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A qui appartient l'eau ? A Suez, à Vivendi, à RWE, à vous, ou à moi ?Carl Desjardins, Friday, September 6, 2002 - 16:09
Mort Rosenblum
Dans un monde où l'eau fraîche se fait de plus en plus rare, un nouveau débat fait rage : les compagnies privées sont libres d'exploiter le pétrole, l'or noir , mais qu'en est-il de cette ressource dont la valeur est infiniment plus grande, l'or bleu ? - Par Mort Rosenblum Dans un monde où l'eau fraîche se fait de plus en plus rare, un nouveau débat fait rage : les compagnies privées sont libres d'exploiter le pétrole, l'or noir , mais qu'en est-il de cette ressource dont la valeur est infiniment plus grande, l'or bleu ? A elles seules, deux compagnies françaises, Suez et Vivendi A peine remarqué il y a encore quelques années, le sujet de la privatisation de l'eau est probablement un problème majeur abordé lors du Sommet mondial des Nations Unies sur le développement durable qui débute ce lundi à Johannesburg en Afrique du Sud. Ce problème pose une question faussement simple : l'eau Une nouvelle tendance se fait jour clairement. Suez comme Vivendi attendent une croissance à deux chiffres de leur commerce de l'eau, et chacun a déjà des contrats qui se montent à plus de 10 milliards de dollars par an. Porto Rico vient juste de signer avec Suez pour la distribution de son eau. RWE, un conglomérat allemand qui traite et commercialise des énergies, est en train d'acquérir de petites compagnies d'eau afin de défier les compagnies françaises. Des centaines d'autres sociétés privées possèdent des concessions pour pomper, traiter et distribuer de l'eau. Même si ces compagnies ont le droit de commercialiser l'eau, non la propriété de l'eau en soi, Gleick et d'autres s'inquiètent du fait qu'une inévitable expansion du secteur privé puisse échapper à un contrôle public minimum. "La privatisation a un potentiel de croissance énorme à cause de l'absolu besoin d'eau des pays en voie de développement. Mais l'eau est trop importante pour être laissée en des mains strictement privées," déclare Gleick. La Banque Mondiale, les agences des Nations Unies, et un certain nombre de gouvernements adhèrent à un concept qu'ils appellent PPP, partenariats public-privé. Ils encouragent les compagnies à investir fortement dans les pompes, collecteurs et autres infrastructures nécessaires à la fourniture de l'eau, en échange des profits. Dans de nombreuses grandes villes, jusqu'à la moitié de l'eau est perdue à cause de fuites et de conduites cassées. La facturation est souvent chaotique. Les services publics gérant l'eau, manquant généralement de liquidités et d'expertise, bataillent pour répondre à une demande qui s'accroît rapidement. Suez et Vivendi font chacun remarquer des cas dans le monde où ils ont étendu le service, parfois à des prix moindres. Les deux insistent sur le fait qu'ils vendent un service, pas de l'eau, et soulignent qu'ils opèrent sur des concessions qui doivent être renouvelées. Ils disent que de meilleurs réseaux signifient que beaucoup de gens pauvres ont maintenant accès à une eau fiable pour beaucoup moins que ce qu'ils payaient aux vendeurs itinérants. "Nous avons l'argent et l'expertise, et nous croyons pouvoir gérer l'eau mieux que les états", disait Jacques Pétry, directeur de Ondéo, la division eau de Suez. "Nous ne sommes pas propriétaires de ces ressources. Nous les gérons et les protégeons." Pour autant, la filiale américaine De Ondéo a dû faire face à un tonnerre de protestations suite à sa reprise de la distribution de l'eau à Atlanta en 1999. Les consommateurs ont fait état de coupures inexpliquées, de facturations confuses et de longs retards dans le service. La gestion de l'eau est une affaire intimement liée à des difficultés économiques et culturelles. En 2000, un soulèvement populaire à Cochabamba, Bolivie, en montre les dangers. Les consommateurs se sont révoltés quand Bechtel a doublé le prix de l'eau. Sept personnes ont trouvé la mort au cours de ces événements et la compagnies américaine a perdu sa concession. La militante canadienne Maude Barlow, auteur du livre Blue Gold , affirme clairement sa position dans son sous-titre : Le combat pour empêcher les grandes compagnies de voler l'eau du monde. Tout en admettant que le secteur privé a un rôle à jouer, elle affirme que l'eau doit impérativement demeurer aux mains du secteur public sans confusion aucune entre droit de l'homme et intérêts commerciaux. "En droit, ils ne peuvent pas être égaux", dit-elle. En 2000, Barlow a rendu un hommage enthousiaste à la révolte de Cochabamba. Aujourd'hui, elle reconnaît que le réseau actuel géré par une coopérative est en ruines, sans capital ni expérience. " Pourquoi est-il possible de trouver de l'argent pour une compagnie privée et pas pour une compagnie publique ?" demande-t-elle, défendant l'idée que les agences internationales devraient aider les autorités locales dans la gestion de leur système de distribution d'eau. D'autres militants s'inquiètent d'un possible revers de la logique de privatisation : si les compagnies font de l'argent en fournissant de l'eau, leur motivation ne sera-t-elle pas de vendre autant que possible plutôt que de protéger une ressource rare ? Cependant, William Cosgrove, un consultant canadien qui a participé à la rédaction du rapport World Water Vision pour une conférence sur l'environnement l'année dernière à La Hague aux Pays Bas, insiste sur le fait que la plupart des gens, y compris les dirigeants d'entreprises, sont convaincus que l'accès à l'eau est un droit fondamental. "Il y a controverse uniquement parce que ceci n'est pas pris en compte." dit-il. "Tant qu'il sera admis que les gouvernements mettent en place des cadres réglementaires et définissent des objectifs, ils peuvent utiliser au mieux l'eau dont ils disposent." Les dirigeants de Suez et Vivendi sont d'accord. Un porte-parole de Suez, Jean-Luc Trancart, qui a une longue expérience de la gestion de l'eau en France, argue du fait que les compagnies privées répondent à un besoin vital. Il a déclaré : "Je dis toujours aux activistes qui veulent nous causer du tort, qu'ils devraient plutôt faire en sorte que le secteur public fonctionne mieux." Pierre Victoria, directeur des relations publiques chez Vivendi, affirme que le gouvernement doit endosser un rôle de régulateur et que la gestion privée ne peut qu'échouer si les gens ne reçoivent pas un meilleur service à prix juste. Gleick du Pacific Institute pense qu'à long terme, il est probable que les compagnies privées ne seront plus les moteurs du secteur. Déjà, de grandes villes américaines y réfléchissent à deux fois avant de privatiser. "Si les exemples édifiants tels qu'Atlanta ne s'améliorent pas, les choses ralentiront vite", prévoit Gleick. De plus, les possibilités commerciales sont limités dans les pays dépourvus de compagnies publiques solides. Ils cueilleront les fruits des branches basses : le système municipal déjà existant en manque d'argent ou d'expertise et fournissant les classes sociales moyennes ou élevées", dit Gleick. "Les pauvres sont toujours laissés de côté". Mort Rosenblum Publié dans le courriel d'ATTAC |
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