Sourds aux appels à la raison émanant d’un grand nombre de pays à travers le monde, dont l’Allemagne, la France, la Russie et la Chine – les trois dernières étant des membres permanents du Conseil de Sécurité où ils jouissent du droit de veto, et aux cris de millions de manifestants pacifistes qui ont défilé, le 15 février, à travers les capitales du monde, les Américains continuent de bomber le torse et de se préparer activement à la guerre contre l’Irak. Leur objectif déclaré : la destitution de Saddam Husseïn et de son régime oppresseur. Leur objectif secret : occuper l’Irak, y installer un gouverneur militaire américain (ou, au mieux, un gouvernement autochtone complètement soumis à leur volonté) et mettre la main ainsi définitivement sur l’une des plus importantes réserves de pétrole au monde.

Ce que les stratèges du Pentagone et du Département d’Etat ont tendance à oublier, c’est que l’avenir de l’Irak est d’abord l’affaire des Irakiens et que ces derniers ont leurs visions propres de l’Irak de l’après-Saddam. Ils sont en majorité favorables à un changement démocratique dans leur pays, ont également des approches diverses, et parfois divergentes, des avantages et des inconvénients d’une intervention extérieure visant à provoquer la chute du régime de Saddam, ainsi que des conséquences de cette intervention sur l’ordre en vigueur en Irak, au Proche-Orient et dans le reste du monde. Tour d’horizon des vues exprimées par les représentants de l’opposition irakienne en exil…

Démocratie, fédéralisme, désarmement…

L’une des personnalités-clés de l’opposition irakienne est le Dr Ahmed Chalabi, directeur du Congrès national irakien (CNI), qui rassemble différents groupes d’opposition irakiens en exil. Cet homme d’affaires, qui vient de l’une des familles les plus riches de l’Irak, a fait ses études au mythique MIT, à Boston. C’est un mathématicien de formation qui a été coopté par l’establishment américain. Il a des amis au Congrès et connaît les mentalités américaines pour y avoir longtemps vécu. Ce qui l’a aidé à créer une sorte de lobby en sa faveur malgré l’opposition de la CIA et du département d’État, dont les Américains.

Les Etats-Unis, qui voudraient faire du Dr Ahmed Chalabi un Hamid Karzaï mésopotamien, ont décidé de dépenser l’important reliquat des fonds – près de 90 millions de dollars – alloués par l’Iraq Liberation Act, voté par l’Administration Clinton, pour entraîner militairement 10.000 opposants irakiens désignés par le mathématicien. Ces derniers vont servir d’informateurs et de supplétifs à l’armée américaine. Ils devraient notamment guider sur le terrain les bombes intelligentes, aider à organiser une administration militaire, organiser des camps de prisonniers…

Le Dr Ahmed Chalabi définit les objectifs du CNI en quatre points:

1 - La création d’un gouvernement parlementaire démocratique qui respecte les Droits de l’Homme et œuvre pour la mise en place d’un Etat fédéral.

2 - L’instauration d’un régime qui récuse tout recours à la force pour la résolution des problèmes internes.

3 - L’établissement de nouvelles relations avec les pays voisins, basées sur le rejet du recours aux armes et à l’agression.

4 - L’adoption d’une politique de non-acquisition d’armes de destruction massive.

Selon ce leader de la dernière heure, les Etats-Unis devraient jouer en Irak un rôle semblable à celui qu’ils avaient joué en Allemagne et au Japon au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale. Traduction : ils devraient faciliter la transition vers l’après-Saddam (ou “ dé-saddamisation