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Je ne voterai pas pour l'UFPAnonyme, Lunes, Marzo 31, 2003 - 12:39
Nicolas Lefebvre Legault
Je dois l'avouer, lors des dernières élections provinciales, je suis allé voter. C'est pas fort pour un anarchiste, je sais. Mais que voulez-vous, le candidat du PDS1 dans Taschereau, le camarade Marcoux, me faisait pitié et j'espérais secrètement qu'il puisse au moins récupérer son dépôt. Et puis, l'anarchisme organisé, à Québec, était dans une phase creuse et il n'y avait pas eu, cette fois-là, de campagne pour l'abstention. J'ai voté et puis après2 ? Et puis après je ne me ferai plus prendre! Cette année je ne voterai pas pour l'UFP, la nouvelle boutique du camarade Marcoux... Je dois l'avouer, lors des dernières élections provinciales, je suis allé voter. C'est pas fort pour un anarchiste, je sais. Mais que voulez-vous, le candidat du PDS (1) dans Taschereau, le camarade Marcoux, me faisait pitié et j'espérais secrètement qu'il puisse au moins récupérer son dépôt. Et puis, l'anarchisme organisé, à Québec, était dans une phase creuse et il n'y avait pas eu, cette fois-là, de campagne pour l'abstention. J'ai voté et puis après (2) ? Et puis après je ne me ferai plus prendre! Cette année je ne voterai pas pour l'UFP, la nouvelle boutique du camarade Marcoux... Le socialisme est-il soluble dans le "progressisme"? Même si je n'ai jamais adhéré à la stratégie partidaire du PDS, je me reconnaissais quand même un peu dans sa plate-forme et ses revendications. Le parti était pour une démocratie radicale et il était ouvertement anticapitaliste et socialiste (même si le socialisme en question était peu défini); il reconnaissait ouvertement la lutte des classes et, même s'il courtisait les mouvements sociaux, d'un côté il n'adoptait pas toutes les revendications à la mode et de l'autre, il n'a jamais souhaité satelliser les organisations sociales. Je ne retrouve plus rien de cela dans l'UFP. C'est comme si en voulant être crédible à tout prix, les forces à la base du nouveau parti avait dilué leurs programmes respectifs jusqu'à les rendre méconnaissables. Faut-il trahir ses idées pour être " rassembleur "? Le collectif dans lequel je milite a d'ailleurs écrit (3) : " Nous sommes contre l'idée de construire un énième parti de gauche. Notre classe a assez donné. Soit ce type de parti reste pur et dur et ne décolle pas, soit il nous trahit jusqu'à ce qu'il puisse prétendre au pouvoir ". Au risque de me faire des ennemis, j'ai bien peur que l'UFP ait déjà commencé à glisser sur la pente douce de la trahison tranquille. À commencer par le candidat dans Taschereau qui est pris pour défendre des idées contre lesquelles il s'est battu pendant des années dans le mouvement populaire. Le camarade Marcoux va, par exemple, défendre l'idée d'une "loi cadre pour l'élimination réelle de la pauvreté" ou encore l'idée d'un "revenu minimum garanti " (4). Mon candidat est plus crédible que le tien! Dans un autre ordre d'idées, le parti qui veut " faire de la politique autrement " court déjà après les vedettes. Comment analyser autrement la fierté de pouvoir présenter Amir Kadhir, un médecin autrefois candidat du Bloc Québécois, ou Omar Aktouf, un prof des HEC? Peut-être est-ce le fruit du hasard, mais au moment d'écrire ces lignes, ces candidats-là ont déjà leur face sur les poteaux à Montréal alors que les ti-clins qui se présentent à Québec n'ont toujours pas d'affiches de campagne (et il faudra voir s'ils pourront bénéficier, comme leurs camarades de la Métropole, de grosses affiches en plastique et en couleur pour rivaliser avec le PQ). Je paranoïe probablement, mais je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec les Jean Doré et les Jean-Paul L'Allier que d'autres "partis de gauche" sont allés chercher, en leurs temps, dans l'espoir de gagner les élections. Écraser la dissidence pour peser sur la réalité? L'une des ambitions de l'UFP est d'offrir une "voix politique" à la gauche sociale, qui n'avait pourtant rien demandé. Contrairement aux autres petits partis de gauche du passé qui s'adressaient essentiellement aux militantEs, l'UFP propose aux mouvements sociaux d'adhérer directement au "parti des urnes et de la rue". Les militantEs de l'UFP ne conçoivent la rupture d'avec le PQ que sur le mode partidaire et ne comprennent tout simplement pas les militantEs de gauche qui ont fait d'autre choix qu'eux (5). On peut déjà voir poindre, sous le prétexte d'une démarche unitaire, une volonté claire d'hégémoniser la gauche. Ceux et celles qui résistent au chant des sirènes sont traitéEs de sectaires, voire accusés de noyauter les groupes, quand on ne les présente pas carrément comme des imbéciles qui refusent de se salir les mains. L'idée, pourtant simple, de l'autonomie stricte des mouvements sociaux, pourtant officiellement revendiquée, n'est pas respectée par l'UFP. C'est à croire que certains sont en mal de courroies de transmission... Les expériences de politiques partisanes tant " M.L. " que démocrates, ont été désastreuses pour les mouvements sociaux. Pas surprenant, dans ce contexte, que l'autonomie soit au cœur des revendications des organisations de masse; on n'échange pas une tutelle pour une autre. Y-a-t-il une vie après l'unité de la gauche? Cette année je ne voterai pas pour l'UFP... Parce que je ne voterai pas pour personne du tout (il est hors de question que je vote pour le PQ, le PLQ, ou pire, l'ADQ). La politique étant une chose essentiellement collective, on me pardonnera de citer en conclusion une déclaration de La Nuit à laquelle j'adhère pleinement : "À la fausse gauche et à la vraie droite, plutôt que d'opposer une participation ridicule à la farce électorale, nous opposons une stratégie de contre-pouvoirs. En effet, le meilleur moyen de défendre nos droits et d'organiser une résistance capable de vaincre, reste encore la rue. (...) Les meilleurs outils contre le néolibéralisme et le capitalisme triomphant ne sont pas de nouveaux partis (...) mais bien nos bonnes vieilles organisations de combat : nos syndicats, nos groupes populaires, nos associations étudiantes, nos groupes féministes, nos groupes écologistes, etc. Bien sûr, ces organisations ne sont vraiment pas toujours à la hauteur des enjeux, mais à qui la faute? Si les gauchistes, les radicaux, les anarchistes et les gens tout simplement combatifs désertent leurs organisations (...) peut-on se surprendre [qu'elles] ne nous ressemblent plus? Pour notre part, nous avons choisi de rester à nos postes de combats dans les luttes de classe et les luttes sociales. Un autre monde est non seulement possible mais nécessaire. Ce monde est à construire maintenant, dans nos luttes, pas dans les urnes. " Notes: 1) Parti de la démocratie socialiste, ex-NPD-Québec, l'un des trois partis de gauche à l'origine de l'UFP. 2) Comme ne l'aurait pas dit Ferré parce que lui, contrairement à moi, était conséquent. 3) Dans un texte que Droit de parole refuse de passer parce qu'il veut une opinion " personnelle ". 4) Article 2 a) et c) de la plate-forme politique de l'UFP telle qu'encartée dans l'édition de mars 2003 de l'Aut'Journal. 5) Lire à ce sujet l'entrevue avec Françoise David dans Espaces possibles, la revue " dans la mouvance de l'UFP ", qui est à cet égard un morceau d'anthologie.
Site du journal Droit de Parole duquel est extrait ce texte.
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