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La question du "trafic des femmes"

Nicole Nepton, Wednesday, September 18, 2002 - 14:14

Louise Toupin

Une étude exploratoire met en évidence les raisonnements qui sont à la source des points de vue, à plusieurs égards très divergents, des principales coalitions internationales de groupes de femmes luttant contre ce que l'on appelle couramment le "trafic des femmes". Elle se veut d'abord et surtout un outil permettant de mieux saisir les différentes perspectives féministes ouvertes sur cette question. Il reste à espérer qu'elle alimente la réflexion et contribue à clarifier les enjeux soulevés par les différentes stratégies féministes, incluant celles des travailleuses du sexe.

Réalisée dans le cadre d'une collaboration entre Stella et l'ARIR, "La question du "trafic des femmes": Points de repères dans la documentation des coalitions féministes internationales anti-trafic" décrit les points de vue qui identifient et différencient les principales coalitions internationales de groupes de femmes luttant contre ce que l'on appelle couramment le "trafic des femmes" : la Coalition Against Traffic in Women (CATW) et la Global Alliance Against Traffick in Women. Certains documents du Network of Sex Work Projects furent aussi analysés.

Cette étude exploratoire met en évidence les raisonnements qui sont à la source de leurs points de vue, à plusieurs égards très divergents. Elle se veut d'abord et surtout un outil permettant de mieux saisir les différentes perspectives féministes ouvertes sur cette question. Il reste à espérer qu'elle alimente la réflexion et contribue à clarifier les enjeux soulevés par les différentes stratégies féministes, incluant celles des travailleuses du sexe.

On sait que la CATW fait de la prostitution en soi, et du trafic des femmes en particulier, la figure emblématique de la domination des femmes par les hommes. Les associations de défense des travailleuses du sexe y voient plutôt un moyen de gagner sa vie dans des sphères de travail liées aux rôles féminins traditionnels, eux-mêmes enchassés dans les rapports de domination hommes-femmes. Pour la CATW, il s'agit d'abolir la prostitution. Pour les secondes, il s'agit plutôt d'assurer l'autodétermination des travailleuses du sexe et de faire en sorte que leurs droits et libertés comme femmes, citoyennes et travailleuses soient respectés. Pour elles, c'est l'exploitation qui prévaut à l'intérieur de ce travail qui fait problème; ce sont donc les conditions de travail qui sont à changer. Pour la CATW, c'est la nature du travail sexuel qui fait problème et ce dernier doit être aboli. Mais l'abolition de l'esclavage n'a pas à voir avec l'abolition d'un certain type de travail, mais avec l'abolition d'un certain type de relations de pouvoir qui violent les droits humains. C'est seulement dans le cas de la prostitution que l'objet dérive vers l'abolition de l'activité comme telle.

Depuis 30 ans, les stratégies du mouvement des femmes ont plutôt ciblé le changement des rapports de pouvoir. Les réformes proposées ont pour but d'accroître l'égalité structurelle, de promouvoir des changements législatifs destinés à assurer la protection des victimes et de faciliter la poursuite de ceux qui ont commis des abus. Au lieu d'abolir l'hétérosexualité, le mariage, la reproduction, qui sont les grandes institutions de régulation des relations entre les sexes avec la prostitution, le mouvement des femmes a plutôt lutté pour le changement des rapports de pouvoir et la création d'espaces de liberté pour toutes les femmes. L'aménagement de ces espaces de liberté devait permettre le développement de stratégies alternatives face à ces institutions de régulation des rapports de sexe.

Pourquoi la "prostitution" ferait-elle bande à part dans ces stratégies? Pourquoi celles qui y oeuvrent, les travailleuses du sexe, ne seraient-elles pas autorisées à définir elles-mêmes leurs propres stratégies d'auto-organisation? Cette possibilité ne fait-elle pas partie de ces espaces de liberté ouverts par le mouvement des femmes depuis au-delà de 30 ans?

La question du "trafic des femmes"


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