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Vénézuela: encore le pétrole...

Carl Desjardins, Friday, April 19, 2002 - 18:34

Mirka Gilbert

Le Vénézuela est actuellement sous haute surveillance américaine et les risques d'un coup d'état à la chilienne sont de plus en plus sérieux.

Au début du mois de février, le Secrétaire d'État américian, Collin Powell a lancé un avis publique à au président du Venezuela, Hugo Chavez, en dénonçant les supposées relations de son gouvernement avec l'une des guérillas colombienne, les FARC (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia). De même, le Fonds Monétaire International (FMI) a affirmé qu'il " n'aurait aucun problème " à appuyer un éventuel "gouvernement de transition " (Éditorial, La Jornada, 9 février 2002). Il y a quelques jours, Collin Powell réitérait, en " prévoyant " la chute du gouvernement Chavez. Encore une fois, les États-Unis, avec l'appui de l'une de ses institutions internationales, font de l'ingérence. L'Éditorial de La Jornada averti que ce conflit risque de se terminer par des événements semblables à ceux qui se sont produits au Chili le 11 septembre 1973 : le renversement de Salvador Allende. Ces menaces doivent être prises au sérieux.

Les antécédents…

Au mois de novembre 2001, le président Chavez annonçait un ensemble de 49 lois tendant à bénéficier aux plus démunis (80% de la population nationale) tout en étant une véritable affirmation de souveraineté nationale. Il faut noter qu'au Venezuela, un pour-cent de la population possède 60 % des terres. Se sont les plus pauvres qui ont porté Chavez au pouvoir en 1998 et qui l'ont appuyé à la mise en place de ces réformes.

Entre autres mesures annoncées par le gouvernement, les plus dérangeantes pour les entrepreneurs nationaux et internationaux sont la liquidation des latifundios (grandes propriétés terriennes) ainsi que la distribution des terres aux paysans. À l'heure où les pays latino-américains en sont plutôt à appliquer des contres-réformes agraires, en permettant la privatisation des terres collectives paysannes -ce qui se passe présentement, par exemple, avec l'ejido au Mexique- cette mesure est évidemment un véritable affront à la logique néolibérale. Une autre mesure qui fait scandale est le renforcement de l'emprise de l'état sur l'économie, incluant le secteur stratégique des hydrocarbures.

À la suite de l'adoption de ces lois, les réactions n'ont pas tardées à venir et le président s'est mis à dos l'ancienne classe politique corrompue, les grands entrepreneurs, la hiérarchie de l'Église catholique, les propriétaires des médias ainsi que les bureaucrates des syndicats corporatistes (Guerra Cabrera, La Jornada, 14 décembre 2001).

Selon Guerra Cabrera, l'oligarchie vénézuélienne ne pouvait se lancer seule dans une campagne de déstabilisation du gouvernement légitime d'un pays géographiquement si important pour les États-Unis, et qui est, de plus, son second (ou troisième, dépendamment des sources) fournisseur de pétrole. Il est clair que le régime de Chavez constitue un obstacle important pour les plans de Washington en Amérique Latine (voire, les intérêts dans la région Andine et la Zone de Libre Échange des Amériques (ZLEA)). Chavez a suivi une politique indépendante face à l'intégration latino-américaine et au Plan Colombia. Il a aussi été central à la revitalisation de l'OPEP et a critiqué l'assassinat des civiles en Afghanistan ainsi que la campagne américaine contre le terrorisme. Enfin, sa diplomatie a cherché à recomposer le front tiers-mondiste et à promouvoir la coopération avec les pays voisins à travers, par exemple, le Pacte de Caracas, qui prévoit l'approvisionnement en pétrole de ces derniers à des prix préférentiels.

Guerra Cabrera souligne que dans les figures principales de la campagne de déstabilisation contre Chavez, on retrouve, depuis l'administration Bush, le cubain-américain Otto Reich, nommé secrétaire d'état assistant pour l'hémisphère occidental ainsi que John Negroponte, ambassadeur de l'ONU, tous deux vétérans le la guerre sale contre la révolution sandiniste et les insurrections centraméricaines, et amis de la droite cubaine de Miami.

Et maintenant…

Au début du mois de février, les manifestations internes se sont multipliées au Venezuela. Un colonel de la Force Aérienne vénézuélienne a mené une campagne, appuyé par les masses médias et par la classe moyenne, demandant la démission de Chavez.

Les menaces externes se sont aussi accrues. Étant donné que le pétrole du Venezuela est de première importance pour les États-Unis, particulièrement dans une conjoncture d'instabilité dans le Golf Persique, Washington requiert un gouvernement vénézuélien en accord avec ses intérêts. Chavez, qui entretient de bons rapports avec Fidel Castro, et qui a osé, en tant que président de l'OPEP, rendre visite à Saddam Hussein ainsi qu'à d'autres présidents des pays producteurs de pétrole du Moyen Orient, ne semble pas être l'homme adéquat.

Une campagne massive de désinformation est actuellement à l'œuvre tant dans les médias américains que vénézuéliens. On accuse Chavez d'autoritarisme et d'être contre la liberté de presse. Évidemment, la presse est contrôlée par l'opposition oligarchiste!!

Que l'on soit ou non d'accord avec le régime de Chavez, les menaces actuelles ainsi que les éventuelles attaques américaines doivent et devront être dénoncées. Cette campagne contre le président du Venezuela fait partie de la campagne globale du régime de Bush pour le contrôle des ressources naturelles – particulièrement du pétrole- et des richesses du monde.

En Amérique Latine, le gouvernement et les industriels américains sont en train de mener une campagne agressive d'intégration continentale de type néolibérale. Au Mexique et en Amérique centrale, ils le font à travers la mise en œuvre du Plan Puebla-Panama. Suivent (du nord au sud) le Plan Colombia et la récente rupture des négociations de paix avec les FARC, les menaces au Venezuela ainsi que les pressions, au travers de l'Argentine, pour le démantèlement du MERCOSUR (marché commun local) dont la disparition affaiblirait notablement la capacité du Brésil de négocier face aux États-Unis en ce qui a trait à la Zone de Libre Échange des Amériques (ZLÉA).

Les impacts de ces politiques sur les populations latino-américaines sont désastreuses. Une campagne de dénonciation et de mobilisation contre les actions américaines au Venezuela, en Amérique Latine, en Afghanistan, en Palestine, aux Philippines, etc. est URGENTE.

Si nous continuons à regarder passer le train, sans actions efficaces et concrètes, nous risquons de se retrouver, dans 50 ans, entrain de produire des films et des livres (ça vous dit quelque chose?) où nous pleurerons sur ces années sombres en essayant de comprendre ce qu'on n'aura pas compris à temps, en essayant d'analyser pourquoi on n'a pas réagit à temps, alors qu'il était encore temps…

Site de la gauche socialiste
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