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La virginité des hommes et des femmes d'affairesCarl Desjardins, Friday, March 22, 2002 - 15:46
Russel Mokhiber/Robert Weissman
Le FBI, le Bureau Fédéral d'Enquêtes est sur le point de publier son « Rapport Annuel sur le Crime aux Etats Unis ». Si nous nous basons sur les éditions antérieures de ce document, il nous renseignera amplement sur toutes sortes d'agressions sur la voie publique mais ne mentionnera rien de la vague de crimes et de violences dont les sociétés se sont rendues coupables dans l'ensemble du pays. Et cela en dépit du fait reconnu que la criminalité des compagnies est bien plus préjudiciable à la société civile que tous les autres crimes de droit commun mis ensemble. Allons faire un tour à Washington pour voir si le scandale d'ENRON a quelque peu limité la main mise des grandes compagnies US sur la capitale de notre pays (la réponse est non bien sur.) Hier, à la maison blanche, le Président Bush annonçait un plan en 10 points destiné d'après lui à « responsabiliser les sociétés et à protéger les actionnaires US ». Evidemment il n'en sera rien . En fait, une analyse rapide montre que le Gouvernement Fédéral a déjà le pouvoir de réaliser les propositions de Bush. Aucune nouvelle loi n'est nécessaire. Il suffit d'en avoir la volonté. Même la plus radicale des idées de Bush (Les PDG et autres dirigeants coupables d'abus de pouvoir devraient se voir déchus de leur droit d'assumer quelques positions de responsabilité que ce soit dans une société quelconque) fait déjà partie des sanctions susceptibles d'être appliquées par la SEC, maintenant même, sans aucune nouvelle loi. Toutefois, étant donné que le flic n°1 responsable de la lutte contre la fraude sur les actions à Washington est l'avocat n°1 des firmes de révision comptable - c'est à dire le Président de la SEC, Harvey Pitt - nous pouvons en conclure qu'il n'existe aucune volonté dans ce sens et que, par conséquent, cette proposition en 10 points de Bush n'améliorera en rien la « responsabilité des sociétés ». Il ne s'agit seulement que d'un rideau de fumée. Souvenons-nous que lorsque le Secrétaire au Trésor de Bush Paul O'Neill proposait le mois dernier que les dirigeants de sociétés soient tenus responsables pour leurs négligences et leurs malversations, on l'a gentiment renvoyé. Pourquoi ? Alors qu'on lui demandait pourquoi la proposition de O'Neill avait été descendue en flamme, un haut fonctionnaire de l'administration a simplement répondu aux journalistes hier à la Maison Blanche : « Les hommes d'affaire peuvent protester, quand vous investissez dans une société dans laquelle un dirigeant fait une erreur, une erreur de décision, personne ne désire que ce risque soit couvert - (traduction : on ne peut pas rendre un dirigeant responsable pour une erreur qu'il a faite dans le cadre de la règle sur « les décisions en affaires ») - et nous faisons très attention de rester en dehors de ce genre de questions et à laisser aux investisseurs la responsabilité des choix qu'ils font en affaires. » Non ce n'est pas une erreur de frappe. Sur la transcription de la Maison Blanche il est bien écrit "responsabilité ". Traversons maintenant la rue jusqu'à l'annexe du Département du Trésor où le Bureau du Contrôle des Actifs Etrangers (OFAC) dirige depuis des années une espèce de racket à la protection en faisant respecter la loi contre les sociétés qui violeraient le « Décret contre le Commerce avec l'Ennemi » permettant ainsi à ces sociétés de régler ces poursuites pour quelques milliers de Dollars, et cela sans jamais en informer le public. Depuis la semaine dernière, c'est à dire jusqu'à ce que suite à un procès que nous avions intenté un an avant, l'OFAC commence à publier les documents détaillés sur 100 à 150 cas de ce genre entre 1998 et 2000. Mais même ainsi, le Département du Trésor a déclaré qu'il n' Et maintenant, allons à l'autre bout de la ville à la « Commission des Condamnations », où l'on fête le dixième anniversaire des directives sur les condamnations pour délit en droit des sociétés. Ce projet date de 1991 et se base sur l'approche classique « carotte/bâton ». Si une société qui a un bon programme « éthique », un n°800 pour les arbitres de touche, un contrôleur de combine musclé et, malgré tout cela, fait quand même l'objet d'une condamnation, le juge serait plus indulgent à l'égard de cette « bonne » compagnie délinquante. Si une compagnie n'avait pas une forte politique éthique et violait délibérément la loi, le juge serait plus sévère à l'égard de cette « mauvaise » compagnie délinquante. Le résultat de cette directive c'est qu'il y a maintenant 800 sociétés avec des « contrôleurs éthiques ». Ces contrôleurs ont d'ailleurs leur groupement professionnel : L'Association des Contrôleurs Ethiques. Ces « Directives » ont-elles pour autant fait diminuer les délits en matière de droit des sociétés ? Nous en doutons. La Commission US des Condamnations a déclaré qu'elle voulait connaître la réponse et à cet effet annoncé la création d'un jury ad-hoc, composé de 15 membres, chargé d'enquêter sur ce sujet. Mais tenez-vous bien. 12 des 15 membres de ce panel sont des avocats chargés de la défense de ces compagnies délinquantes ou autres du secteur des affaires. Pourquoi n'y a-t-il pas un seul représentant des intérêts du public ? Pourquoi aucun magistrat responsable de la poursuite des sociétés coupables ? Pourquoi aucun expert juridique critique de l'influence des sociétés sur la démocratie ?. (tout est vraiment bien « en mains ») Allons vers la colline du Capitole où le Représentant Dennis Kucinich (Démocrate Ohio) présente un projet de décret instituant un « Bureau Fédéral de Révision des Comptabilités ». Actuellement, les sociétés engagent leurs propres réviseurs Les démocrates qui au même titre que les républicains trempent dans la culture de l'argent et des affaires, considèrent le projet Kucinich une question beaucoup trop brûlante pour eux. Raison : une telle solution priverait les sociétés de révision comptable de millions de dollars qui iraient à l'administration fédérale. Continuons maintenant le long de l'avenue de Pennsylvanie jusqu'au bâtiment « J E Hoover » où le FBI, le Bureau Fédéral d'Enquêtes est sur le point de publier son « Rapport Annuel sur le Crime aux Etats-Unis ». Si nous nous basons sur les éditions antérieures de ce document, il nous renseignera amplement sur toutes sortes d'agressions sur la voie publique mais ne mentionnera rien de la vague de crimes et de violences dont les sociétés se sont rendues coupables dans l'ensemble du pays. Et cela en dépit du fait reconnu que la criminalité des compagnies est bien plus préjudiciable à la société civile que tous les autres crimes de droit commun mis ensembles. Dans la haute ville, vers le corridor de la « K-Street », vous trouverez des milliers de lobbyistes de sociétés appliqués diligemment jusque tard dans la nuit à s'assurer que les énergies citoyennes qui ont pu se trouver libérées par le séisme ENRON soient maintenues dans des limites acceptables. Après tout ça, les Businessmen peuvent clamer leur virginité et leur innocence. Russell Mokhiber, rédacteur en chef de " Corporate Crime reporter ", Washington DC ; Robert Weissmann, rédacteur en chef de " Multinational Monitor ", Washington DC. -Publié dans le courriel d'ATTAC |
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