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Pays du tango en crisesofia pb, Sunday, August 18, 2002 - 14:20
GESAL
Décembre 2001, Argentine Soulèvements populaires « contre la répression, les ajustements structurels et pour un changement de modèle économique », 4 jours d’émeute de la faim et de pillages. Bilan : au moins 31 morts, état de siège décrété pour 30 jours, 4 présidents de la République congédiés en 2 semaines. Dès lors, le monde entier se fige en apprenant la nouvelle : le pays modèle de l’ajustement structurel, le meilleur élève du Fond Monétaire International (FMI), est en déroute économique totale. Août 2002, Amérique du Sud L’Amérique est en crise. Les conséquences des déboires financiers de l’Argentine se font sentir partout en Amérique du Sud. Uruguay, Paraguay, Brésil, Chili, Pérou, Bolivie.. tous souffrent d’une manière ou d’une autre de l’échec du modèle néo-libéral en Argentine. Une faillite du FMI? La situation sociale intenable en Argentine –taux de chômage officiel de 20%, 14 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté (sur un total de 37 millions d’habitants), perte de pouvoir d’achat de près de 50 % en 5 ans- est en partie due à l’application des principes du modèle néo-libéral, modèle où les politiques en entier sont subordonnées à une obligation : ne pas entraver le paiement de la dette extérieure. Aujourd’hui, confronté à une dette frôlant les 132 milliards de dollars, le pays du tango étouffe. Il y a 25 ans En fait, c’est sous la sanglante dictature militaire (1976-1983), laquelle a fait assassiner plus de 30 000 personnes, que le modèle économique des tenants du néolibéralisme fut mis de l’avant. C’est donc grâce au général-président Jorge Videla, au ministre de l’économie Martinez de la Hoz, au conseiller de la Banque Centrale Dante Simone (un cadre du FMI mis au service du régime militaire) ainsi qu’au président de la Banque Centrale Domingo Cavallo (celui-là même qui s’occupera des finances sous les gouvernements de Menem et de la Rúa) que la dette publique extérieure est passée de 8 à 43 milliards de dollars pendant la dite période dictatoriale. Dans les années 90, le gouvernement péroniste de Carlos Menem doit régler le problème d’hyper-inflation et fait appel à Cavallo. Celui-ci continue alors la révolution économique mise de l’avant par ses prédécesseurs et applique avec rigueur les conseils des experts de Washington, lesquels ressemblent étrangement aux habituels conseils du FMI : démantèlement du secteur public, licenciements de fonctionnaires, privatisations des entreprises nationales, de la santé et de l’éducation, libéralisation de l’économie et des échanges, hausse des taux d’intérêts… De plus, il met en place le système de convertibilité (une parité fixe entre le dollar et le peso argentin) qui permettra à l’Argentine de vivre une décennie de gloire et à sa classe possédante de s’enrichir grandement. La corruption bat son plein lorsque Fernando de la Rúa est élu en 1999; la démocratie n’est plus qu’une façade pour dissimuler la 4e année de récession que traverse le pays. Ainsi, depuis 1970, la dette est passée de 7.6 milliards $ à 132 milliards $, le chômage est passé de 3 % à 20 %, l’extrême pauvreté de 200 000 personnes à 5 millions, la simple pauvreté de 1 million à 14 millions, l’analphabétisme de 2 % à 12 % et aujourd’hui, 90 % des banques et 40 % de l’industrie sont aux mains de capitaux internationaux… Une dette odieuse Après avoir remboursé pas moins de 200 milliards $ en intérêts (service de la dette) depuis 25 ans, le peuple argentin conteste la légitimité de la dette. D’abord, dû au fait que durant la dernière période de la dictature la dette externe privée a été transférée illégalement à la charge de l’État. Ensuite, « selon le droit international, ces dettes acquises par un régime dictatorial constituent une dette odieuse ». Ainsi, au début du régime constitutionnel (suite à la dictature), le président Alfonsín aurait dû dénoncer les pressions du FMI et des ses créanciers et ainsi refuser de payer la dette. Cependant, « il a au contraire signé un accord avec le FMI, engageant son pays à tout rembourser jusqu’au moindre centime. » Les prêts recueillis par la suite ont servis à rembourser les dettes contractées lors de la dictature, plongeant ainsi l’Argentine dans le cercle vicieux du surendettement. De plus, en juillet 2002, après 18 ans de procédures, le tribunal fédéral # 2 de Buenos Aires a jugé illégitime la dette argentine, démontrant la culpabilité des créanciers privés internationaux, du FMI et de la réserve fédérale américaine. Crise sociale Les conséquences d’une « politique qui privilégie le paiement de la dette extérieure au détriment des besoins découlant d’une immense pauvreté » sont désastreuses (22 % des dépenses publiques servent à payer les intérêts de la dette). Le chômage endémique et l’extrême pauvreté ont poussé des milliers de désespérés en décembre dernier à piller des commerces et des supermarchés. Puis, ce fut au tour de la classe moyenne de la population de sortir dans la rue lors des cacerolazos (manifestations de ras-le-bol exprimées en frappant sur des casseroles vides) afin de protester contre les «réductions de salaires, les rétentions de dépôts bancaires (les citoyens ne peuvent sortir plus de 250 $ par semaine, mesure qui fut appliquée après que les grands spéculateurs nationaux et internationaux aient sorti leurs capitaux du pays, soit plus de 15 millions de $), la hausse des taxes, la corruption généralisée », la répression excessive, etc. Pendant ce temps au Nord Face à la constitution des différents blocs économiques –l’Union Européenne par exemple-, les États-Unis cherchent par tous les moyens à consolider leur pouvoir mondial. Eux-mêmes traversant une récession économique, ils se retrouve devant la nécessité toujours plus pressante de faire accepter la Zone de Libre Échange des Amériques (ZLÉA, ALCA en espagnol et FTAA en anglais), laquelle représente une stratégie d’annexion de marchés et d’économies qui apportera des avantages absolus aux États-Unis alors que ce sont les pays latino-américains qui devront faire face à la majeure partie des préjudices. Pour y parvenir, l’administration américaine joue sur tous les fronts. À titre d’exemple des stratégies américaines, nommons les Plan Colombie et Plan Puebla-Panama. Par le biais du premier, le géant américain, au nom d’une lutte au narco-trafic et au terrorisme, investissent militairement un territoire géo-stratégique important qui lui permettra de sécuriser les investissements prévus dans le cadre de la ZLÉA. Puis, grâce Plan Puebla-Panama, sera facilitée l’exploitation des ressources naturelles du corridor caribéen. La crise en Argentine est loin d’être un élément à part. En fait, elle sert les États-Unis puisqu’elle permet d’affaiblir le MERCOSUR afin d’éviter que la réticence de certaines pays membres (membres : Paraguay, Uruguay, Argentine, Chili, Brésil et Bolivie) à intégrer la ZLÉA ne se concrétise en refus. Question d’isolement En fait, il aurait été plus facile pour les pays du MERCOSUR de rejeter en bloc la ZLÉA ou du moins de la négocier ensemble afin d’en bénéficier. De plus, tout comme le Vénézuela, le Brésil constitue lui-même une menace puisque le parti des travailleurs semblent être en tête des sondages pour les prochaines élections. Donc, la crise en Argentine vient ébranler l’économie du MERCOSUR en diminuant de cette façon le pouvoir de négociation face aux États-Unis. Justement, les pays touchés par la crise ont reçu dernièrement la visite de Paul O’Neill (Secrétaire du Trésor Américain), lequel leur a offert de l’aide économique sous certaines conditions tout en les invitant fortement à accepter les articles de la ZLÉA. Les pays sud-américain l’ont exprimé lors du Deuxième Sommet Sud-Américain tenu à Guayaquil récemment, ils doivent s’unir pour négocier en meilleure condition. Mais, négocier pays par pays, isolément, voilà la stratégie mise de l’avant par Washington afin d’éviter un front commun de refus de la ZLÉA. BASTA « L’Argentine a été le modèle du consensus de Washington et de la théorie économique néo-libérale. Elle a réduit L’État de 2 tiers, ouvert son économique de façon unilatérale, supprimé subventions et taxes aux entreprises, réduit les salaires, coupé les dépenses en éducation et en santé. » Maintenant, le pays se retrouve en faillite. Alors que les créanciers internationaux sont eux-mêmes critiqués, ils continuent d’imposer leurs conditions avant de fournir une aide financière d’urgence. Mais, ici on ne parle pas que d’argent, on parle de mobilisations sociales, de répression, de morts, on parle d’exclusion, de la faim, de la pauvreté et de la misère. La répression, la guerre, l’exploitation, la manipulation au nom de l’argent : YA BASTA! Sources : ·Groupe de Recherche sur l’Intégration Continentale, « Un semestre de crisis en Argentina », Pablo HEIDRICH ·Chaire de recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie ·Monde Diplomatique GESAL |
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