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MAIN BASSE SUR LES CODES : OGM ET BREVETSsonia, Thursday, October 10, 2002 - 09:09
Sonia
Compte-rendu des interventions de Jean-Pierre Berlan et de Richard Stallman sur différents aspects de la marchandisation du Bien Commun (agronomie et informatique) : «La Guerre au Vivant» et «La Menace des Brevets Informatiques». (Conférence du 9 octobre : MAIN BASSE SUR LES CODES : OGM ET BREVETS, a l'Uqam)
Au sortir de son intervention sur «L'éthique du système GNU/Linux et de la communauté des logiciels libres» présentée dans le cadre de Global-CN ce mercredi matin, Richard Stallman a généreusement accepté de rencontrer l’auditoire rassemblé sur l’initiative de Madame Louise Vandelac. Sociologue à l’UQAM, chercheure au CINBIOSE[1], cette dernière avait tout d’abord convié Monsieur Jean-Pierre Berlan à évoquer les «mystifications scientifiques des sciences de la vie». Monsieur Berlan, ingénieur agronome et économiste à l’INRA[2], a patiemment décrypté, pour les oreilles aussi attentives qu’horrifiées de son public, ce qu’il nomme « la Guerre au vivant » que mènent les grandes firmes de l’agro-alimentaire. La Guerre au Vivant En insistant notamment sur la propagande qu’elles mettent en œuvre à grands renforts de vocabulaire dénaturé et d’arguments lénifiants, il a dressé le tableau de la stratégie acharnée de ces grandes entreprises pour prendre en otage l’agriculture et, par là, faire main basse sur la terrible arme alimentaire. Véritable expropriation du vivant, la création d’un privilège sur le bien commun au profit d’un sombre et intéressé cartel de bio-industries n’est pas sans rappeler le contexte qui menace la recherche en informatique. Ainsi, Richard Stallman a-t-il eu la transition facile pour faire état des dangers que les brevets informatiques font peser sur le développement des nouvelles technologies. Physicien et Informaticien de renommée mondiale (récemment élu à l’Académie Nationale d’Ingénierie aux USA), il a par le passé contribué à décrypter et développer des systèmes d’opération comme la première version du logiciel d’écriture emac. Personnage sympathique et hors norme[3], il aime davantage se présenter comme un «hacker»[4] plutôt que de faire état des nombreux prix qui ont couronné ses recherches. En 1984, il quitte le MIT et lance le projet GNU[5] pour développer un système d’opération gratuit et libre d’accès, qui peut être copié, distribué, modifié et même vendu librement. Poursuivant des visées toutes libertaires, il ambitionne de restaurer la liberté des programmeurs. La Menace des Brevets Informatiques C’est à ce titre qu’il dénonce avec virulence les effets pervers de la brevétisation dans le domaine informatique. Si d’aucuns mettent de l’avant ce système (qui visent à protéger par un droit de propriété les découvertes scientifiques), en assurant qu’il favorise le développement des Nouvelles Technologies, tel n’est pas l’avis du pionnier du logiciel libre[6]. Loin de là. À ses yeux, au contraire, les Brevets Informatiques constituent une entrave aux avancées de la programmation. En effet, les informaticiens ne peuvent progresser qu’à condition de pouvoir librement combiner les programmes déjà existants en y ajoutant du nouveau code. Comparant la programmation à l’écriture d’une symphonie, Stallman a rappelé que Beethoven aurait eu bien du mal à composer ses chefs d’œuvre si à l’époque des brevets avaient été déposés sur des accords, des harmonies… D’autres domaines (Stallman a évoqué la recherche en chimie) ne perdent pas autant à voir des formules, et donc le produit unique qui en découle, être ainsi protégés par le dépôt d’un brevet qui garantit un profit public. Mais l’informatique, de par son champ spécifique, résiste au système des brevets. Mais tout le monde n’y perd pas. Les grandes entreprises, elles, ont tout à y gagner et l’ont bien compris, exerçant des pressions auprès des États pour qu’ils maintiennent le système des Brevets Informatiques. En multipliant les brevets, elles s’assurent de pouvoir s’échanger entre elles leurs programmes, à les monnayer le plus souvent ou à en interdire purement et simplement l’utilisation. Sources de profits lucratifs colossaux, ses programmes sont rendus inaccessibles aux petites entreprises, plus encore aux individus, le moindre contournement entraînant des procès inextricables et, pour les entreprises propriétaires, d’autres profits juteux. Une concentration extrême en résulte, donnant naissance aux monopoles que l’on connaît et, par là, à une réelle confiscation du savoir. Dans l’impossibilité de participer au jeu des échanges, de prétendre rivaliser avec les grandes entreprises, les plus petites en sont ainsi réduites à se faire absorber et les programmeurs indépendants à renoncer à se lancer dans une guerre qui semble battue d’avance. On est loin de la bonne parole néolibérale vantant la libre entreprise et la non moins libre concurrence ! Quelques irréductibles cependant œuvrent depuis quelques années, Stallman à leur tête, pour imposer une nouvelle éthique en développant, au sein de communautés ouvertes, des logiciels libres[6] : libres non seulement d’accès mais aussi libres d’être développés, modifiés, échangés… Si certaines entreprises se disent aujourd’hui intéressés par les recherches qui en résultent et s’affichent comme des soutiens, ce n’est certes pas, comme elles le prétendent volontiers, par philanthropie. Stallman rapporte ainsi une anecdote qui démontre la position paradoxale de Microsoft. Bill Gates aurait ainsi, il y a peu, fait circuler un mémo interne dans lequel il citait Stallman lui-même et soulignait l’intérêt de ses recherches. Pourtant, il avançait aussi et surtout le danger que représentaient les brevets des entreprises rivales de Microsoft pour justifier la nécessité de maintenir un code fermé et d’assurer ainsi la propriété privée des logiciels. La revendication principale de Stallman est d’obtenir un changement de la loi : les Brevets Informatiques ne devraient s’appliquer non sur les programmes mais sur les seuls produits. Il a terminé en dénonçant la volonté des gouvernements de maintenir le statu-quo sur les brevets informatiques à seule fin de préserver les intérêts des grandes firmes. Et ce, au détriment ici encore d’un bien commun, ainsi que Stallman aime à désigner les logiciels. [1] Centre pour l'étude des INteractions BIOlogiques entre la Santé et l’Environnement. [2] Institut National de Recherche en Agronomie - France. [3] Voir sa page web délirante, ses jokes, ses photos en « power tie » mais aussi ses articles et prises de position politiques, sa dénonciation d’une invasion de l’Irak… [4] L'utilisation du mot « hacker » dans le sens de « qui viole des systèmes de sécurité » est un amalgame instillé par les mass media. Nous autres hackers refusons de reconnaître ce sens, et continuons d'utiliser ce mot dans le sens « qui aime programmer et apprécie de le faire de manière astucieuse et intelligente» (N.d.T. : en français, on peut utiliser le néologisme « bitouilleur » pour désigner l'état d'esprit de celui qui « touille des bits ») (source : www.gnu.org) [5] Projet GNU [6] L'expression Logiciel libre fait référence à la liberté pour les utilisateurs d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier, de modifier et d'améliorer le logiciel. Plus précisément, elle fait référence à quatre types de liberté pour l'utilisateur du logiciel:
site web du projet GNU en francais
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