sur le terrain des hostilités n'est pas près d'arriver.

La crise du Katanga se déroulait il y a 42 ans. Depuis ce temps, l'ONU n'a réussi à prévenir aucun conflit, et se contente de récoller les pots cassés une fois que le mal est fait. Pire encore: l'ONU retire ses joueurs à chaque fois que ça chauffe, comme pour dire aux puissances guerrières: «voilà, nous sommes partis, vous avez le champ libre pour attaquer». Puis ensuite elle revient en centralisant ses bureaucrates dans des cités aux allures de «ghettos pour occidentaux», en leur payant des salaires complètement indécents relativement aux salaires locaux, en réquisitionnant tous les logements le moindrement habitables et destabilisant ainsi toute l'économie locale. C'est le cas présentement de la MONUC au Congo-Kinshasa. C'était sans doute aussi le cas de la mission de Bagdad attaquée le mardi 19 août dernier: grosse flotte de véhicules sport utilitaires flambant neufs, gros hôtel et gros drapeau. Autrement dit: grosse visibilité à la limite de l'arrogance. Une cible parfaite.

J'aimerais croire en une organisation légitime qui a le pouvoir d'appliquer et de faire respecter une forme de droit international. Mais force est de constater que l'ONU a failli à la tâche et se contente de peinturlurer aux couleurs civiles l'administration mise en place par la superpuissance militaire que nous connaissons bien. Il est normal que l'ONU soit maintenant perçue non pas comme le garant de la paix, mais comme le corollaire de la guerre: «là où on tue, ONU.»

L'horrible attentat de Bagdad ne fera certes pas avancer la cause d'un Irak libre. Les coopérants qui y ont perdu la vie n'étaient pas coupables de quoi que ce soit individuellement et ne méritaient pas la mort. Malheureusement ils ont eu le tort de participer à un système qui, à l'instar de la machine de guerre états-unienne, découle d'une logique cartésienne qui ne fonctionne plus.

La coopération future devra être décentralisée, garder un profil bas et aider la «société de base» (les jeunes, les femmes) plutôt que d'essayer de reconstruire un pays en commençant par le haut de la pyramide.



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