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Pour un débat dans le mouvement

sonia, Lunes, Diciembre 16, 2002 - 20:11

Samizdat.net

Au sein des dispositifs de mobilisation du mouvement « no-global » et plus généralement des mouvements sociaux, la communication via les réseaux électroniques joue un rôle évident.

D'une certaine façon, Seattle fut autant la « révélation » d'un mouvement fait de multiples mouvements - le « mouvement des mouvements » comme il sera défini par la suite - que celle de l'émergence du modèle des « médias indépendants » dont les nombreux groupes locaux d'Indymedia, un peu partout dans le monde, sont le symbole le plus visible. De fait, le mouvement « no-global » fait preuve d'une impressionnante capacité à multiplier et combiner les canaux de communication où circulent non seulement de l'information, mais aussi du débat, des pratiques, des subjectivités et des capacités d'organisation. Le réseau est probablement le paradigme organisationnel des multitudes, et les agencements de communication sont (avec les initiatives transnationales de type contre-sommet) les instruments privilégiés de la coopération politique entre des milliers de réalités diffuses et dispersées. Car derrière le vocable confus et confusionniste de « médias indépendants », ce dont il est bien question c'est de la capacité désormais démontrée des molécules du mouvement à communiquer pour elles, à communiquer entre elles, tout comme à communiquer vers l'extérieure, en s'appropriant les outils de communication qu'offre l'Internet : combien de centaines de mailing lists, de sites web, de forum ou de bulletins électroniques, etc. (mais aussi d'émissions de radio ou de bulletins imprimés) se sont créés dans la continuité de Seattle pour communiquer Prague, Göteborg, Québec City, Bruxelles ou Gênes ? Autant de murmures qui composent le flot d'une communication effectivement indépendante, mais surtout qui se cherche des voies de traverses pour échapper au monopole et au balisage médiatique de l'information.

Des limites évidentes

Ce serait dans le même temps se mentir que d'en rester à un tel constat idyllique : si la communication dans le mouvement est l'une des forces de celui-ci, elle en exprime dans le même temps toutes les faiblesses. Si l'on regarde de plus près les contenus de cette communication en mouvement on doit concéder, qu'à côté d'une réelle capacité à contourner (même partiellement) la puissance d'occultation des médias mainstream, à côté d'une capacité à faire circuler de la subjectivité politique, elle reproduit aussi des séparations, des logiques de ghetto et des effets de brouillage évidents. « Médias indépendants » et « communication alternative » se limitent en effet trop souvent à la reproduction des faiblesses des milieux militants. en particulier :

- Confusion entre l'information et la propagande : trop de « news » publiés sur les sites d'infos, ou envoyées sur les mailing lists, ne sont jamais qu'un copier-coller de tract ou de communiqué, ou la lutte, les émotions, le vivant qui font la richesse des mouvements se perd dans le caractère autoréférentiel des formules et des slogans.

- Incessantes querelles sur le thème du « traître », des « réformistes » et des « faux révolutionnaires »S qui s'étalent dès qu'il y a un espace de libre expression (mailing lists, site web en open publishing) au point de grever grandement les possibilités réelles de communication et d'échange.

- Persistance des attitudes de « boutiques », chaque expérience de communication tenant finalement bien plus à son « label » qu'à la nécessité de produire de la coopération, qu'à la nécessité d'apprendre à être ensemble en mouvement avec nos spécificités et nos richesses (1).

Pour dépasser cette situation, rien ne sert de se lamenter, il nous semble qu'il est par contre grand temps d'ouvrir un débat - véritablement transnational, véritablement pluraliste - autour d'un certain nombre de questions politiques comme celle des contenus de la communication alternative, ou encore celle des formes et des moyens d'une véritable coopération entre les diverses réalités des « médias indépendants » et au-delà l'ensemble des activistes des réseaux. Cela suppose aussi sans doute d'avancer sur quelques clarifications politiques sur ce qu'est (et n'est pas) la communication alternative.

Médias indépendants ou communication alternative ?

Quel est le problème que nous posent les médias mainstream ? Est-ce uniquement leur dépendance envers les grands groupes financiers du secteur du spectacle, ou bien plutôt la médiation elle-même, cette fausse objectivité tant revendiquée par les médias pour couvrir d'un minimum de vertu la réalité de la chasse au scoop, de la soumission à l'Audimat et aux « taux de pénétration », ou encore de prima de la publicité. « En brouillant délibérément la frontière entre l'objectif et le subjectif [S] le Média construit l'image d'une fausse subjectivité, emballée et vendue au consommateur comme un simulacre de ses propres « sensations » et « opinions personnelles » ou de sa subjectivité. Et en même temps, le Média construit (ou est construit par) une fausse objectivité, une fausse totalité, qui s'impose comme la vue-du-monde qui fait autorité, bien plus que n'importe quel simple sujet » (2).

Ce qui nous sépare finalement des médias c'est avant tout le point de vue à partir duquel nous tentons de produire de l'information et de la communication, la tentative de réduire la médiation (celle des experts, des spécialistes) à sa plus simple expression, en donnant les moyens à chacun et chacune, à toutes les réalités sociales auxquelles nous nous adressons, d'agir leur communication, de faire de la communication un moment de la lutte, de la mobilisation, du conflit. Encore et toujours la proposition d'une multiplication de « médias intimes » (3) contre les énormes machines de guerre de l'information spectaculaire.

Cela suppose donc plus qu'une simple altérité structurelle - que revendique le document d'indymedia Théssalonique (4) - mais bien d'inventer des modes polyphoniques (pluriels et pluralistes si l'on veut) pour produire de l'information, pour faire circuler le débat, et pour produire de la subjectivité. Quelque chose qui suppose une capacité à diffuser l'expertise et construire des espaces, tout comme à combiner la diversité et la coopération : et de fait il s'agit plus là d'alternative que d'indépendanceS

L'au-delà de l'open publishing

Après Seattle le modèle Indymedia de l'open publishing - c'est-à-dire de la libre publication des textes, images et vidéos sur le web, sans filtrage préalable, et avec un minimum de « modération » a posteriori - est devenu largement dominant dans l'aire des « médias indépendants ». Or cette conception de l'information alternative montre, depuis quelque temps déjà, toutes ses limites, et est aujourd'hui en crise (5). En effet, le principe de l'open publishing, sans doute séduisant par son affirmation absolue du principe de liberté de publication, produit dans les faits de terribles confusions :

- Confusion entre les textes d'informations et les textes d'opinion ou d'humeur, qui sont finalement mis bout à bout sur un même plan ce qui finit par produire un effet de brouillage important.

- Confusion entre l'activité d'un collectif dont le champ d'action est la communication et l'information, et des contributions d'origine incontrôlable qui ne peuvent, à un moment ou un autre, qu'entrer en conflit avec le principe même d'une ligne rédactionnelle.

- Confusion entre la libre expression et le champ libre au « n'importe quoi », voir à l'instrumentalisation par n'importe qui (par exemple des infos postées par des groupes d'extrême droite).

C'est dans ce contexte qu'il faut placer les « dérapages » antisémites publiés sur certains sites d'Indymedia (dont Indymedia France), où le fait que chaque échéance de mobilisation y donne lieu à d'interminables polémiques groupusculaire au détriment de l'information réelle. C'est sans doute aussi les raisons pour lesquelles certains sites du réseau Indymedia (comme IndyACP à Madrid ou CEMAQ [CMAQ - ndlr] au Québec) séparent désormais les textes « proposés » [=soumis - ndlr] des textes « publiés » [=validés - ndlr], en plus de s'être dotés d'une charte rédactionnelle explicite, comme la plupart des collectifs locaux d'Indymedia.

Mais au-delà des critiques que nous sommes nombreux à faire sur l'application du principe de l'open publishing, il faut aussi reconnaître que les projets fondés sur une dynamique de coopération entre des groupes et des individus - comme nous le pratiquons à samizdat.net - ne sont pas non plus sans révéler des limites, en particulier la difficulté des milieux militants à véritablement communiquer au-delà de leur cercle d'influence restreint, qui les conduit souvent aussi à privilégier la relation avec les médias mainstream et à sous estimer les réseaux de la communication alternative.

Pour un débat dans le mouvement

À partir de ces quelques remarques, et des diverses contributions sur le sujet qui ont circulé ces derniers mois (6), il nous semble important que s'ouvre une confrontation loin des polémiques et des procès d'intentions. Confrontation qui doit produire aussi de la coopération à brève échéance, pour ne pas en rester à un simple échange de point de vue. C'est de tout cela que nous entendons parler à la zelig. rc2 cette année, pas seulement entre « spécialistes », mais avec tous ceux et celles qui sont partie prenante des multiples formes de l'activisme politique et social aujourd'hui.

Samizdat.net

Annonce :
zelig.rc2 - Débat Samedi 14 décembre 10h-12h30

COMMUNICATION ALTERNATIVE : PRODUIRE L'INFOS HORS DES MÉDIAS

Les Vignoles - Confédération nationale du travail
33, rue des Vignoles, 75020 Paris
Métro : Avron ou Buzenval

. . . . . .

(1) Sur ces questions, voir le bilan de notre expérience à Gênes, à l'été 2001 : Jean-Pierre Masse, Aris Papathéodorou, Communiquer à Gênes, communiquer Gênes, sur samizdat.net

(2) Hakim Bey, Le credo médiatique fin de siècle, disponible en français sur la Biblioweb de samizdat.net

(3) Hakim Bey, ibidem

(4) Indymedia Théssalonique, Lettre ouverte au réseau Indymedia,juillet 2002

(5) Voir les éléments sur la crise d'Indymedia France sur le site web : france.indymedia.org.

(6) Voir en particulier Kandjare,Les contre-sommets : traitements médiatiques et « spectacularisation » de la contestation, sur samizdat.net

Source de l'article sur samizdat.net


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