« Que ceux tentés par l`aventure
se joignent à nous »
-Refus Global
Par Gabriel Anctil
Co-réalisateur du film Ce n’est qu’un début…
sur le Sommet des Amériques et le mouvement militant
Au Québec le cinéma documentaire tend de plus en plus à assumer sa fonction sociale. Audacieux et percutant il devient une arme de combat qui sert la population en accélérant sa compréhension d’un évènement ou d’un enjeu social. Depuis l’Erreur boréale (1999) de Richard Desjardins et Robert Monderie, qui dénonçait l’effroyable pillage de la forêt québécoise par les multinationales, des dizaines de documentaires se sont efforcés d’expliquer les innombrables injustices qui grugent silencieusement nos sociétés mal informées.
Ces documentaires politiques se sont révélés être de surprenantes ripostes à l’information inoffensive et sans conséquence des médias de masse. À canons et à boulets réduits, des films comme La Loi de l’eau de Robert Monderie ou encore Bacon, le film d’Hugo Latulippe ont grandement aidé à sensibiliser la population, soudainement consciente des dommages causées par les grosses industries et des lacunes environnementales de notre gouvernement.
Mais ce cinéma va plus loin dans la compréhension du système : il installe le doute dans la tête des gens. Comprenant mal pourquoi les faits présentés par ces films n’ont jamais percés les médias mercantiles, les spectateurs commencent à questionner le rôle et les visées réels de ces outils affirmant être au service de tous.
Une réponse à l’irresponsabilité organisée
Le cinéma politique s’est installé plus à gauche, rééquilibrant ainsi le dérapage démagogique de l’information-spectacle et comblant en partie le manque d’emprise sur l’information que ressent une portion de plus en plus grande de la population. Celle-ci s’aperçoit davantage chaque jour que les grands médias propagent des nouvelles criblées de conflits d’intérêts, vouées aveuglément à la défense des valeurs du marché tout en délégitimant grossièrement certains évènements ou initiatives s’attaquant directement au système (manifestations, dénonciations, voix discordantes...).
En ouvrant la télévision ou les pages de votre journal préféré, vous risquez fort bien de tomber sans vous en apercevoir dans ce monde digéré, fabriqué et présenté par les ouvriers d’un grand financier. Il s’agit du vol organisé de la réalité.
Ce cinéma politique qui vise les contradictions du système, prouve les détournements de pouvoir et propose des changements concrets et logiques est la réponse et le résultat d’années de monopole médiatique, de perte de confiance et de frustration populaire qui ont menés inévitablement à cette réappropriation citoyenne de l’information. Le succès public d’un tel cinéma prouve la dégringolade de l’information privée. Quand on ne nous écoute jamais, on passe à l’action et on fait nous-même le travail !
Se réapproprier la réalité
En cette période de cynisme exacerbé, voyant les gens voter de moins en moins, se dépolitiser de plus en plus et tomber dans l’indifférence sans conséquence, le cinéma politique peut être aussi perçu comme l’une des façons les plus radicale de se réapproprier un droit de parole pour changer les choses.
Mais cette révolution des images doit inévitablement passer par une acceptation de sa subjectivité, élément nécessaire pour une participation impliquée de chacun dans l’orientation politique et sociale de notre collectivité. Parce que c’est justement quand il assume sa subjectivité que le cinéma documentaire puise toute sa force et prouve la nécessité et la valeur de l’engagement.
Faire éclater l’objectivité
Dans notre société hypocrite et menteuse, on tue, on manipule, on appauvrit des millions de gens au nom de l’objectivité. Pour seule justification, on explique que l’histoire en a voulu ainsi, que c’était la seule possibilité, objectivement, la meilleure.
Ainsi les coupures dans les programmes sociaux, les traités de libre-échange, les fréquentes fermetures d’usines, les innombrables mises à pied ou encore les salaires millionnaires des présidents de compagnies nous sont présentés comme normaux et même « naturels », suivant la logique implacable de l'objectivité : dans le système, tu n’as pas le choix, donc tu n’es responsable de rien, donc tu ne peux être blâmé…
Jamais, tant dans le système que dans les médias de masse, se pose-t-on la question à savoir si le tout est fait pour le bien commun. Il y a quelqu’un en haut qui décide des paramètres (qu’il est impossible de remettre en question) et rassure les pions d’en bas en leur confirmant qu’ils ne pourraient faire autrement. Toute tentative de questionnement est découragée. C’est le règne de la pensée unique.
Récupérer sa subjectivité c’est aller à contre-courant de cette attitude qui décourage toute réflexion personnelle et politique, qui fractionne les gens et impose l’impression de vivre dans un monde divisé où chacun est solitaire. Au contraire, c’est affirmer que le changement et la solidarité sont possibles, c’est aller de l’avant, armé de ses convictions, en prenant position, clairement, après longue réflexion. Déjà, dans une société d’irresponsables, c’est faire preuve d’un grand courage.
Puis lancer ses idées et organiser sa pensée, créer des outils de conscientisation et de politisation dans un but désintéressé, visant l’amélioration des conditions de vie et l’avènement d’une société libre, juste et égalitaire, c’est faire preuve de responsabilité citoyenne et constitue un exemple d’implication qui en inspirera d’autres à viser une emprise sur leur vie.
Les armes de la réplique
Aujourd’hui plus que jamais il est possible de penser à démocratiser l’information. Avec l’arrivée de petites caméras vidéos et d’appareils de montage et de diffusion peu dispendieux, les grandes institutions et compagnies ne peuvent plus prétendre être seuls à créer des images, des films, des reportages, des documentaires.
Depuis quelques années à peine, des collectifs se forment un peu partout au Québec dans le but de présenter une vision de la vie sans publicité, sans marchandise, sans fausses promesses, une vision du monde où les humains et leur collectivité priment sur toute forme d’exploitation.
Ils prouvent à force de créativité et d’innovation que les évènements n’appartiennent à personne et que la liberté est plus belle que n’importe quel objet, qu’il soit de luxe ou de divertissement.
Ils montrent aussi, à coup de courts (collectif Les Lucioles) et de longs métrages (Ce n’est qu’un début…, Le Gambit du fou, Squat), qu’on se doit de répondre le plus rapidement possible aux analyses de droite qui imposent leurs visions des choses à la compréhension que les gens ont des évènements, à l’instant où ils se déroulent (ce qui créé le mensonge et la manipulation).
En produisant des films à la semaine, en donnant la parole à ceux qui sont tus par les médias de masse, en couvrant une action de façon différente et en diffusant le tout pour rejoindre le plus de gens possible, on assiste peu à peu à un revirement de situation : en comprenant que la vie, les images, les analyses et les évènements appartiennent à toute la population, tous comprendront que l’Histoire est aussi propriété de celle-ci. À partir de cette prise de conscience, tout devient possible…
Le temps de passer aux actes
Je me réclame de la réflexion et de la révolte du Sommet des Amériques qui plus d’un an et demi plus tard, restera pour des milliers d’entre nous l’étincelle qui provoquera tôt ou tard le grand feu de joie d’un monde nouveau.
J’en appelle à l’utilisation de tous nos moyens pour combattre le lavage de cerveau effectué par les grands propriétaires des médias. Partout des lumières doivent s’allumer et faire comprendre aux autres qu’il faut éteindre celles aveuglantes des télévisions avant d’y voir vraiment clair. La population a grand besoin d’une profonde désintoxication cervicale contre ces pushers du mensonge.
Formez vos collectifs, projetez vos pensées, écrivez vos idées, criez vos propositions !
À tous et toutes j’en appelle à l’implication, à la réalisation d’oeuvres ancrées dans un lieu et un temps précis, en unisson avec notre époque. J’en appelle à la défense de ce qui à défaut d’appartenir aux politiciens-nnes, aux puissants, aux nantis, aux journalistes, aux pantins du pouvoir, se doit d’allier nos gestes à nos convictions : la liberté.
Créons de par nos visions une société nouvelle où les lâches n’existerons plus et où chacun-e aura enfin droit à sa subjectivité.
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