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Entrevue avec Leonardo Boffpier trottier, Jueves, Agosto 14, 2003 - 08:12 Leonardo Boff, théologien et de philosophe pratique, nous entretient du sens de la vie, de la non guerre, de la mondialisation et du fondamentalisme... Traduit de l'espagnol par Pierre Trottier RADIO NEDERLAND 18-04-2003 Entrevue avec Leonardo Boff Par José Zepeda (*) Dans cette entrevue, José Zepeda converse avec un des fondateurs de la Théologie de la Libération, le brésilien Leonardo Boff. Prenant des thèmes comme la religion et la foi chrétienne en particulier, Boff nous livre une vision du monde plural, pacifiste, fondée sur le dialogue entre les cultures et les peuples. J.Z. : A partir du 11 septembre 2001, on parle d’un monde, selon toute vraisemblance, plus insécure. Mais, tant ces attentats que les guerres qui vinrent par la suite, celles d‘Afghanistan et celle d’Irak, ont été accomplies au nom de Dieu. Au nom d’un Dieu ou d’un autre. Je vais commencer par le second Commandement qui dit : ‘’ Tu ne prendras pas le nom de Dieu en vain ‘’. Pourquoi a-t-on proclamé Dieu tant pour les attentats que pour la guerre. L.B. : On a évoqué le nom de Dieu par la nature de la religion. Les personnes n’offrent pas leur vie, ne luttent pas, ne remettent pas leurs plus hauts intérêts pour des idéologies politiques ou des intérêts économiques, mais pour des convictions profondes, pour le sens plus grand de la vie que leur procure la religion. En ce sens, la religion est l’axe central d’une civilisation. Et cela, non seulement je le reconnais moi comme théologien, mais aussi beaucoup de scientifiques sociaux, et j’en cite un spécialement, parce qu’il est aujourd’hui très important, Samuel Huntington. Dans son fameux livre ‘’ Le choc des civilisations ‘’, il dit exactement ceci, que la force centrale, non une des forces mais la force centrale qui mobilise les personnes dans les cultures d’aujourd’hui, est la religion. Pratiquement tous les conflits aujourd’hui existants portent par en-dessous un conflit religieux, et comme les religions normalement se constituent dans l’identité d’un peuple qui se sent menacé, là se produit une pathologie qui est le fondamentalisme. Cela veut dire que ma vérité, ma religion est la véritable et que toutes les autres ne le sont pas, et pour cela il faut les convertir ou les marginaliser ou, dans le cas extrême, il faut les détruire. Alors, aujourd’hui, ce que nous avons est une guerre de fondamentalisme, nous le savons très bien par des recherches sérieuses. George Bush aussi est poussé par une vision religieuse fondamentaliste, Bush est un convertit, il réunit son équipe de prière au sein du gouvernement toujours avant de prendre des décisions importantes, priant afin d’accomplir la volonté de Dieu. L.B. : Dans son livre qui bien sûr peut-être discuté, Huntington dit que la première rencontre, le premier choc sera avec l’Islam et, par la suite, avec les cultures plus orientales. Je pense qu’en Occident la perspective est encore belliciste. L’Occident voit la guerre comme une fatalité, comme la solution des conflits, si grands soient-ils. Je ne pense pas que cela soit le chemin, parce que la confrontation entre la culture européenne homogénéisée par les États-Unis et la grande culture de la Chine et de l’Orient, comporterait une dévastation absolue de la biosphère et la destruction du Projet Planétaire humain. Dans ce sens, je crois que la contribution de Hans Green est très importante, ce théologien catholique et son équipe, qu’il pense actuellement à une éthique mondiale comme autre chemin de solution. Green comprend que les conflits fondamentaux sont religieux, et que la solution doit sortir de là-même, du dialogue entre toutes les religions, afin d’asseoir les bases d’une paix politique. Il faut approfondir dans cette direction, dans le dialogue de tous avec tous, commençant par les religions, passant par la politique, par l’économie. Seulement ainsi nous pourrons établir la Maison Commune, sur l’unique planète que nous possédons, la Terre, où vit l’unique famille qui est la famille humaine, avec beaucoup de visages, avec beaucoup de traditions. J.Z. : Je commençais par le second Commandement : ‘’ Tu ne prendras pas le nom de Dieu en vain ‘’. Maintenant, je vais passer au cinquième : ‘’ Tu ne tueras pas ‘’. Un très grand nombre de catholiques, ceux qui dans cette conversation à Radio Nederland vous qualifiez de fondamentalistes convertis, revendiquent la position suivante : nous devrions nous réjouir qu’un tyran soit tombé, de ce que nous en ayons terminé avec une dictature au Moyen Orient. De plus, la disparition du régime de Saddam Hussein démontrerait que ceux qui sortirent dans les rues réclamer, ceux qui demandaient que ne débute pas cette guerre, se soient trompés, parce que maintenant nous nous rapprochons ou nous allons amorcer le chemin de l’authentique libération et de la démocratisation du peuple irakien. L.B. : Oui, je crois que c’est important d’éloigner du pouvoir des tyrans sanguinaires, des personnes qui menacent l’humanité. Par le même, il faut éloigner immédiatement Bush, parce qu’il est la personne qui menace le plus la terre, la stabilité de la planète. A quel coût s’est fait la guerre en Irak? A des coûts très hauts de destruction, en premier lieu, de la souveraineté d’une nation. On a détruit toute son infrastructure, on a assassiné des centaines de personnes, des enfants innocents. C’est comme si j’arrivais dans une maison qui est en conflit, où les parents et les enfants se battaient, et je l’envahissais, tuant frères, sœurs, tuant la grand-mère, et qu’ensuite j’embrassais les parents et leurs disais tout ceci a été fait parce que je vous aime, maintenant vous êtes libres, vous n’avez plus de conflits. Mais, les morts étant là, la maison étant détruite, alors, à ce coût nous ne voulons pas la démocratie ni la paix. Il faut rappeler que le Pape a dit que toute guerre est un échec de l’humanité, et l’on doit souligner ce qu’a dit Gandhi qui ouvrit le même chemin pour une nouvelle vision du monde et de la politique : la paix ne peut être seulement un but mais aussi une méthode : les moyens pacifiques sont les seuls qui produisent la paix. Les moyens violents ne produisent pas la paix, le plus qu’ils peuvent produire est une pacification, c’est-à-dire, une paix imposée par la violence non par une paix qui fleurie, qui fait que les personnes se rencontrent, qu’ils peuvent travailler et progresser tranquillement. J.Z. : Aujourd’hui c’est Vendredi Saint, un jour de réflexion pour Celui qui mourut sur le Golgotha. A réfléchir sur le monde dans lequel nous vivons, nous reconnaissons que c’est un monde plus insécure, plus incertain, avec un unilatéralisme rampant. La conséquence de ces circonstances que nous sommes en train de vivre est le pessimisme. Je veux vous poser cette question parce quelle a à voir avec la foi, qui est basée fondamentalement sur un acte d’espérance. D’où tirer la force pour l’espérance dans un monde qui tend à s’aggraver? L.B. : Je crois que la fête d’aujourd’hui, Vendredi Saint, ou de toute la Semaine Sainte, peut être vue comme une métaphore de la structure de l’histoire, et aussi de la structure de notre espérance. Je suis certain que nous sommes dans un processus de passage, de transmutation, c’est-à-dire, que le vieux paradigme qui utilisait toujours la guerre, la violence comme la solution aux problèmes maintenant ne peut continuer à triompher. La guerre actuelle fut une guerre lâche contre un pays amaigri et faible. Mais on ne peut faire une guerre contre la Russie ou contre la Chine parce qu’ils possèdent des armes de destruction massive, des armes nucléaires, et ce serait la fin de l’humanité…alors, ce chemin qui utilise la guerre n’est pas un chemin valable. Nous nous trouvons dans le passage, cheminant vers un autre type de civilisation, qui est la civilisation du soin (attention), du dialogue, d’un nouveau pacte mondial des peuples avec la nature, parce qu’elle fait partie aussi de ce pacte. Nous sommes en train d’assister à la mort d’un type de civilisation et lentement en naît une autre de toutes parts, dans les personnes qui sont dans le rues criant pour la paix, les groupes de Seattle, de Porto Alegre, ceux qui veulent et disent qu’un autre monde est possible, différent, plus radical dans la paix et la concorde entre les êtres humains Je crois en cela parce que si la vie existe maintenant depuis trois mille millions d’années et les êtres humains pour le moins depuis dix millions d’années, nous ne sommes pas ici pour mourir misérablement. Je vois le Vendredi Saint comme une métaphore, un paradigme. Si quelqu’un considère seulement le Vendredi Saint, le Messie Jésus échoua catégoriquement parce qu »il mourut sur la croix avec seulement sa mère à ses pieds, et tous l’abandonnèrent, ses disciples le trahirent. Mais ensuite vient le Samedi Saint, vient la Résurrection, où la croix se transforme en symbole de vie, de résurrection. Alors, je crois que nous sommes en train d’assister à la Passion du Christ qui se renouvelle, la passion des peuples et, à l’intérieur de cette passion, il y a des milliers de résurrections, il y a des moments de lumière, et cette lumière comme toujours produit de la joie, fait voir les choses d’une façon nouvelle et refait l’espérance des êtres humains. J.Z. : Je veux revenir au thème de la foi. Lorsqu’il y a une crise, lorsqu’il y a un problème, lorsqu’il y a une crainte ou une peur, les gens ont la coutume de recourir à la foi, mais : s’agit-il d’une foi authentique? Je me réfère à cette foi comme évasion, non à la foi comme conviction absolue en la croyance en Dieu. L.B. : La théologie fit toujours la distinction entre la foi utile et la foi spirituelle. La foi spirituelle est la foi qui ne dépend de personne, a trouvé Christ et réaffirme sa relation positive : c’est la foi précieuse qui vit par la valeur d’elle-même. Mais existe aussi la foi utile qu’il ne faut pas déprécier lorsque nous sommes désespéré nous nous rendons compte de notre condition humaine, de ce que nous sommes autonomes, que nous dépendons d’un verre d’eau, d’un peu de pain, de l’étreinte d’une personne, cela est la condition humaine et là émerge la foi. Pour les écritures chrétiennes, l’opposé de la foi n’est pas l’athéisme, ce n’est pas la non foi, c’est la peur, parce que la peur détruit toute la vision lumineuse, tout le sentir des choses. Dans l’évangile Jésus apparaît et dit : ‘’ Ne craignez pas, c’est moi, croyez-en moi ‘’. Ce ‘’croire‘’, s’abandonner, est affirmer que le sens possède plus de valeur que l’absurde, que l’ultime parole possède la lumière et non les ténèbres, la vie et non la mort. Dans les moments limites nous disons que quelque chose nous dépasse, et nous croyons que en ce quelqu’un qui puisse intervenir, nous sauver, créer pour nous un sens nouveau. Alors, nous pouvons oui et amen, parce qu’au sens biblique croire signifie dire à l’autre, à Dieu, oui et amen, je m’ouvre, j’accepte, je réaffirme la valeur de la vie plus que la valeur de la mort et de la guerre. (*) José Zepeda est directeur du Département latino-américain Source : www.rnw.nl/informarn/html/act030418_entrevistaboff.html Traduit de l’espagnol par : Pierre Trottier, août 2003 Sur d’autres sujets on pourra consulter : |
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