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Anarchisme, nationalisme et indépendantismeAnonyme, Domingo, Enero 12, 2003 - 16:04
Alain Laliberté
Réflexion sur le tabou national. Comment peut–on avoir l’impertinence d’associer ces trois mots dans le titre d’un article? Il est évident pour tous et toutes que le premier n’a vraiment rien à voir avec les deux autres, qui sont d’ailleurs synonymes. Tout anarchiste qui se respecte devrait savoir que nationalisme, indépendantisme, nation, état nation, oppression nationale, tout cela n’est que démagogie au service de la classe dominante afin de diviser les oppriméEs. De toute manière, chercher à démêler ces termes n’est que perte de temps et est beaucoup trop compliquée (« NATION, PIÈGE À CON! », c’est simple et ça rime). Vaut mieux avoir une doctrine simple à comprendre et applicable partout dans le monde. Ainsi, un bon matin (pour distinguer avec « le grand soir » des autoritaires), une révolution de touTEs les oppriméEs renversera la tyrannie mondiale. Le théâtre des opérations sera partout (ou nulle part…) c’est pourquoi le sub parlait d’un mouvement intergalactique. En vérité, j’ignore où les anarchistes locaux ont trouvé une telle doctrine. Certainement pas dans les textes de Bakounine ou de ses contemporains espagnols qui qualifiaient Marx et ses collaborateurs de « Prussiens ». Cela ne vient pas non plus des anarchistes qui soutenaient Makno contre l’impérialisme russo–bolchévique. Je ne crois pas non plus que cela vienne de la guerre d’Espagne car à ce que je sache, autonomistes Basques (ancêtres de l’ETA) et anarchistes étaient alors dans le même camp, et ils le sont restés tout au long de la dictature franquiste. J’ai bien une petite idée, mais elle ne constitue qu’une hypothèse dans la mesure où je connais très peu les origines du mouvement anarchistes intergalactique au Québec et au Canada. Cette hypothèse est que l’origine du mouvement anarchiste d’ici est anglophone et qu’il est parfois difficile de reconnaître une oppression qu’on ne vit pas. Mais, me dira–t–on, les francophones anarchistes ne défendent pas moins cette doctrine que les anglophones. À cela je répondrai : Les dominéEs adoptent naturellement la doctrine des dominants et cela s’appelle : ALIÉNATION. Adorer son boss quand on est ouvrier, nier le racisme quand on est noir, nier l’oppression des femmes lorsqu’on est femme, c’est la même chose que de nier la domination historique des CanadienNEs françaisES. Dans tout les cas l’aliénation est reliée à un manque d’auto–estime. Dans tous les cas, le remède est la libération, qui ne se fait jamais sans révolte. L’aliénation des Canadiens français Chaque individus a une aliénation spécifique qui dépend du groupe à lequel il appartient (classe sociale, sexe, origine ethnique, orientation sexuelle, etc.) et à son histoire individuelle. Se libérer, c’est agir de manière individuelle et collective contre toutes les formes de domination, de dépendance et d’exploitation. En agissant ainsi, on ne se libère pas seulement dans notre relation avec les institutions et avec les autres, mais on modifie notre manière de penser et de sentir. C’est donc une modification psychologique, pour ne pas dire, physique(au niveau des connexions neurologiques). Décréter que les CanadienNEs françaisES n’ont pas d’oppression historique est nier l’histoire. C’est nier la conquête d’un peuple et son assujettissement. C’est nier des révoltes étouffées dans le sang (1837–1838). C’est nier l’occupation militaire, la Conscription, la Loi des mesures de guerre et la répression d’un mouvement populaire et syndical (1970). C’est oublier qu’il n’y a pas si longtemps, les patrons étaient en général anglophones et les prolétaires francophones. C’est nier la traditionnelle sous–scolarisation. C’est aussi nier la discrimination de personnes parlant une langue, le français. Mais un tel décret est aussi une négation du présent. Si les structures d’exploitations et d’oppression spécifiques des CanadienNEs françaisES ne sont plus aussi évidentes, il est toutefois facile de remarquer leurs conséquences psychologiques. Nous sommes un peuple avec une faible auto–estime, avec un mépris pour notre culture et notre langue. Nous donnons beaucoup plus de prestiges aux institutions anglophones qu’à celles francophones, que l’on pense par exemple aux universités. Qui n’a pas vu des francophones parler entre eux en anglais à l’Université McGill? Qui n’a pas vu des francophones aborder un commis en anglais dans l’ouest de la ville? Qui n’a pas remarqué notre peur maladive de déranger et notre tendance à se faire petitE? Qui n’a pas vu notre facilité à se soumettre à l’autorité? La liste pourrait être longue, car notre aliénation de colonisé est profonde. Est–ce que reconnaître cette oppression nationale veut dire que l’on est nationaliste? Bien sûr que non. Le nationalisme Depuis la défaite du mouvement révolutionnaire national (Octobre 1970), une partie de la bourgeoisie québécoise s’est appropriée les ressentiments nationaux des Canadiens français pour développer un nationalisme préconisant la création d’un état nation québécois capitaliste associé à l’empire canadien (souveraineté association). Puis, face au nationalisme gouvernemental (PQ) s’est développé les nationalismes de gauche (gauche réformiste) et de droite (ex. MLNQ – pauvre FLQ qui était pris avec un énergumène comme Villeneuve). Le nationalisme est une doctrine basée sur l’état nation. Or, l’État est une institution qui sert à l’oppression, à l’exploitation et à la domination. Revendiquer un état nation, même si l’on est de gauche, c’est justifier une structure aliénante, une structure qui, indépendamment du système capitaliste, enlève du pouvoir aux peuples et aux individus. Je pourrais m’étendre bien longtemps sur les différences entre démocratie représentative et pouvoir populaire (autogestion), mais ce n’est pas ici le sujet que je veux traiter. Mais être contre le nationalisme ne veut pas dire nier le problème national des CanadienEs françaisES. Et cela ne veut pas dire non plus qu’il est chauvin ou raciste de vouloir sortir du joug de l’empire canadien. Le Canada est un empire qui fut créer pour exploiter les peuples et les ressources naturelles. C’est un instrument de domination qui a toujours sévi contre les Autochtones, contre les CanadienNEs françaisES, contre les ImmigrantEs et contre les travailleurs et travailleuses de toute origine. Mais les crimes de l’impérialisme canadien (militaires, économiques et/ou politiques) ne sont pas seulement locaux, ils sont aussi en Irak, en Afghanistan, au Panama, au Mexique, en Haïti, en Corée, etc. Vouloir détruire l’empire canadien est donc pour moi tout à fait légitime. Et détruire l’empire canadien, c’est aussi détruire son état vassal, celui du Québec. Fédéralisme anarchiste et indépendantisme Par « fédéralisme anarchiste », je ne me réfère pas ici au mode d’organisation anarchiste, mais bien à la collaboration involontaire des anarchistes d’ici avec le fédéralisme canadien. Cette collaboration est incarnée dans l’acharnement à nier l’oppression historique des CanadienNEs françaisEs. Dans cet acharnement à nier cette oppression spécifique et pour simplifier les choses, ils et elles sont parfois même obligéEs, par extension, de disqualifier toutes les luttes de libérations spécifiques: lutte anti-impérialiste au sud, lutte des femmes contre le patriarcat, lutte des autochtones pour leur autonomie, etc. Tout ce qui n’entre pas dans une supposée lutte globale (et abstraite) contre l’État et le capitalisme devient démagogie bourgeoise. Pourtant, les anarchistes devraient savoir que les révolutions sont faites par du monde en chair et en os vivant dans une famille, dans un quartier, dans une ville, et que leur organisation (association) dépend souvent de leur histoire collectives et de leur oppressions spécifiques. Que la lutte la plus vraie est la lutte locale faite par les personnes en processus de libération. Selon moi, le capitalisme et les états ne disparaîtront pas de manière spontanée et simultanée, mais plutôt dans une multitude de guerres de tranchées à différents points du globes, dans la mesure où se développe, parallèlement, une véritable solidarité et un véritable internationalisme. Par ailleurs, le véritable indépendentisme est certainement l’idéologie la plus proche de l’anarchisme. Car se libérer, c’est aussi acquérir de l’indépendance, que ce soit contre le père, le mari, le chum, le patron et l’état à tous les niveaux. C’est donc une lutte perpétuelle contre l’autorité et l’exploitation. De plus, lier l’indépendance à l’état nation québécois est une aberration que les anarchistes devraient dénoncer plutôt que de renforcer, car on ne peut être indépendant en prétendant dépendre d’un état. De plus, en niant le droit à la libération spécifiques des CanadienNEs françaisEs, les anarchistes laissent toute la place aux nationaleux chauvins de type MLNQ et à la gauche réformiste et institutionnelle.
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