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Alice au Pays des Merveilles ou une promenade de santé qui ne devait pas en être une.Olivier Roy, Lunes, Abril 7, 2003 - 11:58 (Analyses | Guerre / War)
Olivier Roy
Une "guerre" qui n'en aura pas été une; un mouvement "pacifiste" qui a échoué et le retour à l'ordre. Le rideau va bientôt se refermer sur les acteurs de la pièce. Maintenant que la "guerre" de la coalition britannico-états-unienne contre le régime de Saddam Hussein est entrée dans sa dernière phase, c'est-à-dire la prise imminente de Baghdad, le temps est venu de se défaire des illusions naïves. Ce n'aura pas plus été un autre Viêt-nam que l'Afghanistan et la campagne éclair de Rumsfeld et Wolfowitz, sans s'être totalement concrétisée, n'aura pas été tout à fait irréaliste. À peine quelques jours après le début de cette promenade de santé, de cet exercise, les "pacifistes" invoquaient déjà un nouveau Viêt-nam, devant la "lenteur" de l'avancée des troupes, comme si tout le monde s'attendait à voir Georges Bush et Tony Blair dans une cérémonie d'intronisation d'un grand démocrate à Baghdad le 27 mars. Il faudrait savoir distinguer entre un rêve et une réalité. Aujourd'hui, après dix-neuf jours, les soldats états-uniens prennent leur douche dans les palais présidentiels de Saddam à Baghdad. Ils n'étaient même pas arrivés aussi vite dans Kaboul. Les locques qui restent du régime de Saddam Hussein, essentiellement l'(ex-)ministre de l'Information, le seul officiel a être apparu au cours des derniers jours, en est rendu à se ridiculiser en niant la présence des soldats ennemis qui sont à cinq cents mètres de lui et qui se promennent dans "sa" capitale comme s'ils étaient à Washington. On critiquait le fait que ce vaste territoire que les "alliés" se vantaient de contrôler, n'était composé que de désert, qu'ils ne contrôlaient effectivement aucune ville. Là était toute leur stratégie: viser Baghdad en sachant qu'une fois la capitale tombée, tout le reste suivrait encore plus vite qu'un château de cartes. Et ils ne se sont pas trompés. Nous nous sommes trompés. La "résistance" que nous avons glorifiée n'était guère plus qu'une illusion et le peuple irakien s'accomodera de l'occupant tout comme le peuple afghan. Chacun essaiera de tirer ses cartes du nouveau jeu qui commencera. Oui, le mouvement "pacifiste" a échoué car, non seulement, il n'a pas su contrer cette guerre, mais il s'est de plus rapidement construit des mirages pour se croire influent. Il n'a pas su se détacher du pacifisme de salon. Une fois de plus, le mouvement d'opposition a été détourné vers un idéalisme couard, signant des pétitions et marchant paisiblement dans la rue, s'imaginant changer ainsi l'issue des évènements. Au cas où certains l'auraient oublié, nous vivons dans une "démocratie" représentative et non pas participative. En dehors des périodes électorales, le pouvoir se moque éperduement de ce que pense le citoyen. Maintenant que cette "guerre" se termine, que le prix du pétrole va baisser et les cotes boursières remonter, augmentant ainsi la valeur des placements et réer de monsieur et madame tout le monde, tous ces pacifistes de salon se taperont sur les doigts, se disant qu'ils ne se feront plus prendre dans une telle illusion, par une bande d'utopistes d'extrème-gauche anti-américains. Les "petis-gars" ont fait du beau boulot, ils n'ont pas tué trop d'Irakiens en dehors de quelques dommages collatéraux tout à fait involontaires et grâce à leur courage(sic), le monde est libéré d'un autre tyran. Pourquoi se plaindre? Mieux vaut retourner au train-train quotidien qui, lui, n'est pas fait d'incertitudes. Si on veut contrer la prochaine "guerre" (Iran, Syrie, Corée du Nord, faites vos jeux...), il faut apprendre des erreurs que nous venons de faire et passer aux choses sérieuses. Les pétitons et manifestations "pacifistes", ce n'est que symbolique et lorsqu'elles ont un effet, il n'est qu'à court terme. Pour faire bouger les gens, il faut frapper leur imagination, mais force est de constater que le panorama de Baghdad sous les bombes est plus impressionant que deux cent mille "pacifistes" dans les rues de Montréal. Il faut sortir de ce "pacifisme" couard et naïf. La désobéissance civile, l'action directe ont fait leurs preuves dans d'autres cas, malgré que leur utilisation est demeurée limitée. Il est temps de généraliser ces principes d'action si on veut vraiment créer ce monde meilleur auquel nous pensons. À défaut de cela, les Rumsfeld et Wolfowitz de ce monde pourront continuer de se bidonner en nous voyant et dormiront sur leurs deux oreilles jusqu'à la fin. Au-delà du fait notable que l'opposition à cette "guerre" s'est déclarée avant même le début de l'offensive, pour diverses causes, on est encore très loin de pouvoir crier victoire. Les manifestations contre la guerre du Viêt-nam sont un précédent dont il faut tirer des leçons. Il ne faut pas oublier que les années qui ont suivi ont été le théâtre de multiples interventions illégales et illégitimes des États-Unis contre divers états, du Nicaragua à la Lybie en passant par Panama, la Grenade et le Chili, tout cela sans que personne ne se lève pour dire non à ce désordre établi. Nous ne sommes pas à l'abri d'une telle évolution, surtout si nous ne nous prémunissons pas contre un triomphalisme prématuré. Si la fin de l'empire est innéluctable, elle n'est pas pour autant imminente. Il s'agit que, comme de Gaulle en 68, un dirigeant affirme que "le temps est venu de sonner la cloche de la récréation" pour que beaucoup d'individus rentrent à nouveau dans le moule sécurisant et douillet. N'oublions pas cela. |
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