|
Pour une autre politique énergétique et minière de la Banque MondialeCarl Desjardins, Wednesday, July 24, 2002 - 13:39
Campagne IFI. France
Dans la perspective du prochain Sommet des Nations Unies sur le Développement Durable qui aura lieu du 26 août au 4 septembre 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud), la Banque mondiale affine sa stratégie de communication et centre son discours sur la protection de l'environnement. La sincérité de ses nouveaux engagements en matière de développement durable ne saurait toutefois résister à l'analyse des faits. - Par Campagne IFI. France. Dans la perspective du prochain Sommet des Nations Unies sur le Développement Durable qui aura lieu du 26 août au 4 septembre 2002 à Johannesburg (Afrique du Sud), la Banque mondiale affine sa stratégie de communication et centre son discours sur la protection de l'environnement. La sincérité de ses nouveaux engagements en matière de développement durable ne saurait toutefois résister à l'analyse des faits. Depuis le dernier Sommet de la Terre à Rio en 1992, la Banque a en effet investi plus de 20 milliards de dollars dans les industries minières, pétrolières et gazières alors que dans le même temps elle ne finançait qu'une douzaine de projets liés à l'exploitation des énergies renouvelables (pour un montant à peine supérieur à un milliard de dollars). Selon les propres termes du directeur des relations extérieures de la Société Financière Internationale (organe du groupe Banque mondiale qui finance directement les entreprises), Monsieur O'Keefe, "le développement et l'exploitation des combustibles fossiles continueront de constituer un élément essentiel des programmes énergétiques de la plupart des pays en développement" . Force est pourtant de constater que les multiples projets financés par la Banque ne participent guère au développement et à la croissance des pays du Sud. Bien au contraire, l'extraction et l'exploitation des ressources minières et pétrolières s'accompagnent pour les populations locales de nombreux bouleversements sur le plan social et environnemental (déplacements forcés, déstabilisation des structures sociales locales, destruction d'écosystèmes, pollution, violation des droits humains, corruption, dégradation de la santé, alimentation des conflits armés). D'autre part, la production des secteurs miniers et pétroliers systématiquement tournée vers l'exportation, ne profite qu'aux pays du Nord, gros consommateurs d'énergies fossiles. Les pays d'accueil de ces grands projets d'extraction restent pour leur part dans l'incapacité de fournir à leurs populations un accès généralisé à l'énergie de base. Quant aux profits générés, ils ne sont que très rarement réinvestis sur place. La grande majorité se trouve au contraire accaparée par les multinationales qui rapatrient leurs bénéfices vers les marchés financiers des pays du Nord. De plus, l'exploitation des industries extractives aggrave le changement climatique, menace planétaire dont les premières victimes sont là encore les plus pauvres du Sud! Ainsi, pour permettre aux pays du Sud de satisfaire leurs besoins en énergie tout en oeuvrant pour un développement durable respectueux des droits humains, la Banque mondiale doit réviser de manière fondamentale les modalités de son implication financière dans le domaine des énergies fossiles et des industries minières. C'est la raison pour laquelle Agir ici, l'AITEC et le CRID en partenariat avec les Amis de la Terre, Greenpeace et le Réseau Action Climat - France, ont lancé depuis mars 2002 la campagne citoyenne "Avec la Banque mondiale: ça carbure au Nord, ça chauffe au Sud". Dans le cadre de cette campagne soutenue par une quarantaine d'associations françaises, les citoyens sont invités à adresser des cartes postales aux décideurs ciblés ( Premier ministre français, président de la Banque mondiale, administrateur pour la France à la Banque mondiale) afin de les interpeller sur l'insuffisance de la politique énergétique actuelle de la Banque. S'inscrivant dans la continuité de l'appel mondial lancé en l'an 2000 par les Amis de la Terre International, la campagne française identifie trois axes de réformes indispensables. La Banque mondiale, dans le secteur des énergies fossiles et des industries extractives, doit : - s'interdire de financer tout projet en cas de désaccord des populations concernées. L'exploration et l'extraction de pétrole, de gaz et de minerais doivent également être formellement exclues de toute zone particulièrement sensible (concept de "no go zones") : territoires de peuples autochtones, écosystèmes fragiles et zones riches en biodiversité, zones marines précieuses ou forêts primaires, zones où la compétition pour le contrôle des revenus générés par ces projets peut provoquer ou aggraver les tensions armées. - reconnaître sa responsabilité pour les dommages infligés et procéder à des réparations à la hauteur du préjudice. Ce concept de réparation doit s'accompagner de mesures préventives. Cela implique la création d'une véritable structure indépendante d'évaluation, externe à la Banque mondiale. Elle devrait inclure dans son champ de compétence les aspects sociaux et environnementaux des projets et programmes de la Banque mondiale et être assortie d'un mécanisme de recours permettant aux populations affectées de défendre leurs droits. Cette instance de recours pourrait être placée sous l'égide des Nations Unis. - rediriger ses financements vers les énergies renouvelables et en faveur des populations les plus pauvres. Après trois mois de campagne, plus de 12500 personnes se sont déjà mobilisées pour soutenir les objectifs affichés. De nombreux autres citoyens devraient les rejoindre dans cette action qui se prolongera jusqu'à l'ouverture du Sommet mondial de Johannesburg. Outre cette forte participation, la campagne a provoqué de nombreuses réactions des décideurs. Si certains représentants de la Banque mondiale tel que M. O'Keefe, ont clairement affiché leur opposition aux recommandations formulées, l'administrateur français, M. Duquesne, a en revanche marqué un vif intérêt à leur endroit et a invité les représentants de la campagne à se manifester auprès des responsables de l'EIR (Extractive Industries Review). Confrontée à une mobilisation générale, la Banque mondiale s'est en effet engagée dans un processus de révision de sa politique en matière d'industries extractives. Ce processus mené par l'EIR doit être l'occasion de changements importants. Cependant, de nombreux précédents incitent à la prudence quant aux conclusions de cet examen, prévues pour juin 2003. La Banque mondiale a en effet pour habitude de lancer de grands processus d'évaluation sans au final en intégrer les conclusions. Récemment, l'initiative SAPRI sur l'ajustement structurel, ou la commission mondiale des barrages en ont fait l'amère expérience. On peut ainsi se demander comment les conclusions de la dernière consultation régionale de l'EIR qui s'est tenue à Budapest du 18 au 22 juin 2002 seront prises en compte par le groupe Banque mondiale. Ces conclusions sont pourtant sans équivoques : les projets miniers, pétroliers et gaziers financés par la Banque mondiale ne répondent pas aux objectifs de lutte contre la pauvreté et ne s'inscrivent en aucun cas dans une stratégie de développement durable. Dans ce contexte de réforme, la réflexion et l'expertise produites par les organisations qui composent la campagne française sont particulièrement cohérentes et peuvent inciter la Banque mondiale à procéder aux ajustements qui s'imposent. La récente rencontre organisée entre les membres de la campagne française et le responsable de l'EIR, le Dr Emil Salim, a permis de mesurer l'intérêt que ce processus de révision peut porter à certains objectifs affichés comme la mise en oeuvre de "no go zones". A quelques semaines du Sommet de Johannesburg, il est temps plus que jamais d'intensifier notre mobilisation dans le cadre de cette campagne afin que la Banque mondiale, dix ans après les promesses non tenues de Rio, revoie enfin sa politique de financements des industries extractives et réoriente ses priorités vers les énergies renouvelables. Contact pour cet article i...@agirici.org Notes : Vous pouvez vous procurer cette campagne à Agir ici, 104 rue Oberkampf - 75011 Paris. Pour de plus amples informations : www.globenet.org/ifi - Publié dans le courriel d'ATTAC |
|
||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Ceci est un média alternatif de publication ouverte. Le collectif CMAQ, qui gère la validation des contributions sur le Indymedia-Québec, n'endosse aucunement les propos et ne juge pas de la véracité des informations. Ce sont les commentaires des Internautes, comme vous, qui servent à évaluer la qualité de l'information. Nous avons néanmoins une
Politique éditoriale
, qui essentiellement demande que les contributions portent sur une question d'émancipation et ne proviennent pas de médias commerciaux.
|