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L'attaque des clones

pier trottier, Lunes, Febrero 24, 2003 - 11:59

Pierre Trottier

Le juge Baltasar Garzon Real, juge de la cour supérieure d'Espagne et en liste pour le prix Nobel pour la paix fait une virulente critique ds Etats-Unis et de son pays dans la guerre contre l'Irak. Se servant du film no.2 de Lucas, il met en parallelle certains personnages et certaines situations...C'est une traduction espagnol - français

Pierre Trottier
Trois-Rivières

La Insignia
27-01-03

Revue de presse

L’attaque des Clones

Baltasar Garzon Real (*)
El Pais , Espagne , 27-01-03 --Spécial—
Etats-Unis en guerre

Il y a quelques mois j’allai avec mon fils voir le film de Georges Lucas qui titre cet article; on commençait à parler alors de la guerre contre l’Irak, une des extrémités craintes de l’axe du mal – on suppose que l’Iran, géographiquement au milieu en est le centre, et que l’autre extrême est la Corée du Nord-.

A ce moment, je pensai que si l’on arrivait à l’état actuel des choses, c’est que la démence s’était installée définitivement dans le monde et, dans cette situation, les ‘’ Jedi ‘’ ne pourraient contenir le côté obscur de la ‘’ Force ‘’, représentée par le puissant Lord Chancelier (Georges W. Bush), lequel à travers d’inavouables alliances, ou pour le moins, par de souterraines informations hautement secrètes, contrôlerait un Parlement encore contraint par l’impact du terrorisme et soumis au puissant leader, avec des médias de communication – sauf quelques exceptions – acritiques, et une opinion publique, l’étasunienne, endormie et terrorisée, qui encore ne sait pas si Osama Ben Laden est irakien ou taliban; ou si ce fut ce dernier qui ordonna l’attaque des Tours Jumelles et qui serait disposé à en finir avec l’ennemi arabo-islamico-musulman extérieur, personnifié dans le film par la terrible alliance des séparatistes et la Fédération de Commerce. Pour cela, continuant avec le même cinématographique, le Lord Chancelier Syrius et son état major prépareraient une grande armée de clones disposés à mourir pour la liberté et la démocratie, lorsque la réalité est : ‘’Qui arme cette armée avec des moyens hautement sophistiqués et la conduit à la guerre travaillerait à l’encontre de l’une et de l’autre’’. Il serait intéressant de faire une enquête parmi les 150,000 mille soldats déployés dans le Golfe Persique afin de vérifier s’ils savent pour qui ou pourquoi ils luttent : je suis certain que les résultats seraient scandaleux pour ceux qui les commandent.

Seule la foi dans le ‘’leader maximo’’ et ses disciples ou assesseurs – quasiment tous proches, plus ou moins, du monde du pétrole – justifierait l’attitude assoupie d’une armée et d’un peuple. Ou, pour mieux dire, seule la manipulation de l’information sensible rendrait possible cette soumission.

Parce que, jusqu’à présent, la seule chose que nous savons, à part de suivre fidèlement les voyages d’Obi-Wan Kenobi, en la personne d’Hans Blix, demandant plus de temps pour ses inspections ou la collaboration des irakiens, c’est qu’ils ont trouvé quelques carcasses inertes vides et quelques documents qui, en Europe, seraient du matériel d’étude et, qu’en Irak, pourraient déchaîner une guerre.

Cela est la réalité crue. Face à une absurde dynamique de hâte et de course, telle que si nous étions en période d’instruction militaire avec un sergent au terrible visage nous martelant des cris afin de marquer le pas, ignorant absolument tout, quoiqu’il paraît que maintenant nous possédions toute la connaissance, par les mille et les mille paragraphes écrits ou parlés. Cependant, seul l’associé privilégié de Washington, Tony Blair, l’antique espérance blanche de la gauche européenne et sa troisième voie, et maintenant convertit en pur comparse militariste du dieu américain, paraît savoir quelque chose. Et lui, pourvu par des services secrets dont l’efficacité laisse beaucoup à désirer, avec licence pour tuer, et pour mentir : il faudrait plus.

Qui contrôle l’activité de ces dits services? Comment a-t-on obtenu et, en échange de quoi, l’information sur laquelle on se base pour déclencher une guerre finale entre deux mondes? Et, si l’on était certain : pourquoi a-t-on caché cette situation pendant si longtemps à la communauté internationale? Peut-être cette dernière ne devrait rien dire?

Simplement, je ne le crois pas; ni même avec des ‘’preuves définitives’’, ils ne me convaincraient – maintenant non; non plus si je l’obtenais de quiconque de bonne foi. Pour cela, ils ne l’essayeront probablement pas et, de nouveau, on imposera la maxime : ‘’ou moi, ou le chaos’’.

Personne n’a pensé, j’espère, à la barbarie que constitue le fait que quelques renseignements d’un service secret, qui mêmes ne seraient pas valables devant la justice, puissent cependant déterminer une hécatombe belliqueuse. Où est le droit de défense du peuple irakien? C’est curieux l’inversion de la charge de la preuve qu’ici s’est produit. La décision sur la guerre viendra d’une supposée non-coopération de la part du régime irakien avec les inspecteurs, ou d’un empêchement au travail de ces derniers; ou dépendra des découvertes de matériel prohibé. Dans l’une ou l’autre hypothèse, l’interprétation clairement sectaire qui, du côté américain on fait de la résolution 1441 du Conseil de Sécurité, est que, dans tous les cas, sans nécessité d’autres arguments, il y aura guerre. Si les armes chimiques n’apparaissent pas, ce sera toujours parce qu’elles seront cachées, et non parce qu’ils ne les possèdent pas ( interprétation favorable à l’Irak ). Si les services secrets disent qu’ils en possèdent, quoiqu’on en trouve pas, pour le Lord Chancelier elles existeront; mais on n’acceptera pas une erreur des services secrets ou une information défectueuse ( interprétation favorable à l’Irak ); et si finalement jamais elles n’existèrent, il faudrait attaquer par prévention.

Dans cette guerre, les ‘’clones’’ non seulement sont les soldats américains et anglais qui, forcés, iraient au combat, mais aussi tous ceux qui, à partir d’une position de pouvoir – politique, sociale, médiatique et économique – la consentiraient, demeurant silencieux et dans l’attente, avec la maladie propre de celui qui veut voir le sang pour en parler et qui serait frustré si, finalement, l’invasion n’avait pas lieu.

Je ne me sens pas représenté ni par les postulats qui inspirent cette atrocité ni par les instances politiques qui l’autorisent, ni par mon Gouvernement, ni par aucune autre institution qui l’appuie. Pour cela, hérétique de ceux qui dirigent un Etat qui n’est pas capable de contenir une folie comme celle que nous vivons; d’un Gouvernement qui, entre sillons de noir rejet et avec une tendance au règne de la sécurité tout court, sans limite pour la liberté ou les garanties individuelles, et qui jouit d’une position privilégiée au Conseil de Sécurité de l’ONU, est incapable de hausser la voix qui, sans doute, trouverait écho pour s’opposer à la botte militaire qui menace de nous piétiner et de nous détruire comme peuple et comme société de valeurs de jeune démocratie et de récente liberté; et je le fais parce qu’est en jeu notre dignité comme personne et comme citoyen d’un pays qui, pendant plus de 40 ans, a souffert une dictature; et je le fais parce que je suis, moi et mes enfants, ceux qui vont payer une partie de cette guerre; et je le fais parce que cette dernière n’est ni juste, ni légitime, et clairement brise la légalité internationale et attente contre l’humanité; et je le fais parce que mon Gouvernement n’est pas capable d’exiger des Etats-Unis qu’ils se soumettent à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, en ce qui concerne les détenus de Guantanamo et les détenus sans droits et en prisons inconnues, par le simple fait de leur ascendance ethnique ou de leur séjour irrégulier dans le pays. Cela serait une raison suffisante pour ne pas prêter d’appui militaire à ceux qui sont dans cette dynamique perverse, parce qu’indirectement on contribue à cette rupture de la légalité internationale; et je le fais, en dernier lieu, parce qu’ils n’ont pas été capables de s’opposer aux exigences de l’Administration Bush dans le cadre de la Cour Pénale Internationale, admettant de ce fait des zones d’impunité qui doivent nous faire honte.

Il ne peut y avoir de paix sans justice, et l’exigence de celle-ci doit constituer, unie à la protection des victimes, le guide de tous les pays démocratiques. Dans le cas de l’Irak – comme cela est arrivé en Afghanistan – les victimes seront de nouveau considérées comme éléments abstraits, et en dernier lieu, leur perte, comme des dommages collatéraux sur ceux que, prévisiblement, on installera la censure informative, passant par la suite à l’oubli de tous, sauf dans la mémoire de ceux qui souffriront leur perte.

Ils nous auront embarqués dans une autre guerre afin de tenir occupés nos fragiles esprits, et pour que nous ne nous souvenions pas des années de l’embargo et de la misère du peuple irakien; et afin que nous oubliions que cela fut décrété par un Occident qui, une fois de plus, a démontré l’inutile des mesures insensées, lesquelles, à la fin, se sont révélées incapables d’en finir avec le régime de Saddam et ont tué, par la faim physique et culturelle, tout un peuple. Et maintenant, 12 ans plus tard, ils viennent nous dire qu’ils veulent sauver tout un peuple – on prends toujours le peuple comme excuse pour les rebellions et les révolutions, mais toujours on le réprime – et simultanément on offre un exil doré avec sauf-conduit qui garantit l’impunité à la bête qui, théoriquement, les a rendus esclaves. L’Histoire se répète, d’abord avec les pays Latino-américains et Africains, et maintenant, dans les zones Asiatiques.

Pourquoi n’a-t-on pas constitué un Tribunal International ad hoc afin de juger les supposés crimes de Saddam? Pourquoi ne pas se soumettre à la décision de celui-ci? Ou, est-ce que ce qui convient maintenant est d’éprouver de nouvelles techniques militaires et un armement sophistiqué, et d’obtenir avec la victoire une position géostratégique appropriée dans une région aussi explosive, mais à la fois si riche en or noir, comme celle du Proche-Orient?

Sa Sainteté Jean-Paul II, dans un récent discours, se montrait clairement opposé à la guerre et disait que l’Irak était une terre de prophéties, plus qu’une terre de prophéties était une terre de personnes innocentes, de victimes qui jamais ne comprendront pourquoi elles meurent dans la misère depuis des années, ou pourquoi on ne déclare pas la guerre à la pauvreté, à la marginalisation et à la corruption; ou pourquoi les pays occidentaux qu’on appelle démocratiques, ne sommes pas capables d’utiliser la diplomatie, la coopération, le rapprochement entre les peuples afin d’en finir avec un tyran; et pourquoi nous utilisons seulement les recours à une guerre, qui est aussi, et spécialement néfaste à l’Occident, à notre histoire et à beaucoup de nos valeurs essentielles.

Et, que pouvons-nous faire pour changer le cours de cette histoire? Cela est la grande question que beaucoup d’entre nous nous posons. Certains projettent d’aller à Bagdad et de former des boucliers humains – malheureusement, les bombes, quoique plus intelligentes aujourd’hui, n’analysent pas le carnet d’identité -; d’autres veulent manifester contre les envahisseurs; d’autres, écrire et dénoncer la comédie; et d’autres, attendre les évènements. Malheureusement, je ne possède pas le talisman qui donne la solution équidistante entre un dictateur moribond et un mandataire qui a outrepassé les limites de la légalité démocratique et qui présente des tics autoritaires et militaristes.

Pour cela, je note seulement quelques possibilités :

1. Respecter la décision du Conseil de Sécurité de l’ONU et ne
pas agir unilatéralement.

2. Laisser le temps aux inspecteurs afin qu’ils accomplissent
leur travail après le 27 janvier, rendant leur rapport au
Conseil de Sécurité.

3. Exiger de l’Administration Américaine et du Royaume-Uni
qu’ils montrent les preuves qu’ils disent posséder sur la
fabrication et/ou la possession d’armes chimiques ou de
destruction massive de la part de l’Irak, et qu’ils ne les
cachent pas sous prétexte de sécurité nationale.

4. Exiger des Etats-Unis et du Royaume-Uni qu’ils montrent
quelles sont leurs armes chimiques et de destruction
massive, et qu’en aucun cas ils ne les utilisent contre la
population irakienne.

5. Que l’on garantisse au maximum l’intégrité des citoyens
irakiens, avec exigence de responsabilités internationales
advenant que cela ne se réalise pas.

6. Que l’on ne touche pas à un seul litre de pétrole,
soumettant le contrôle du cru irakien, en cas d’invasion
et de chute de Saddam, à des instances internationales.

7. Que l’Union Européenne présente une position commune
sur cette question, dans la ligne marquée vaillamment par
la France et l’Allemagne. S’ils furent capables de l’atteindre
sur le terrorisme, pourquoi ne le font-ils pas maintenant
sur un fait aussi grave qu’une guerre.

8. Que le Gouvernement espagnol se soumette à un débat
parlementaire ou même à une consultation populaire,
parce que le fait que l’Espagne déclare une guerre nous
affecte tous.

9. Protester de façon continue et massive contre cette guerre
injuste, dans tous les forums.

Face à une catastrophe aux effets imprévisibles
le silence n’est pas une option.

(*) Juge espagnol, Baltasar Garzon Real sera nommé à l’Audience
nationale, la haute cour de justice criminelle d’Espagne. Il luttera
contre l’ETA, le narco-trafic, le trafic d’armes international. Il traîne
en justice un ancien général argentin tortionnaire, les responsables
des GAL, policiers ayant torturé des membres de l’ETA. Il déclenche
l’affaire Augusto Pinochet, l’ancien dictateur du Chili. Il est présen-
tement en liste pour le prix Nobel pour la Paix. ( N.d.T.)

Traduit de l’espagnol par :

Pierre Trottier , février 2003

Trois-Rivières , Québec , Canada

Source : La Insignia……. www.lainsignia.org



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