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Le dernier cri d'alarme de la comptabilité environnementale!

DCP, Monday, July 22, 2002 - 18:21

Daniel Clapin-Pépin

Notre planète Terre ne suffit plus à la tâche selon les plus récents chiffres d’un compte rendu de l’Académie nationale des sciences (NAS) des Etats-Unis publié le 9 juillet 2002 en prévision du Sommet des Nations unies sur le développement durable à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 26 août au 4 septembre 2002.

Cette découverte de la comptabilité environnementale, avec son concept scientifique d' « empreinte écologique », nous révèle que la population mondiale actuelle de six milliards d’habitants « surconsomme » les ressources de la Terre à un taux excédent de 20 % ses capacités annuelles de régénération en termes de forêts, de sols cultivables et d’énergies renouvelables.

Complémentairement à cette étude de la NAS, nous parvenait de Suisse, le 10 juillet 2002, un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) intitulé Planète vivante 2002 et qui décrivait, toujours sur Internet, la même alarmante réalité d’une excessive empreinte écologique que je résumerai comme suit.

Notre planète Terre ne suffit plus à la tâche selon les plus récents chiffres d’un compte rendu de l’Académie nationale des sciences (NAS) des Etats-Unis publié le 9 juillet 2002 (voir Note 1) en prévision du Sommet des Nations unies sur le développement durable à Johannesburg, en Afrique du Sud, du 26 août au 4 septembre 2002.

Cette découverte de la comptabilité environnementale, avec son concept scientifique d' « empreinte écologique » (voir Note 2), nous révèle que la population mondiale actuelle de six milliards d’habitants « surconsomme » les ressources de la Terre à un taux excédent de 20 % ses capacités annuelles de régénération en termes de forêts, de sols cultivables et d’énergies renouvelables.

Complémentairement à cette étude de la NAS, nous parvenait de Suisse, le 10 juillet 2002, un rapport du Fonds mondial pour la nature (WWF) intitulé Planète vivante 2002 et qui décrivait, toujours sur Internet, la même alarmante réalité d’une excessive empreinte écologique que je résumerai comme suit.

La notion d'empreinte écologique
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L'empreinte écologique (EE) est une mesure de la consommation des ressources naturelles renouvelables par une population humaine, que ce soit celle d'un pays, d’une région ou du monde entier. L'EE d'une population est la surface totale de terre ou de mer productive nécessaire pour lui fournir les récoltes, la viande, les fruits de mer, le bois et la fibre consommés, pour soutenir sa consommation d'énergie et son besoin d'espace pour ses infrastructures. L'EE peut dès lors être comparée à la capacité biologiquement productive de la terre et de la mer disponible pour cette population.

Globalement, pour la population du monde entier, la Terre offre environ 11,4 milliards d’hectares de terre et de mer productives, après en avoir exclu environ un quart de sa superficie pour l‘ensemble des régions improductives comme les calottes glaciaires et les déserts. Lorsque divisée entre la population globale de six milliards de personnes, cette surface totale productive équivaut à 1,9 hectares par personne. Un hectare est une surface de 10 000 mètres carrés – ou cent mètres par cent – qui correspond en gros à un terrain de soccer.

Localement, tandis que l'EE du consommateur africain ou asiatique moyen était de moins de 1,4 hectares par personne en 1999, l'EE de l'Européen occidental moyen était d’environ 5,0 hectares, et celle de l'Américain du Nord moyen était de 9,6 hectares.

Globalement, l'EE moyenne de tous les consommateurs du monde en 1999 était de 2,3 hectares par personne, soit un niveau de 20% au-dessus de la capacité biologique de la terre de 1,90 hectares par personne. En d'autres termes, l'humanité excède maintenant la capacité de la planète de soutenir sa consommation des ressources renouvelables.

Nous pouvons certes maintenir ce découvert global sur une base provisoire pour encore quelques années en puisant directement dans le capital naturel – au lieu de n’en extirper que l’usufruit, comme on l’enseigne en saine gestion financière – avec ses stocks limités et épuisables de forêts, de poissons et de sols fertiles.

Qui plus est, nous vidons également nos émissions excessives d'anhydride carbonique (CO2) dans l'atmosphère. Aucune de ces deux activités humaines n’est soutenable à long terme, la seule et unique solution durable étant de vivre à l’intérieur des limites de la capacité productive biologique de la Terre.

Quelques leçons de comptabilité environnementale
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Mon collègue et ami Guy Gosselin, bibliothécaire à l’UQAM, me faisait remarquer à cet effet qu’en vertu de cette dernière règle de développement durable, il faudrait que nous ne soyons que 5 milliards d'habitants. Et qu’au rythme des pays européens de 5 hectares par habitant, il faudrait que nous ne soyons plus que 2,3 milliards d'habitants. Pire encore, en vertu du super-rythme nord-américain de 9,6 hectares par habitant, la Terre ne pourrait donc plus accueillir que 1,2 milliards d'habitants. Et mon ami Guy de se poser la question logique suivante : « Pouvons-nous y arriver sans changer notre façon d'interagir avec la nature ? »

Bien sûr que non! Mais soyons concret. Pour y arriver, il nous faut de toute urgence appliquer sans délai la devise préférée des écologistes : penser globalement et agir localement! Et pour passer à l’action de manière efficace, cette problématique complexe doit être subdivisée en quatre sous-problèmes interreliés et interdépendants qui nous posent autant de nouveaux défis de management environnemental à résoudre tant à l’échelle du monde que de chacun des 190 États de l’ONU : 1) surpopulation; 2) surconsommation; 3) « malproduction » (un néologisme de mon cru); 4) « maldistribution » des richesses (voir Note 3).

Poursuivons plus avant notre description de la catastrophique situation planétaire actuelle parce que bien poser le problème, enseigne-t-on en management, c’est l’avoir déjà résolu à 50 %.

Les grandes tendances actuelles de l’humanité nous éloignent graduellement mais inexorablement de nos obligations éthique et morale – à tout le moins envers nos enfants et les leurs – de rencontrer les conditions minimales pour pouvoir assurer la durabilité du capital nature.

L'EE globale est passée d’environ 70 % de la capacité biologique de la planète en 1961 à environ 120 % en 1999. En outre, les futures projections basées sur les scénarios probables de la croissance de population, du développement économique et du changement technologique, estiment que l’EE de l'humanité est susceptible de varier entre 180 % et 220 % de la capacité biologique de la Terre pour l'année 2050.

Nous, hommes et femmes modernes, avons tellement pillé et saccagé notre petite planète qu’il nous faudrait « coloniser » l'espace extra-atmosphérique afin de pouvoir assurer l'existence continue de l'humanité comme nous la connaissons actuellement. Ainsi, la population de la Terre serait forcée de coloniser au moins deux nouvelles planètes dans un délai de 50 ans si nous continuons d’exploiter nos ressources naturelles au rythme actuel.

D’ores et déjà, plus qu'un tiers du monde naturel a été détruit par l’espèce humaine au cours des dernières trois décennies. Triste réalité, la surconsommation et les innombrables gaspillages des habitants industrialisés des pays riches sont principalement responsables de la surexploitation et de l'épuisement du capital naturel qui nous fait vivre. La consommation humaine a doublé au cours des 30 dernières années et elle continue sur sa lancée au rythme infernal de 1,5 pour cent par an.

Évidemment, à moins d’être un optimiste béat à tout crin et à tout prix, il est fort improbable que la Terre puisse continuer à couvrir un tel déficit écologique pendant encore 50 années sans contre-coups avec de graves bouleversements environnementaux à l’encontre de la santé et de la sécurité de la future population ainsi que de son bien-être économique.

Or, il vaut mieux être en position de commander notre propre destin – c’est-à-dire collectivement et donc politiquement, par-delà les fausses prétentions d’autorégulation du Marché qui est en réalité aveugle, ignorant et par conséquent incapable de réagir aux aléas écologiques - que d’en laisser le soin au hasard des soubresauts de la nature.

Si nous voulons retourner au niveau d’une EE soutenable, cela signifie que nous devons collectivement décider de procéder à des changements radicalement révolutionnaires de quatre manières fondamentales.

Primo, il est nécessaire de grandement améliorer l'efficience avec laquelle les marchandises et les services sont produits (voir Note 4).

Secundo, nous devons consommer nos ressources naturelles de manière plus intelligente tout en comblant les scandaleux et inacceptables écarts de consommation et d’accès aux biens fondamentaux - comme l’eau potable - entre les pays riches et pauvres.

Tertio, la croissance des populations doit être contrôlée en favorisant l'éducation universelle et l’accessibilité pour tous, pauvres et riches, aux soins de santé.

Et enfin, quarto, il est tout aussi impératif que nous nous organisions pour protéger, gérer et restaurer les écosystèmes afin de préserver la biodiversité avec tous les services écologiques les accompagnant, et ainsi conserver puis augmenter la productivité biologique de la planète, au profit des générations présentes et futures.

Enjeu mondial #1 : accès universel à l’eau potable
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En guise de conclusion, je nous souhaite le plus grand succès possible au Sommet des Nations unies sur le développement durable à Johannesburg du 26 août au 4 septembre 2002. Et s’il me fallait, pour en privilégier l’avènement, ne choisir qu’un seul des nombreux enjeux qui y sont en attente d’une décision politique favorable, je retiendrais la principale composante du droit à la vie pour tous qu’est l’accès libre et gratuit à une eau potable.

L’eau c’est la vie! L’eau est un droit humain fondamental. L’eau est donc d’abord et avant tout un patrimoine commun de l’humanité, un bien commun public et de responsabilité publique. La gestion des services d’eau (approvisionnement, assainissement et distribution) doit donc politiquement relever de la supervision de l’État, sur son territoire et partout dans le monde.

Cela posé, il nous faut aussi être réaliste et reconnaître qu’en pratique la rareté croissante de l’eau pure aura aussi progressivement et partiellement transformé ce bien public en un nouveau bien marchand, une denrée commercialisée par le monde de l’entreprise à des fins de profitabilité privée croissante, généralement au détriment des consommateurs moins bien nantis ou non solvables.

Qu’à cela ne tienne, ce double statut socio-économiquement concurrentiel et conflictuel de l’eau - d’abord public puis privé - nous permet d’y trouver la solution à sa nécessaire et urgente accessibilité universelle. Ainsi, par solidarité humaine et écologique, je préconise la création d'un nouveau Fonds mondial de l’eau dont la priorité #1 serait de garantir un accès gratuit à l'eau potable pour tous les habitants des pays pauvres.

Ce Fonds serait financé par tous les habitants des pays riches via l’instauration d’une nouvelle "dîme" ou redevance universelle et obligatoire de 10 % sur toute activité commerciale de vente d’eau en bouteille ou autrement. C’est une question élémentaire de justice sociale.

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(Note 1) – Soit une recherche accessible sur Internet sous le titre Tracking the ecological overshoot of the human economy, p. 9266-9271, et cosignée par pas moins de onze auteurs dont Mathis Wackernagel, Niels B. Schulz, Diana Deumling, et al..

(Note 2) – Les tenants et aboutissants de la notion d’empreinte écologique comme nouvelle unité de mesure comptable sont clairement expliqués et abondamment illustrés dans l’ouvrage magistral de Mathis Wackernagel et William Rees, tout d’abord publié en anglais en 1996 sous le titre Our Ecological Footprint, Reducing Human Impact on the Earth, avant d’être traduit en français en 1999 par les Éditions Écosociété et intitulé Notre empreinte écologique, 207 p.

(Note 3) – Selon un Rapport du PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement) sur le GEO-3 (troisième "Global Environment Outlook") publié en juin 2002 et accessible sur Internet, le cinquième le mieux nanti de la population mondiale compte pour près de 90 % de la consommation globale, et leurs gouvernements (USA, Canada, Europe et Japon) continuent de refuser de partager leurs richesses, leurs connaissances et leurs savoirs-faire (souvent privatisés sous forme de brevets et de droits de propriété intellectuelle) avec les quatre milliards d'habitants de la Terre qui vivent avec moins de 2 $ par jour.

(Note 4) – Pour ce faire, point besoin de réinventer le bouton à quatre trous puisque des centaines de bonnes méthodes et d’exemples de réussite sont répertoriés dans le chef-d'oeuvre américain (que j’exhorte mes étudiant-e-s à lire) de Paul Hawken, Amory Lovins, and L. Hunter Lovins, NATURAL CAPITALISM - Creating the Next Industrial Revolution (Little, Brown and Company, 1999, 396 p.), un ouvrage extraordinairement innovateur et radicalement révolutionnaire dont l'intégralité du contenu est entièrement et gratuitement accessible sur Internet à l’adresse électronique suivante: http://www.naturalcapitalism.org/sitepages/pid5.asp



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