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Le Nouveau partenariat pour le développement africain.Anonyme, Monday, March 11, 2002 - 08:35
SAmir Arzouni
En ce début de siècle marqué par la mondialisation, l’Afrique semble dans une position assez marginale. C’est du moins ce qu’affirment plusieurs même si, avec son apport en main-d’œuvre et en matière première, le continent est au cœur du développement des pays dits développés. Depuis un peu plus d’un an, il est admis un peu partout que le continent africain doit se prendre en main. Cette idée est soutenue au sein des institutions internationales et par certains chefs d’États africains par l’entremise du NEPAD, le Nouveau Partenariat pour le Développement africain. Introduction En ce début de siècle marqué par la mondialisation, l’Afrique semble dans une position assez marginale. C’est du moins ce qu’affirment plusieurs même si, avec son apport en main-d’œuvre et en matière première, le continent est au cœur du développement des pays dits développés. Depuis un peu plus d’un an, il est admis un peu partout que le continent africain doit se prendre en main. Cette idée est soutenue au sein des institutions internationales et par certains chefs d’États africains par l’entremise du NEPAD, le Nouveau Partenariat pour le Développement africain. Genèse du NEPAD De l’avis de plusieurs y compris des instances internationales, l’originalité du NEPAD réside dans le fait que c’est un plan de développement de l’Afrique proposé par des africains pour remettre l’Afrique sur la voie du développement. En effet, le NEPAD est le résultat de la fusion de deux plans proposés par l’Afrique du Sud et le Sénégal par l’entremise des deux présidents : le plan Oméga du Sénégal et le « Millennium partnership for the African recovery programme » (MAP) ou plan M’Becki de l’Afrique du Sud. À la rencontre du G8 à Gênes en juillet 2001, le président Wade du Sénégal et M’Becki d’Afrique du Sud ont présenté la vision globale du projet à travers une ébauche de ces nouvelles initiatives africaines. Les membres du G8 et les représentants des instances internationales ont suggéré aux différents protagonistes africains de proposer un plan commun de développement de l’Afrique. C’est ainsi que du plan Oméga et du MAP est née la Nouvelle initiative africaine (NIA) devenue officiellement le NEPAD. Depuis lors et en préparation au G8 au Canada en juin 2002 où le NEPAD va être au centre des discussions, le projet est à l’ordre du jour de toutes les rencontres régionales : au sein de l’Union Africaine (UA), de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de la Banque africaine de développement (BAD) ; et internationales avec le concours des institutions internationales : Organisation de coopération pour le développement économique (OCDE), la Banque mondiale (BM), le Fond monétaire international (FMI) et certains organes des Nations-unis. Le NEPAD a également été abordé au Forum économique mondial à New-York et du 4 au 10 février 2002, le président français a rencontré 13 chefs d’États africains, dont les principaux concepteurs du NEPAD à Paris. Dans la même semaine, le Premier Ministre britannique Tony Blair s’est entretenu avec certains chefs d’États africains au sujet du NEPAD lors d’une tournée africaine. C’est dire qu’il y a un engagement clair de la part du G8 et des institutions internationales envers le NEPAD d’autant plus qu’il a été approuvé par l’Organisation pour l’unité africaine (OUA). La stratégie d’ici la rencontre du G8 est de présenter le projet aux principaux bailleurs de fonds mais aussi de l’améliorer et d’en arriver avec une proposition claire et réaliste lors du G8 au Canada. Objectifs du NEPAD Le NEPAD part de certains constats à savoir que, les politiques de développement mis en œuvres jusqu’à aujourd’hui n’ont pu résoudre les difficultés que connaît le continent. Le NEPAD reconnaît que l’Afrique est lourdement hypothéquée par le fardeau d’une dette insoutenable alors que celle-ci continue de bloquer le développement du continent. Il est temps de briser le cercle vicieux du binôme aide-crédit (dette) et la question de la dette doit être réglée à titre de condition préalable à tout partenariat significatif entre l’Afrique et les pays développés. Le NEPAD va du principe que seul les africains peuvent mettre l’Afrique sur le bon chemin et constate que l’Afrique est bondée de ressources humaines et matérielles encore inexploitées. Le NEPAD s’inscrit comme une volonté ferme des dirigeants africains de mettre un terme au sous-développement de l’Afrique, «[…] d'éradiquer la pauvreté, de placer leurs pays, individuellement et collectivement, sur la voie d'une croissance et d'un développement durables tout en participant activement à l'économie et à la vie politique mondiales »1 . C’est un vaste programme de développement qui met de l’avant certaines de priorités à savoir : « C’est un appel pour une nouvelle relation de partenariat entre l’Afrique et la communauté internationale, et en particulier les pays fortement industrialisés, afin de franchir l’abîme du développement qui s’est élargi au fil de siècles de relations inégales »(2) . Le NEPAD ne fait pas strictement appel aux capitaux étrangers mais aussi aux capitaux privés africain, ce que Schérif SY (3) nomme la réhabilitation du secteur privé africain. D’après ce dernier, le premier objectif du NEPAD serait la reconquête des marchés nationaux par des africains ou l’émergence d’un secteur privé africain. Le projet est, d’une certaine manière, un plan à long terme de rattrapage ou de (re)construction de l’Afrique. Contradictions Il est bien évident que le NEPAD répond à un besoin pressant de sortir le continent de la situation d’extrême pauvreté dans laquelle il se trouve. Si l’on s’y attarde quelque peu, on s’aperçoit qu’il existe plusieurs failles au NEPAD. Il est admis que le NEPAD est l’œuvre de certains chefs d’État africains et qu’il est le premier plan issu du terroir. Il est bien entendu permis d’en douter. Le NEPAD se discute et se conçoit par les experts de certains États africains avec l’aide des experts des institutions internationales. Processus qui implique une certaine prise en compte des besoins réels de l’Afrique mais il est frappant de constater que le discours prôné par le NEPAD puise son vocabulaire dans celui des institutions internationales. En effet, comme le rapporte David Coetzee «bon nombre des renseignements proviennent de l’ONU ou du Fonds monétaire international, ou encore de la Banque mondiale»(4) . À cet effet, il est difficile de croire le G8, les instances internationales et les fervents défenseurs africains du projet lorsqu’ils affirment que le NEPAD est un projet de développement conçu par les africains. D’autant plus que la société civile africaine ne profite d’aucun espace de consultation et est dans son ensemble (5) complètement exclut du processus de réalisation du NEPAD. Encore plus grave, comme l’a souligné le président Wade du Sénégal, il semble que plusieurs chefs d’État africains ne sont pas au courant des détails de cette nouvelle initiative africaine. Le NEPAD est un programme de développement qui, de l’avis des concepteurs, demande de gros investissements, ne serait-ce que pour la question des infrastructures. D’après Chérif Sy 6, trois types d’investisseurs sont visés par le NEPAD : les investisseurs africains ; les investisseurs africains de la diaspora ; les investisseurs étrangers. Or, dans l’État actuel des choses, il est difficile d’imaginer l’existence d’investisseurs privés africains, local ou de la diaspora, capable de prendre en charge le financement, ne serait-ce que partiel, du NEPAD. Ce qui revient à dire que l’investissement étranger va encore, contrairement aux objectifs du programme, jouer un rôle primordial dans la réalisation du NEPAD. Malgré toute la volonté des chefs d’État qui défendent le projet, c’est un leurre que de croire que la réalisation du NEPAD va permettre de mettre un terme à la dépendance des pays africains vis-à-vis de l’aide internationale. Si les plus fervents défenseurs de ce plan veulent nous le faire croire, il suffit de lire le plan Oméga (7) pour s’apercevoir que le financement va être trouvé grâce aux «ressources existant actuellement dans la coopération internationale, multilatérale et bilatérale» (8). Pire encore, il est mentionné dans le plan Oméga que les pays du Nord, par l’entremise de leur secteur privé, ont intérêt à investir et soutenir les grands chantiers prioritaires que trace cette nouvelle initiative africaine. En effet, «il est proposé que les 2/3 des fonds servent à rémunérer les entreprises des pays développés pour la construction des infrastructures, 1/3 étant réservé aux entreprises africaines. Un tel financement bénéficierait donc très largement ou même davantage aux pays développés par le biais de leurs entreprises qui, de toute évidence, ont la capacité technologique, notamment pour les routes, pour réaliser ce programme dans les délais les plus rapides et dans la meilleure qualité»(Idem, p. 25) Un dernier point à souligner est le fait que cette nouvelle initiative ou NEPAD ne résout pas à court terme, encore moins à long terme, les problèmes d’analphabétismes que connaît le continent. Comment y croire alors qu’il n’y a jamais eu dans l’histoire une société, un pays ou un continent qui s’est développé en comptant dans sa population plus de 60% d’analphabètes. Dans l’état actuel, la question qui se pose est de savoir si, à l’image de ce qui se passe au Nord c’est-à-dire la création de grands ensemble où le libre commerce est maître, le NEPAD n’est pas l’application définitive de politiques néolibérales à l’échelle de l’Afrique ? 1. http://www.nepad.org/French/home.asp |
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