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Nigéria : Il est temps d'agir sur une plus grande échelle

Colette Lelievre, Friday, May 10, 2002 - 07:09

Nicole Nepton - Cybersolidaires

Au Niger, dans le Nord du pays le plus peuplé d'Afrique avec ses 110 millions d'habitant-es, Cesnabmihilo Dorothy Aken 'Ova dirige l'International Centre for Reproductive health and Sexual rights (INCRESE). L'INCRESE fait des recherches et milite afin que les jeunes soient protégés contre la violence sexuelle et puissent jouir de leurs droits sexuels et génésiques.

L'organisme agit aussi à la base en amenant les jeunes à échanger sur des questions avec lesquelles ils ne sont pas à l'aise : l'avortement, le VIH-sida, la diversité des orientations sexuelles, le travail du sexe, la violence sexuelle... INCRESE se spécialise dans les questions sensibles et des questions sensibles, cette Session de l'ONU consacrée aux enfants n'en manque pas.

Dans bien des pays, les droits sexuels et génésiques des jeunes ne vont pas de soi. Au Nigéria, il y a des avancées. En 2000, le gouvernement fédéral rédigeait un très bon document portant sur ces questions. Depuis, il invite Cesnabmihilo Dorothy à former les chefs d'États du Nigéria pour qu'ils saisissent bien l'importance de ces enjeux. Ils acceptent de discuter de ces questions "délicates". Quand elle leur explique pourquoi des organismes tels qu'INCRESE demandent des politiques plus progressistes et des services pour les filles et les femmes dans ce domaine, leur réponse est très encourageante. Par contre, il y a beaucoup de résistances concernant les droits des lesbiennes. Jusqu'ici, 12 États du Nigéria (sur 36) ont adopté ce document, incluant des États musulmans du Nord où la charia tient désormais lieu de code civil et pénal. À New York, elle continuera à encourager les représentant-es du Nigéria à appuyer le langage progressiste concernant ces questions. Elle a bon espoir que le document qui résultera de la Session ne sera pas un recul par rapport à Beijing +5. Là aussi, les droits sexuels et génésiques ont été menacés, ils le sont toujours.

Au Nigéria, les conditions de vies des filles et des femmes sont très mauvaises. Toutes les 10 minutes, une femme meurt de complications causées par une grossesse ou un avortement non sécuritaire. Depuis la conférence mondiale des femmes qui a eu lieu à Beijing en 1995, le nombre de ces décès a doublé. Dans quelques États, c'est encore pire. Pour Cesnabmihilo Dorothy, il est on ne peut plus clair que les gouvernements du Nigéria ne font pas ce qu'ils devraient. Il serait grand temps qu'ils révisent les lois afin qu'elles incluent les droits sexuels et génésiques. Il faudrait aussi informer les filles sur les lois qui les protègent. Et, même si un plus grand nombre de jeunes fréquentent l'école qu'en 1990, encore faudrait-il les éduquer aussi sur ces questions.

Sur le terrain, l'INCRESE a pu constater que les jeunes répondent bien à l'éducation sexuelle. Par exemple, à Pâques, des jeunes ont participé à un atelier portant sur tous les types d'abus sexuels. Beaucoup étaient surpris d'apprendre que des comportements tels que faire des pressions sur une fille ou une femme afin d'avoir des relations sexuelles avec elle sont abusifs. Ils ont été très touchés par ce qu'ils ont appris. Il serait possible d'offrir de tels ateliers dans toutes les écoles. Les solutions, nous les connaissons. Nous faisons des merveilles avec très peu de ressources. Donnons-nous les moyens d'en faire sur une bien plus grande échelle!

Et qu'en est-il de la charia et des droits humains des filles et des femmes? Grâce aux pressions internationales visant à sauver Safiya Yakubu Hussaini de la lapidation, les extrémistes de la charia ont été obligés de voir que ne pas respecter leurs droits fondamentaux n'est pas sans conséquences. La charia n'exclut pas ces droits d'emblée, explique Cesnabmihilo Dorothy. Elle n'oblige pas à traiter les femmes comme si elles n'étaient pas des êtres humains. Tout dépend des interprétations qu'on en fait et de la valeur qu'on accorde aux filles et aux femmes. Tant au Nigéria qu'ailleurs dans le monde, il y a des extrémistes catholiques, des "pro-vie", mais les catholiques ne sont pas nécessairement tous extrémistes. Aux États-Unis, on condamne aussi des gens à la mort... Au Nigéria, pour mettre fin une fois pour toutes aux jugements inhumains qui se réclament de la charia, Cesnabmihilo Dorothy encourage la communauté internationale à exercer des pressions sur le gouvernement fédéral afin d'obtenir que sa constitutionnalité soit jugée par la Cour Suprême. On ne peut continuer d'agir cas par cas parce que les filles et les femmes qui seront condamnées à la lapidation ou au fouet ne pourront pas toutes être sauvées. Encore là, il est temps d'agir sur une grande échelle.

Informations concernant la campagne contre la peine de mort par lapidation de Safiya Yakubu Hussaini.


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