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Seattle, Gênes... et maintenant FlorenceCarl Desjardins, Domingo, Diciembre 15, 2002 - 12:45
<b>Peter Wahl</b>
L'affluence des différentes familles politiques signale que l'acceptation d'une politique dominante s'estompe. En même temps, il devient nécessaire de trouver un aboutissement productif au pluralisme des mouvements et de maîtriser les tendances centrifuges. La dynamique des mouvements de critique de la mondialisation est intacte. Le premier forum social européen (FSE) du 6 au 9 novembre à Florence l'a confirmé de façon très impressionnante. Avec la manifestation de plus d'un demi million de personnes - la plus grande dans l'histoire de la critique de la mondialisation - Florence s'inscrit désormais dans la continuité de Seattle et Gêne. Environ les deux tiers des participants font partie des jeunes générations. Au forum même, un événement-marathon de trois jours avec environ 200 conférences et ateliers, 20 000 participants étaient attendus. Le deuxième jour on en comptait déjà le double et même 60 000 à la fin. Cela causa toutefois des problèmes organisationnels qui desservirent la qualité de certaines manifestations. Mais ce n'est pas seulement l'aspect quantitatif qui fait du FSE un événement exceptionnel. La qualité particulière de Florence est du: En même temps, le FSE a fait apparaître certains problèmes et carences des mouvements de critique de la mondialisation. La sortie de l'ombre de la violence Les nouveaux mouvements sont sortis de l'ombre de la violence qui planait sur eux depuis Gêne. Florence démontre une fois de plus que si une foule importante est réellement mobilisée, alors ni les provocations de l'État, ni l'activisme de petits groupes n'ont de chance d'aboutir. Le gouvernement Berlusconi avait tout fait pour faire naître un climat d'hystérie et de peur à la veille du FSE. Un deuxième Gêne serait tombé à pic pour détourner l'attention des problèmes de politique intérieure. Berlusconi avait prédit la destruction des ouvres d'art de la ville de la Renaissance par des hordes talibanisées et parlé d'interdire le FSE. Les représentants néofascistes de "Forza Italia" au gouvernement avaient fait une propagande dans le style du "Stürmer"1 des semaines durant, avec par exemple des caricatures de manifestants au nez crochu, une bouteille de vodka dans une main, une faucille et un marteau dans l'autre. Lors de l'ouverture du forum, le "Corriere della Sera" publia un article ruisselant de haine de Oriana Fallaci, autrefois de gauche. Les esprits ainsi marqués, de nombreux commerces du centre ville historique fermèrent leurs devantures. Aux côtés de la manifestation ne s'est formé aucun "Bloc Noir". D'autres groupes, ayant une tendance à l'activisme, tels les "Disobediente" ("Désobéissants", un mélange de punk et d'anarchie) et les Tute Bianche qui s'étaient trouvés à la tête des affrontements avec la police lors du sommet FMI/Banque Mondiale à Prague défilèrent avec discipline dans le cortège. Finalement avec Florence, l'argument selon lequel les médias n'attirent le public qu'à travers des scènes de violence n'est plus valable. Après les confrontations de Prague, Göteborg, et surtout Gêne, Florence a été l'occasion pour les mouvements de critique de la mondialisation de ne plus être marginalisés ou au moins divisés par le thème de la violence. Non à la guerre Le thème dominant, même si ce ne fut pas le seul abordé lors du FSE, fut la guerre. Le refus de la militarisation de la politique internationale en général et de la guerre contre l'Irak en particulier fut unanime. Aussi importante et juste que soit cette orientation, elle comprend aussi des risques. Ainsi existe par exemple le danger, qu'effacée par la discussion sur la guerre, l'orientation néolibérale se poursuive en toute tranquillité et que le potentiel des énergies de critique y soit absorbé. C'est justement un des effets socio-politiques de la militarisation, en agitant le spectre de l'ennemi et des scénarios de menaces extérieures, de détourner l'attention des problèmes intérieurs. Cela s'observe de la manière la plus nette aux USA où le conformisme patriotique est si pesant qu'il ne reste plus grand chose de l'esprit de Seattle. En outre, la crise d'acceptation de la Mondialisation néolibérale que nous constations à Seattle s'est muée entre temps en une crise de fonctionnement. Le crash boursier, la fin peu glorieuse de la "Nouvelle Economie", les scandales financiers de grands groupes, la passivité du FMI face à la crise argentine, l'évolution déflationnaire de nombreuses économies ne sont que la partie emmergeante de l'iceberg. Il en importe de ne pas opposer la critique de la mondialisation et les mouvements pour la paix, mais de faire clairement le lien entre les deux thèmes. Une pluralité et une diversité grandissantes L'évolution quantitative des mouvements s'effectue avec une pluralité politique grandissante. Des forums sociaux locaux étaient représentés, ATTAC, des syndicats, des mouvements pour la paix, des ONG, divers K-Gruppen2, Greenpeace, les organisations de jeunesse des partis de la gauche démocrate (anciennement PCI), Amnesty, homosexuels, nonnes catholiques, les verts italiens, scouts chrétiens, Rifundazione Comunista et également le maire de Florence et le président de la Région de Toscane (tous les deux DS). De ces derniers, le forum a bénéficié d'un soutien politique et logistique. L'affluence des différentes familles politiques signale que l'acceptation d'une politique dominante s'estompe. En même temps, il devient nécessaire de trouver un aboutissement productif au pluralisme des mouvements et de maîtriser les tendances centrifuges. Une culture politique de la disposition au dialogue, de l'écoute des oppositions, et - abstraction faite de quelque groupuscules trotskistes du renoncement réfléchi à l'avant-gardisme et à la domination semble se dessiner. C'est particulièrement marqué dans le cas de la Rifundazione Comunista. Bien que le parti avec ses 100 000 adhérents joua un rôle considérable dans la préparation et le déroulement du forum et de la manifestation, il n'a jamais essayé de faire prévaloir ses positions, que ce soit en interne lors de comités préparatifs ou en public. Manifestement a-t-on compris que la mesure et le refus de l'instrumentalisation par les partis politiques des mouvements sociaux étaient une condition à leur succès. Le fait que Rifundazione semble prendre au sérieux le pluralisme de la gauche est aussi une preuve de leur renoncement à l'interdiction de la divergence interne, principe sacrée du Léninisme. Contre la privatisation et les AGCS Le deuxième thème qui s'est révélé fondamental à Florence, est la privatisation des services publics, de l'éducation à l'eau, l'énergie et les transports en passant par la santé et les retraites. Le problème est de plus en plus épineux en Europe. Le lien avec les négociations de l'OMC sur la libéralisation des services (AGCS) est étroit. Une campagne européenne orientée en premier lieu vers des actions fin mars 2003 avec une initiative centrale à Bruxelles a été adoptée. La phase de négociations à l'OMC dans laquelle chaque pays présente ses offres et exigences en matières de libéralisation sera en effet terminée d'ici là. La conférence ministérielle de l'OMC à Cancùn au Mexique début septembre sera le temps fort suivant de la campagne. Une présence allemande de faible poids De 500 à 700 participants ont fait le déplacement depuis la Bundesrepublik. La plupart avec ATTAC. On a vu des drapeaux de VER.DI, IG-Metall était aussi représenté, des ONG, des institutions associées au SPD, aux Grünen et au PDS de même que les anthroposophes et la BUKO. Christian Ströbele participa à un forum sur la proportion des partis dans les mouvements sociaux. Il émit des critiques à l'encontre de son parti et plaida pour une coopération entre les Grünen et les mouvement sociaux. Frank Bsirske, président de VER.DI, avait annulé sa venue au dernier moment pour cause d'affaires urgentes sur la réforme de la santé, mais a manifesté son intérêt de participer à la suite du processus. Dans l'ensemble, les Allemands furent peu présents et se firent peu remarquer. Visiblement il y avait eu peu d'investissement dans la préparation. Ici un effort s'impose. Il n'est pas ici question d'une représentation nationale. Aux critiques de la mondialisation allemands incombe surtout la responsabilité d'intégrer convenablement les mouvements sociaux du plus gros pays de l'UE au mouvement international. Problèmes Bien que l'évolution soit dans l'ensemble positive, il reste pourtant quelques problèmes et déficits évidents. Ainsi, peu d'impulsions au développement d'alternatives conceptuelles profondes au néolibéralisme sont ressorties de Florence. Des points de départ pour des réformes modérées coexistent toujours en désaccord avec des orientations de valeur très générales. Une discussion entre les différents points de vue n'a toujours pas eu lieu. L'exemple typique est la campagne annuelle pour la remise, qui prône un allégement de la dette pour les pays pauvres, tandis que d'autre sont pour son annulation pure et simple et sans condition. Aucune des deux positions ne représente une solution pour la crise argentine. La protestation et le refus en guise de dénominateur commun sont certes une base de départ pour le changement, mais insuffisants à long terme. Dans cette mesure, le but essentiel du FSE de discuter posément, indépendamment du pouvoir, et de faire avancer le processus d'organisation des mouvements sur le plan international n'est que très partiellement atteint. Le fait que les nouveaux mouvements soient majoritairement constitués de jeunes est leur grande force. Cela leur leur donne l'air d'être une vraie culture de jeunes et le forum prit dans l'ensemble un caractère festif. Toutefois, on ne doit pas fermer les yeux sur le fait, qu'au vu des rapport démographiques, la jeunesse des pays industrialisés représente une minorité structurelle. Les mouvements ne doivent pas se réduire à des mouvements exclusivement de jeunesse. Le lien avec les catégories démographiques moyennes de la société est incontournable, s'ils veulent avoir des chances de succès. Un élément marquant le caractère jeune du mouvement est une certaine tendance à la radicalité verbale, comme le montre l'histoire des mouvements sociaux. En vérité, la situation actuelle exige une révision réelle des concepts traditionnels. L'efficacité du dialogue unilatéral ou d'une stratégie lobbyiste comme certaines ONG l'on pratiquée peut-être discutée justement après l'échec du processus de Rio. La crise des alternatives au néolibéralisme qui s'attaqueraient plus au fond des problèmes devrait rendre leur mise en place impérative. Il est de même nécessaire de discuter de manière approfondie le propos de Bertinotti : "On ne peut pas parler du néolibéralisme sans parler du capitalisme" et ceci non pas dans le cadre abstrait et historiquement mort d'une opposition "réforme et révolution". Des réponses innovantes à une critique sociale qui seraient d'actualité et non pas engagées dans des combats définitivement révolus sont attendues. Avec des slogans triviaux du genre "one solution - revolution", on ne va pas loin. Cela mène au contraire tout droit au sectarisme. Un regard sur l'expérience des K-Gruppen des mouvements de 68 est encore un fois opportun. Enfin, il faut se garder de vouloir détacher l'expérience italienne de l'euphorie compréhensible de Florence pour l'appliquer au reste du monde. Le succès de Florence repose en grande partie sur la situation politique en Italie, à savoir que: Ces facteurs ne sont pas applicables aux autres pays. C'est pourquoi il serait prématuré de vouloir mettre sur pied un Forum social allemand. Les conditions politiques ne sont pour cela pas (encore?) réunies. Contact pour cet article. pete...@weedbonn.org -Publié dans le courriel d'ATTAC |
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