La puissance des multinationales est énorme, elles ont une influence directe sur les politiques gouvernementales, elles contrôlent une bonne part du contenu des différents médias de masse et ainsi censurent l'information que reçoit les citoyen. Ces compagnies énormes sont dirigées par un seul objectif: le profit. Elles vendent non-plus des produits, mais un logo et l'image qu'on y associe. Leurs campagnes de marketing visent à créer une culture désirable de biens de consommation à logo. Elles visent à associer une multitude de valeurs attrayantes à un simple logo insignifiant à la base. Ces compagnies atteignent leur objectif, car les gens (même les plus démunis) sont prêts à payer le gros prix pour avoir leur logo préféré d'apposé sur ce qu'ils achètent... C'est ce phénomène qui sera exploré par cet article qui tire l'essentiel de l'ouvrage de Naomi Klein: No Logo.
Aujourd'hui, les entreprises les plus prospères travaillent à produire des marques plus que des marchandises. C'est à dire que la vente d'un produit dépend plus de l'opinion face à une marque que de la qualité de la marchandise. Donc, il s'agit pour les compagnies de convaincre les gens d'adopter une attitude favorable face à une marque par des techniques sophistiquées de persuasion. Les entreprises mettent maintenant beaucoup d'argent et d'énergie dans ces techniques de marketing, et la plupart vont même jusqu'à se départir de la production pour se contenter de commander leurs produits à des entreprises indépendantes et d'y apposer leur logo par la suite. Quelles sont les principales techniques utilisées pour rendre l'attitude des gens favorables à leur logo? C'est ce que nous essaierons d'examiner en regardant les techniques de persuasion utilisées par les multinationales: principales productrices de logos populaires.
Brin historique
Avec le début de la production industrielle, des produits uniformes et quasi-identiques ont envahi le marché. C'est ce qui a donné naissance au branding, dont le premier rôle a été de donner un nom propre à des produits semblables comme, par exemple, le sucre. C'est aussi ce qui a amené une transition progressive du rôle principal de la publicité qui était, jadis, d'annoncer l'existence d'un produit et qui s'est transformé tranquillement à associer une image et une identité à une marque de commerce particulière.
Dans les années 1990, deux développements importants du marketing se sont faits voir. Premièrement, il y a eu les magasins d'aubaines qui sont venus prendre une part incroyable du marché en ce qui a trait aux articles essentiels de la vie, et deuxièmement, il y a eu les marques "d'allure" qui se sont appropriées le marché des éléments faisant parti du mode de vie, et qui ont pris une part importante de l'espace culturel. Ces deux développements ont amené une démarcation entre "réducteur de prix" et "bâtisseur de marque à concept". Donc, en gros, on peut diviser les entreprises en deux grandes catégories: celles qui s'en tiennent au produit et celles qui adoptent le logo. Pour ce qui suit, nous allons nous en tenir à la deuxième catégorie qui prend de plus en plus de place dans notre société actuelle.
Le logo et son imprégnation dans la culture
C'est donc le développement des entreprises qui vendent une marque et qui mettent leur argent à rehausser cette image de marque qui a fait que le logo (symbole d'une marque commerciale particulière) s'est inséré de façon de plus en plus omniprésente dans la culture, et cela en échange de subventions venant de ces entreprises. C'est par cette imprégnation culturelle(plus ou moins subtile), que les gens viennent à adopter une attitude favorable face à une marque vis-à-vis laquelle ils n'avaient aucune attitude. Le logo est apparu dans le paysage urbain, dans les médias écrits, auditifs, télévisés et électroniques, dans les événements musicaux, dans les événements artistiques, dans le sport et dans presque tout autre événement culturel.
Le logo s'insère dans les médias, la plupart du temps par l'intermédiaire de la publicité et parfois il s'intègre plus directement au contenu officiel. Les contrats publicitaires vont jusqu'à conclure des ententes quant au contenu des médias qui est présent autour des publicités. Ces ententes ont pour but que le contenu ne nuise pas à l'image de la marque et parfois même pour que le contenu rehausse l'image de la marque. Ça peut aller encore plus loin, car les propriétaires de médias peuvent avoir des intérêts économiques (venant de quelconques fusions ou partenariats avec d'autres entreprises) à contrôler le contenu officiel de façon à ne pas nuire à certaines images de marques propagées par le contenu publicitaire, ce qui est une forme de censure. De plus, beaucoup de projets médiatiques(produit culturel) sont commandités dans le but que les projets obtiennent une aide financière. Cela implique que le contenu doit être approuvé par le commanditaire et doit faire la promotion de ses produits, ce qui restreint la liberté de ce sur quoi portera le projet. Par exemple, à la télévision, de telles émissions utiliseront des produits à logos visibles comme les vêtements des acteurs ou les divers produits de consommation utilisés (boisson, cigarettes, voiture, etc.). Aussi, un profil démographique détaillé du consommateur des médias est souvent tracé et rendu disponible aux commanditaires, ce qui leurs permettent de cibler de façon juste leur clientèle et d'augmenter ainsi l'efficacité de leur campagne publicitaire.
Sur internet, des sites sont souvent construits par ce qu'on appelle des "développeurs de contenu". Le rôle de ces gens (ou compagnie) est de produire des textes et des contenus de site qui présentent le produit "marqué" de leurs clients comme attrayant. Il y a aussi des compagnies qui produisent des sites elles-mêmes en mettant de l'information convoitée pour attirer les gens sur le site et ainsi les influencer d'une quelconque manière pour qu'ils aient une attitude favorable à l'égard de leur logo. À titre d'exemple, il y a la compagnie Gap qui offre des conseils de voyage sur son site(Klein, 2001).
Les vedettes sont un autre produit culturel auquel les compagnies tentent d'associer leur marque pour rehausser leur image. Les corporations essaient d'associer une figure célèbre et appréciée du grand public à leur logo en espérant que ce dernier deviendra également célèbre et apprécié. Il y a même des marques qui engagent des groupes de musique, et dans ces cas là on essaie de mettre la marque et son logo en premier plan pour reléguer l'artiste au second. Un exemple intéressant est celui des "Blind Dates" réalisé par Molson et Miller(Klein, 2001, p.76-77). Ces événements sont des concours où seul les gagnants ont le privilège d'assister à un concert surprise où l'artiste qui entrera sur scène fera sa performance dans une salle beaucoup plus intime qu'à l'habitude. L'originalité est que pendant toute la promotion et la publicité entourant cet événement, l'artiste (à la mode, bien sûr) qui jouera est gardé secret jusqu'à son entrée sur scène. C'est là que se trouve l'astuce, car avant le spectacle personne ne connaît l'artiste, mais tout le monde connaît l'organisateur (la marque), donc toute l'attention est tournée vers le spectacle Molson et non le spectacle de tel ou tel groupe musical. Le résultat est que ce qui est gardé dans la mémoire des gens avant le spectacle est la marque de commerce et non l'artiste. Ce dont le public parle est la marque et c'est ce qui augmente incroyablement la présence de Molson lors de ces événements. Cette présence accrue devrait aussi rendre les attitudes plus favorables à l'égard du logo ne serait-ce que par son exposition accrue.
Le sport est un autre produit culturel, et certaines marques tentent de s'en approprier une part. Dans le volume de Klein(2001) on illustre ce phénomène par l'exemple de la compagnie Nike. La stratégie de Nike peut être résumée ainsi; Nike prend des athlètes de renom venant de l'élite sportive et les transforment en célébrités encore plus connues (comme Jordan) par des campagnes publicitaires et promotionnelles d'envergure. Cette compagnie associe ces (ou ses) figures connues (et son logo) à des valeurs sportives populaires ou rendues populaires par les campagnes publicitaires.
Une des dernières conquêtes de l'espace culturel par les compagnies de marque est le territoire des écoles et des universités. Les écoles, avec l'avènement des nouvelles technologies, se devaient d'adopter ces nouvelles technologies, mais le budget pour le faire pouvait s'avérer manquant. Une façon d'y remédier a été le partenariat commercial avec le privé qui pouvait fournir l'argent manquant, moyennant leur présence dans les institutions scolaires. Il y a eu de la publicité insérée dans des programmes d'actualité pour les jeunes. Il y a eu des ententes d'approvisionnement alimentaire entre les écoles et les chaînes de restauration rapide (surtout aux États-Unis). Il y a eu aussi des contrats donnant des droits de distribution exclusifs à certaines compagnies pour certains produits, dans certaines institutions d'enseignements, (par exemple l’Université de Montréal et Pepsi). Dans les universités, les panneaux d'affichage se sont intégrés au paysage, dans les cabinets de toilettes, sur les supports à vélo et sur les bancs. Il y a aussi des équipes sportives des écoles secondaires qui ont des ententes avec des compagnies qui posent leur logo sur les dossards et autres équipements sportifs ainsi que sur des bannières publicitaires dans les gymnases. De plus les compagnies réussissent parfois à avoir une influence sur le contenu des cours par l'intermédiaire de groupe d'enseignant et de concours, il y a l'exemple de concours pour la meilleure publicité qui sera faite, dans le cadre d'un cours, pour une certaine compagnie, et cela dans des écoles primaires et secondaires. Les marques ont même une influence sur les recherches universitaires, car elles subventionnent certaines recherches qui vont dans leurs intérêts. Klein(2001, p.135) va même jusqu'à citer un exemple où une compagnie pharmaceutique voulant prouver l'efficacité supérieure d'un médicament a donné des subventions de recherche. Le contrat comprenait une clause qui donnait droit de veto à la compagnie pour la publication des résultats, droit qu'elle utilisa, car les résultats n'allaient pas dans la direction désirée, ce qui empêcha la publication de la recherche à la dernière minute. Heureusement, (mais tardivement) après que certains médias américains aient mis l'attention sur la situation, l'article fut finalement publié avec deux ans de retard. D'autres exemples de ce genre sont aussi cités dans Klein (2001).
Avec tous ces domaines culturels rattrapés et submergés par les marques et leur logo, on assiste à un nouveau «[...]paradigme qui efface toutes les frontières entre branding et culture, ne laissant pas la moindre place à un espace dépourvu de marketing.» (Klein, 2001, p. 87)
Lortie, dans La Presse du 18 février 1998, nous démontre aussi cet envahissement publicitaire qui prend une grande place dans la culture. Elle nous fait part de l’exemple de Calvin Klein qui investit chaque année 20% de ses ventes nettes en publicité, et la cible culturelle de choix, pour cette multinationale, est le magazine. Elle a fait un petit calcul dont le résultat est le nombre de publicités imprimées sur la planète en une année par cette seule compagnie, ce chiffre est 800 millions. Elle nous parle aussi des stratégies de marketing qui visent à rendre une image de marque positive. Bref, ce qui est dit appuie une partie des affirmations de Klein (et non Calvin Klein !).
Cibles
L'année 1992 a été la première année depuis 1975 où le nombre d'adolescents a augmenté en Amérique, ils sont donc devenus la cible des compagnies à logo, car ces jeunes (ou leurs parents) sont prêts à payer pour être à la mode. La pression du groupe de pairs est importante à cet âge, donc la pression d'avoir des objets à la mode (désirés de tous) est forte. Les compagnies donnent une identité à leur logo pour qu'il soit accepté et désiré par ces jeunes. C'est cela qui mène les compagnies et les agences de publicité à étudier en profondeur le processus qui fait qu'un produit devient à la mode, devient "in" et "cool". Une des techniques utilisée par les sociétés productrices de logo pour comprendre la culture des adolescents est d'embaucher des jeunes représentant la mode et dévoilant les secrets de leur culture particulière. De tout cela découle l'imprégnation du logo dans la sous-culture des adolescents d'aujourd'hui. Ce sont donc ces objets à logo qui sont à la mode et ainsi désirés par les jeunes qui, pour la plupart, veulent avoir un sentiment d'appartenance à cette mode pour être acceptés des pairs. Ce qui est à la mode est désiré et ce sont ces compagnies, par le processus de marketing, qui décident de la mode en donnant une identité à leur marque. C'est la guerre entre les compagnies pour savoir lesquelles réussiront, par des campagnes publicitaires visant les jeunes, à être les plus "in".
Les milieux défavorisés économiquement sont une autre cible des marques. Il faut dire que les plus pauvres semblent généralement désireux de paraître à la mode pour des raisons qui ne seront pas élaborées ici. Les marques ont donc réussi à se faire désirer jusque dans les quartiers pauvres. Par exemple, des marques de vêtements (comme Nike et Tommy Hilfiger au début) ont rejoint les jeunes noirs des quartiers pauvres par l'intermédiaire des artistes du mouvement musical "hip hop" (auxquels les jeunes s'identifient fortement) en les rémunérant pour faire la promotion de leur produit. Ce mouvement musical s'est élargi dans toutes les classes ainsi que les marques qui y sont associées. Une fois que les compagnies ont réussi à faire adopter le produit, les gens portent le logo, placé en évidence, ce qui augmente la visibilité du logo dans les écoles et la société plus générale et renforce de cette façon toute la publicité par sa présence accrue. De plus, les compagnies embauchent parfois de jeunes promoteurs et distributeurs pour qu'ils ventent leur marque dans la rue, dans les clubs et sur internet.
Les compagnies ont réussi à trouver, par les spécialistes en recherche de marché, un trait de caractère commun aux jeunes des années 90: la diversité; diversité politique, culturelle, sexuelle, raciale etc. C'est donc un point sur lequel les identités de marque ont essayé de se bâtir en prenant des échantillons de gens diversifiés dans leur campagne publicitaire, en passant des messages s'adressant aux minorités ethniques, aux homosexuel(le)s ainsi que d'autres dénonçant la soumission de la femme, adoptant des slogans gauchistes pour rejoindre les opprimés et ainsi de suite. Les marques ont donc pris une identité que la génération X respectait et à laquelle elle s'identifiait et cela a rendu les attitudes de cette génération favorables à tous ces logos qui ont visé la diversité et le multiculturalisme. C’est un fait assez paradoxal, en fait, que les multinationales qui essaient d’uniformiser la culture pour la rendre désirable d’un seul type de produit(le leur), tente d’aller chercher les minorités en divulgant leur message.
Par les cibles visées et la façon d'atteindre ces cibles, par l'imprégnation du logo dans presque tous les domaines culturels, nous voyons par quel moyen le logo réussit à se créer une identité de marque, il réussit à évoquer des valeurs chez la population. La presse du 28 janvier 1998 a publié un article dans lequel il y a un sondage où les gens associent différents concepts, parmi lesquels nous retrouvons des valeurs et autres qualificatifs, à la compagnie Coke et Pepsi, ceci est un exemple qui nous fait voir que les gens associent vraiment des valeurs à des marques, et que les marques elles-mêmes deviennent un concept.
En guise de conclusion conclusion
Ce travail ne porte que sur l’influence majeure du logo sur la culture. Il y a énormément d’autres sujets à traiter quant à l’intégrité des multinationales. Je n’ai pas traité la production qui se fait dans les pays les plus démunis et amène ainsi l’exploitation des employés soumis à des conditions de travail médiocres(ce que Klein fait dans son ouvrage). Quant à leurs campagnes de marketing, il y a d’autres enjeux, comme le fait qu’elles perpétuent les stéréotypes, et surtout les stéréotypes sexuelles qui sont maintenus et accentus, d’où résulte, entre autre, l’exploitation de l’image du corps de la femme. L'envahissement de notre culture par la publicité et autre technique de marketing est surprenant. Les multinationales réussissent de cette façon à nous imprégner d'un désir de marchandise et ainsi d'un désir d'argent. Pour les générations naissantes, c'est un message qui façonne le développement de l'enfant. Beaucoup de valeurs sont véhiculées dans cet envahissement de notre culture par les multinationales: le matérialisme, l'argent, la richesse matérielle, le prestige(qui vient avec la consommation et l'abondance), le bien-paraître(qui vient avec la consommation de biens à la mode) pour en nommer que quelques-unes. Ces valeurs prennent peut-être la place de valeurs, à mes yeux, plus fondamentales comme le partage, l'amour, l'amitié et la santé physique et psychologique. La question à se poser est: est-ce que les multinationales et leurs biens de consommation ont pris une trop grande part de notre culture??
Références
Klein, N. (2001). No logo. (traduit par Michel St-Germain). France: Leméac/Actes Sud, 574 p. (version originale anglaise publiée en 2000)
Lortie, M.-C .(1998, 18 février). Quand tout le monde est au parfum. La Presse, p.D20.
Sondage. (1998, 28 janvier). La Presse, p.D20.
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