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Grassy Narrows, lutte pour le territoire et la souveraineté

CANO, Jueves, Julio 24, 2003 - 22:32

Depuis le 3 décembre 2002, la communauté Anishnaabe de Grassy Narrows bloque une route forestière à Slant Lake, 80 km au nord de Kenora, afin d’interdire l’entrée des d'équipements dans des zones de coupe d'arbres situées sur leur territoire traditionnel. Auparavant, les membres de cette communauté Anishnaabe avaient protesté par les voies officielles contre les coupes à blanc exécutées par Abitibi Consolidated. Ballotés entre le gouvernement fédéral, qui refuse de discuter du cas parce que la gestion du territoire et des ressources n'est pas de sa juridiction, et le gouvernement provincial, qui ne veut pas entendre parler des traités aborigènes, la communauté Anishnaabe a dû se rendre à l'évidence: ils doivent agir par eux-mêmes. Mais au-delà de la lutte contre Abitibi Consolidated se dessine le combat des premières nations pour la souveraineté et l'auto-gouvernement.

Par Dave Brophy

Depuis le 3 décembre 2002, la communauté Anishnaabe de Grassy narrows bloque une route forestière à Slant Lake, 80 km au nord de Kenora, afin d’interdire l’entrée des camions de billes de bois dans des zones de coupe situées sur leur territoire traditionnel. Auparavant, les membres de cette communauté Anishnaabe avaient protesté par les voies officielles contre les coupes à blanc exécutées par Abitibi Consolidated.

A maintes reprises, les préoccupations de la communauté ont été ignorées et ce tant par le Ministère des Affaires Indiennes et du Nord (MAI) que par le Ministère des Ressources Naturelles de l’Ontario (MRNO). Le MAI est responsable de la représentation du Canada en tant que signataire des Traités des Premières Nations et par conséquent est chargé des Droits des Autochtones et des Traités, tandis que le MNRO clame sa juridiction sur les ressources sur le territoire de l’Ontario, et est donc responsable de l’émission des permis de coupe d’arbres.

Avant de délivrer ces permis, le MNRO a en théorie l’obligation de consulter les Premières Nations, mais il est courrant que des décisions soient prises sans l’appui des communautés concernées. Ce fut le cas avec Grassy Narrows, dont la participation au processus de consultation avec le MNRO et Abitibi Consolidated se résume à bien peu. Malgré que la communauté se soit fermement aux coupe à blanc, le MNRO a régulièrement approuvé des plans permettant à Abitibi Consolidated de déforester les territoires traditionnels.

Depuis des décennies, l’OMNR a par sa gestion de l’extraction de bois a soutenu les intérêts corporatistes, et ce malgré les effets catastrophiques de cette industrie sur l’écosystème et la santé humaine. Par exemple, des permis de coupe accordés dans les années 70 à la Weyerhaeuser Corporation ont mené à la contamination par le mercure du réseau hydrographique English Wabigoon, où la communauté de Grassy Narrows est par ailleurs située.

Lorsque les Droits des Autochtones et des Traités des communautés des Premières Nations ne sont pas respectés par les termes des permits de coupes émis par le MNRO, comme dans le cas Grassy Narrows, le ministère provincial les réfère au MAI. Mais lorsqu’une procédure d’appel est intentée au MAI, le ministère fédéral prétend qu’il a les mains liées par la juridiction ontarienne sur les territoires et les ressources et ne peut par conséquent agir. La collusion entre les deux paliers de gouvernement crée donc une situation où les corporations peuvent facilement accéder aux ressources des territoires des Premières Nations.

TACTIQUES ET STRATÉGIES
Le barrage de Slant Lake fut dressé en tant que mesure extra-judiciaire afin d’empêcher un autre pillage corporatiste sous auspices gouvernementales. Joe Fobister, un trappeur traditionnel de Grassy Narrows, explique : « Le 3 décembre, nous avons décider de récupérer notre territoire puisque nos relations de traité avec le Canada avient échouées. Le Gouvernement de L’Ontario prétend que c’est leur territoire. Mais l’Ontario n’est pas une partie du traité. Nous avons signé le traité avec le gouvernement du Canada, avec la Reine, plus exactement… Nous avons parlé abec Robert Nault, Ministre des Affaires indiennes. Il a dit n’avoir aucune juridiction sur les ressources du territoire. Et le gouvernement de l’Ontario dit ne pas pouvoir discuter au sujet des traités. Personne ne veut faire quoi que ce soit, alors je pense que c’est à nous d’agir. » En empêchant l’accès à la forêt de Whisky Jack, le barrage a considérablement réduit les coupes sur les territoires traditionnels de la communauté. Malgré que les camions forestiers puissent accéder aux zones de coupes par deux autres routes, ces alternatives ajoutent des heures de transport entre le lieu de coupe et la scierie. Occasionnellement la communauté érige des barrages temporaires sur ces deux autres points d’entrée afin d’empêcher totalement les coupes.

Tandis que le barrage est la manière la plus directe employé afin d’interférer avec le bon déroulement affaires de la compagnie, la communauté utilise aussi des manifestations et des sorties publiques afin de faire pression sur le gouvernement canadien. À la mi-mars, une délégation, formée de membres de la communauté et d’alliés de l’extérieur, incluant des étudiants de niveau collégial, des leaders de barrage et des Warriors Oliijida, s’est rendue à Toronto afin de remettre une lettre au Ministre des Ressources Naturelles, Jerry Ouellette. Le 17 mars, avec l’appui de manifestant torontois, ils ont à nouveau manifesté devant le bureau central du MNRO, tentant de remettre en main propre une lettre au Ministre. Comme cela arrive trop fréquemment ils se sont vus interdire l’entrée de l’édifice et sont repartis sans réponse aucune des autorités.

Plus tard cette semaine, la délégation a participé à une manifestation montre organisée contre l’Acte de Gouvernance des Premières Nations (AGPN), qui était alors discuté par un comité de Premiers ministres à la station Union de Toronto. La délégation avait pour objectif de sensibiliser les membres du mouvement anti-AGPN à sa cause.

Les Premières Nations s’opposent à l’AGPN parce que l’Acte ne changera pas les structures fondamentales de la gouvernance au Canada. Il ne pourrait que réformer un système aux failles inhérentes qui isole et divise les communautés individuelles des Premières Nations, les forçant à se défendre elles-mêmes en tant que minuscules municipalités. De cette dispersion du pouvoir résulte une situation politique qui permet au MNRO et au MAI d’ignorer les demandes des Premières Nations telles que celles des Anishnaabe de Grassy Narrows.

C’est pourquoi le thème de l’auto-gouvernement est au cœur de la lutte de la communauté pour le contrôle des ressources locales. Cette lutte exige l’auto-gouvernement, non seulement pour des réserves de manière individuelle, mais pour toutes les Premières Nations, qui doivent posséder le plein pouvoir politique afin de coordonner leurs efforts dans la réclamation de leurs droits collectifs.

Fobister explique le système actuel de gouvernement et sa vision d’une alternative : « J’aimerais qu’au cours de la prochaine semaine ou à peu près, que nous allions de l’avant et que nous désigniions, élisions un leader traditionnel. De là viendra notre pouvoir. Parlant de souveraineté : j’en ai assez de supplier. Il y a déjà 130 ans, depuis que le traité a été signé, que mon peuple supplie, et ainsi nous n’avons rien obtenu . Et comme sont les choses nous continuerons à ne rien obtenir. Nos Conseils de Bande n’ont aucun pouvoir parce que les Affaires Indiennes (MAI) contrôle l’argent, contrôle leur argent. Les Conseils de Bande sont une extension des Affaires Indiennes. Et nous devons négocier avec eux, avec ce type de leadership. Ils ne sont rien d’autre que des administrateurs. Ils n’ont aucun pouvoir. Je pense que nous avons le pouvoir. Nous formons un gouvernement traditionnel parce que lorsque notre lutte dépasse les limites de la réserve pour se transporter sur nos terres, personne, ni même le gouvernement, n’est intervenu. Alors ceci est le message : ils ont peur de nous .»

Cette perspective radicale est d’une grande force parce qu’elle aligne le cas Grassy Narrows avec le vaste mouvement des Premières Nations luttant pour leur souveraineté. Ceci fut clair lorsque Grassy Narrows lança un appel à l’action aux communautés de Aroland et Hornepayne afin qu’elles érigent leurs propres barrages et que les autres communautés expriment leur appui publiquement. De la même façon ceci fut clair lorsque le Cher Régional Ontarien Charles Fox, ainsi que le chef national Matthew Coon Come, visitèrent le barrage. Les deux leaders avaient alors exprimé leur fort appui au barrage et avaient attiré l’attention sur sa signification non seulement concernant le futur de Grassy Narrows, mais également pour les nombreuses autres Premières Nations luttant pour la souveraineté. Espérons que les actions directes de Grassy Narrows pourront contribuer aux gestes de large portée des autres Premières Nations voulant se soustraire aux politiques législatives à la « divide and conquer » du gouvernement canadien , en même temps que ces gestes pourrons également bénéficier à la communauté Anishnaabe. Il semble de plus clair que le barrage de Slant Lake bénéficierait d’un boycott efficace sur les produits d’Abitibi Consolidated. Une telle campagne est présentement à l’étude au centre Forest Ethics de San Francisco, dont les délégués ont récemment visité Grassy Narrows. Le boycott pourrait également viser le siège social de Abitibi à Montréal. De la même manière, des pressions devraient continuer à être exercées sur le MNRO, tout spécialement à son siège de Toronto ainsi qu’à ses bureaux régionaux à travers la province.

Enfin, les visiteurs peuvent continuer d’appuyer moralement et matériellement le barrage. Ils pourront aussi se joindre aux manifestant afin d’atteindre des effectifs permettant d’étendre le barrage à d’autres sites.

S’ORGANISER POUR GAGNER
Nonobstant, et comme en sont conscients les participants au barrage de Slant Lake, l’efficacité de leur action afin d’acquérir une protection à long terme pour leurs droits traditionnels d’utilisation du territoire requerra plus que l’arrêt des coupes à blanc par Abitibi sur leurs territoires traditionnels. Finalement, le succès à long terme du barrage dépendra des changements apportés à la façon dont les Premières Nations peuvent faire valoir leurs droits de manière collective.

Par conséquent, les efforts de la communauté au cours des prochains mois pourront être complémentés par des efforts solidaires qui inscriront la lutte de Grassy Narrows dans la ligne du combat plus ample pour la souveraineté de toutes les Premières Nations. Ce combat doit faire s’engager le MAI et le gouvernement fédéral qui tente d’instituer l’AGPN. Au cours du processus, le défi pour beaucoup d’activistes sera de comprendre ce que signifie être allié de la lutte pour la souveraineté des Premières Nations.

*Dave Brophy est un membre des Amis de Grassy Narrows, Winnipeg.

(traduction: Consejo Andino de Naciones Originarias-CANO)

Site web de Grassy Narrows: historique, documentation, photos et pétition
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