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Le délai de grâcesonia, Miércoles, Marzo 5, 2003 - 09:09 (Analyses | Guerre / War)
Maylène
« Ce matin, ce que nous craignons et que les gens d'ici, les Irakiens, attendaient, est arrivé : la nouvelle résolution du Conseil de Sécurité donne le feu vert pour la guerre... » « Ce matin, ce que nous craignons et que les gens d'ici, les Irakiens, attendaient, est arrivé : la nouvelle résolution du Conseil de Sécurité donne le feu vert pour la guerre. Nous venions d'apporter des lettres aux ambassades des quatres États membres du Conseil de Sécurité représentés ici. Nous leur demandions de les faire parvenir aux plus hautes instances de leur gouvernement. Mais qui sommes-nous, nous les signataires de cette lettre, qui exprime le voeu de ne pas recourir à la guerre comme solution du conflit. Nous nous laissons aller à rêver que notre lettre est la goutte d'eau qui fera déborder le verre de la résistance à la guerre... Mais qui sommes-nous ? Des fous qui croient pouvoir faire quelque chose contre cette machine de guerre qui compte par tonne les instuments d'anéantissements et investit des milliards pour défendre des soi-disant droits internationaux. Mais ici, dans le Camp de la Paix à Bagdad, nous ne sommes pas du tout "quantité négligeable", parce que nous sommes avec des êtres humains venus de tous les pays possibles, des Indiens-Sioux aux Australiens, tous aussi fous, qui essaient de changer des rêves et des utopies en réalité, et qui veulent encore croire en l'instinct de survie de l'Être Humain. Je ne voulais pas parler de nous, mais des Êtres Humains qui sont ici, des femmes et des enfants irakiens qui ont obtenu un délai de grâce. Leur a-t-on accordé ce délai, parce qu'on espère que pour sauver leur vie, ils s'engageraient éventuellement contre leur gouvernement ? C'est peu probable qu'ils le fassent. On a assez répété en Occident qu'ici, il n'y a aucune démocratie. Sur ce point, il me semble que le peuple irakien se trouve derrière son président, non pas parce qu'il approuve l'occupation du Koweit, mais parce que le retrait du Koweit, dicté par des politiciens ociidentaux, ressemblerait à une défaite, à une humiliation. Une de plus dans la longue chaîne des humiliations que les peuples arabes ont dû accepter de la part du soi-disant Occident chrétien. Que cela nous convienne ou non, l'honneur et la dignité sont ici des concepts pour lesquels un homme est prêt à donner sa vie, et une femme, son fils. C'est avec des sentiments mélangés que, sur l'invitation de l'Oragnisation pour l'Amitié, la Paix et la Solidarité, nous sommes allés visiter aujourd'hui une île sur le Tigre. C'est vendredi, jour de repos pour les Musulmans. Les familles vont en pique-nique, les jeunes sont assis en cercle, chantent et frappent des mains. Des couples, manifestement amoureux, marchent, se tenant pudiquement par la main. Qu'est-ce que les gens pensent, ressentent, espèrent ? Des projets d'avenir pour les quelques semaines de délai qu'ils leur restent encore ? Ou pour un avenir commun quand le cauchemar sera terminé ? Est-ce vraiment un cauchemar pour les mères qui courent après leurs enfants, nettoyés comme des poupées, ou pour les jeunes filles habillées sport et élégantes qui s'amusent en chantant ? Le petit garçon balancé dans les bras de son père est encore trop jeune pour sentir la menace. Les familles sont-elles venues ici pour jouir le plus possible de la nature, qui sera peut-être contaminée et détruite ? Des groupes de jeunes jouent au foot. Tout à l'air si normal ; on pourrait être n'importe où. Les gens cachent-ils leur peur ? Refoulent-ils leur peur pendant que le temps avance et que le délai de grâce accordé raccourcit ? Ou bien ont-ils une foi inébranlable dans la victoire de leur armée, prête au combat ? Il semble qu'ils ne ressentent pas la certitude de vaincre, ni qu'ils ne la simulent. Personne ne se montre très euphorique, mais on ne ressent pas non plus l'accablement. On s'attend à tout.» Ecrit par Maylène, à Bagdad, Irak, le 29 novembre 1990. Certains n'ont rien appris de l'Histoire. |
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