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Mexique: EZLN: La force du silenceAnonyme, Wednesday, July 24, 2002 - 22:45
Luis Hernández Navarro*
Face à la confusion et au bruit du "gouvernement du changement" de Vincente "BerlusFox" - comme il est appelé par certains médias - les Zapatistes ont, jusqu'à maintenant, décidé de s'exprimer avec la force du silence. Depuis le 1er mai 2001, quand ils émirent un communiqué discréditant la réforme indigène approuvée par le Congrès fédéral, l'EZLN ne s'est plus adressé publiquement à la société civile nationale et internationale. Seul l'assassinat de la défenseuse des droits de l'homme Digna Ochoa provoqua la rupture de ce silence pour pour exprimer leurs condoléances à sa famille et amis. Tandis que le nouveau gouvernement de centre-droite s'use de manière accélérée sans accomplir ses promesses d'entreprendre une réforme de l'État, que ses membres se battent en public, que le président s'affronte au pouvoir législatif et que les partis politiques changent leur direction, les rebelles construisent depuis en bas le pouvoir populaire, choisissent leurs autorités locales autonomes de manière directe et promeuvent des programmes de santé, d'éducation et d'agriculture écologique. Le silence zapatiste n'est pas nouveau comme tactique politique. Ce n'est pas non plus un élément étranger à la culture de résistance des peuples indiens. Fréquemment, les indigènes de ce pays se sont tus devant des fonctionnaires omnipotents et autoritaires, et feignaient de ne pas comprendre leurs paroles pour leur faire sentir le froid glacial de la non-communication ou pour éviter d'assumer des compromis défavorables. L'EZLN a crû comme force politique issues des communautés indigènes chiapanèques pendant plus de dix années, en faisant du silence, vis-à-vis de l'extérieur, un élément central de son action. Ils se sont tus aussi pendant les élections fédérales de 1997 et de 2000. Ils se sont tus après l'offensive militaire du gouvernement d'Ernesto Zedillo au début de 1998. Le silence des Zapatistes s'est transformé en un miroir dans lequel les différents acteurs politiques voient reflétés leur image et leurs désirs. Le silence a temporairement remplacé le passe-montagne et le foulard. Paradoxalement, ceux qui n'ont plus fait entendre leur voix ont permis que les plaintes d'anti-constitutionnalité contre la réforme indigène présentées par plus de 300 communautés puissent être écoutées par l'opinion publique nationale. La même chose est arrivé avec une multitude de luttes de résistance qui sont apparues partout à travers le territoire national. C'est comme si l'absence de mots du commandement rebelle avait stimulé la maturation et le repositionnement politique d'autres acteurs sociaux. Ce silence n'a pas impliqué, cependant, que les peuples en rebellion cessent de parler. Les agressions dont ils font l'objet sont documentés une après l'autre, et maintes fois ils ont réaffirmé leur disposition à résister pacifiquement. Ses prises de position publiques montrent l'existence d'une coordination interne. Les autorités des communautés autonomes émettent régulièrement des déclarations publiques où elles rendent compte des agressions dont ils sont victimes par l'armée et les paramilitaires. Mais l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) ne s'est pas encore exprimée. Ce qui ne veut pas dire qu'elle ne fait rien. Au contraire, ses lignes d'action, dans cette conjoncture, sont claires : avancer dans la construction de l'autonomie de facto dans un vaste territoire, fortifier la formation d'un vaste mouvement contre le néo-libéralisme sur le terrain international, et aider à la formation d'une force indigène nouvelle et indépendante dans le pays. Le miroir dans lequel se reflète le gouvernement est très peu imaginatif. Dans ses files, il y a de la nervosité. Il s'est rendu compte que le fait d'avoir mis en échec le PRI n'a pas enlevé à l'EZLN sa bannière et sa raison d'être et il ne sait que faire pour lui ôter toute légitimité. Il n'a pas pu affaiblir les insurgés. Et il craint le moment de sa réapparition publique. Le gouvernement a parfois interrogé ce silence zapatiste et cette interpellation s'est transformée en confusion: il a démontré que le pouvoir manque d'un discours propre, qu'il n'a pas une stratégie de paix dans la région, que ce qu'il prétend est de laisser le temps passer. De cette façon, il s'est mis dans la pire des situations possibles: sans légitimité pour faire la guerre et sans crédibilité pour atteindre la paix. L'usure gouvernementale est le produit tant des incongruités internes dans l'application de sa stratégie que de son manque d'unité de commandement, comme du choc de celle-ci avec les peuples en résistance pacifique et avec les vastes franches de la société civile nationale et internationale. Le silence zapatiste a augmenté les coûts de la stratégie officielle. En rendant invisible le commandement de l'EZLN, le gouvernement a démontré la véritable nature de son offensive : la démagogie comme politique d'État et la guerre sale, enveloppée d'offres de paix, contre les peuples indigènes rebelles. Ironiquement, le silence de l'EZLN est entendu avec la même force aujourd'hui que sa parole hier. Loin d'avoir perdu son espace dans la vie politique nationale, le Zapatisme, sans publier une seule phrase, se maintient au centre de la tourmente. "Celui qui reste silencieux est ingouvernable", disait Ivan Illich. Le silence zapatiste résonne avec force. C'est une grave erreur de le sous-estimer. * Article paru à l'origine dans le quotidien mexicain "La Jornada", traduit par Frédéric Lévêque.
Réseau d'Information Solidaire Belgique Amérique Latine
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