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Martyrs du Kosovo

vieuxcmaq, Thursday, February 14, 2002 - 12:00

Christophe Châtelot (imcfrance-contact@yahoogroupes.fr)

Des femmes du Kosovo parlent. D'une fille violée et assassinée, d'une victime dont le corps a disparu, de la vie sans leurs maris, tués par les Serbes.

Le courage d'une mère

Hajrije Xhema est analphabète, c'est elle qui le dit. Mais elle veut qu'on entende son cri de douleur, celui d'une mère meurtrie par la mort de sa fille, Zahide (20 ans), violée par les Serbes avant d'être jetée dans un puits.

Vêtue d'un dimije (pantalon bouffant traditionnel), Hajrije (50 ans) est digne. Des boucles de cheveux bruns s'échappent du foulard clair qu'elle portera, en signe de deuil, jusqu'à la fin de ses jours. Ses yeux marron se plantent dans ceux de son interlocuteur, elle déroule distinctement le film de ses souvenirs. S'assure qu'elle a bien été comprise.

Elle partage ses souvenirs douloureux avec de nombreuses autres familles kosovares, mais elle, simple paysanne de la Drenica, a refusé de les étouffer sous le poids des préjugés. Elle ignore les regards en coin des voisins, les chuchotements dans son sillage, qui voudraient lui faire sentir la honte en plus de l'outrage subi par sa fille. "Ma fille a été violée et probablement torturée", lâche-t-elle. Les mots sont crus, mesurés.

Selon Sevdije Ahmeti, présidente de l'Association de protection de la femme et de l'enfant, "20 000 femmes ont été victimes de violences sexuelles de 1998 à juin 1999. Raflées sur les routes, violées chez elles ou dans des centres. C'était des viols massifs, programmés et prémédités par Belgrade pour faire perdre sa dignité à la femme albanaise. C'était une arme de guerre utilisée parfois sous les yeux des parents", accuse-t-elle. "A Pristina, je connais quatre anciens centres de viols collectifs, dont un dans le sous-sol de l'université d'économie. Mais il est difficile de recueillir des témoignages. Les femmes ne veulent pas revivre en parole les outrages d'alors. Beaucoup d'entre elles se trouvent aujourd'hui dans un grand isolement. Soit parce qu'elles sont rejetées par leur famille, soit parce qu'elles s'isolent elles-mêmes du monde. Elles n'intéressent personne", regrette cette femme volontaire.

Hajrije, elle, a décidé de briser ce mur du silence et de la honte. A flanc de colline, sa petite ferme domine le village de Khozince, groupement de pauvres masures de la Drenica (ouest de Pristina), berceau historique du nationalisme albanais et de l'UCK, mis à feu et à sang par les Serbes dès 1998.

Le cauchemar de Hajrije a commencé le 15 avril 1999. Les hommes avaient depuis longtemps rejoint le maquis, par conviction ou par crainte des rafles, laissant derrière eux les vieillards, les femmes et les enfants. "L'armée et la police ont encerclé le village et l'ont bombardé. Il y avait ici beaucoup de réfugiés d'autres villages. Puis ils sont entrés et ont rassemblé tout le monde sur un champ en nous demandant de leur donner tout ce que nous avions, l'or, l'argent. Ensuite, ils nous ont poussés hors du village vers la mosquée de Qirez [à cinq kilomètres de là]. Je suis partie avec mes deux filles et mon petit garçon." L'errance de Hajrije et Zahide, sa fille aînée, durera six semaines : elles seront noyées dans le flot de milliers d'autres personnes déplacées. Enfermées là, refoulées plus loin. Ballottées, rançonnées, menacées d'exécution, sous-alimentées... Un jour, éreintée, Hajrije décide de retourner dans son village, où stationnent toujours des policiers. Elle est à nouveau retenue prisonnière, avec dix autres femmes et dix-sept enfants, dans une minuscule étable de Qirez.

"C'était le matin, il pleuvait et il y avait du brouillard, se rappelle-t-elle. Des paramilitaires qui avaient sur leur uniforme un écusson avec un tigre sont entrés. Ce n'étaient pas ceux qui nous avaient escortés jusque-là. Ils ont d'abord emmené Antigone (20 ans). Elle est revenue terrorisée au bout de 20 ou 25 minutes. Puis ça a été le tour de ma fille, Zahide. Je me lamentais. Je répétais sans arrêt : Que vont-ils lui faire ? Que vont-ils lui faire ? Les femmes me disaient de me calmer pour ne pas effrayer encore plus les enfants. Quand Zahide est revenue, elle tremblait. Livide, muette, elle serrait les poings. Je n'ai pas eu la force de lui poser des questions. Le même paramilitaire, un homme carré aux yeux clairs et cheveux courts, a ensuite emmené Bucuri (22 ans), puis Merisha et Lunmi. Une après l'autre. A leur retour, elles nous ont dit qu'ils... les déshabillaient. Et puis ils ont recommencé le même manège : Antigone, Zahide... A la fin ils ont aussi appelé trois femmes plus âgées." Aucune de ces huit femmes ne reparaîtra vivante. "Ils ont fermé la porte avec du fil de fer, j'ai cru qu'ils allaient mettre le feu à l'étable. Dans l'après-midi, un policier nous a ouvert et dit de partir. Mon seul espoir était alors de penser que ma fille avait été emmenée en groupe dans un autre village." Hajrije, elle, est à nouveau jetée sur les routes, jusqu'à la fin de la guerre, le 12 juin 1999.

Les corps des huit femmes sont retrouvés trois semaines après l'entrée de l'OTAN. Au fond de trois puits proches de l'étable où, selon des légistes du TPI les ayant repêchés, elles auraient été jetées vivantes. Hajrije n'a vu que les vêtements qu'ont lui tendait pour l'identification : un pantalon de jogging jaune. "Je n'ai pas pu dire un dernier mot à ma fille. J'avais si peur. Je ne sais même pas comment ni quand elle est morte. Qu'y a-t-il de plus terrible pour une mère ?"

Hajrije écrase vivement une larme longtemps retenue. Dehors, un vent violent balaie les collines arides plantées de chênes nains. De la fenêtre, on aperçoit en contrebas les ruines de maisons brûlées. Hajrije lève son regard embué sur un cadre accroché au mur de parpaings nus de la pièce où elle est assise. Ses yeux s'arrêtent sur un agrandissement recadré d'une photo de classe, où une jeune adolescente sourit. La seule qu'il lui reste de Zahide. Elle repose au cimetière de Qirez, au milieu d'une centaine de tombes, soldats morts au combat ou innocentes victimes de la répression serbe de février 1998 à juin 1999. Hajrije a été longuement entendue par les enquêteurs du TPI. "Je redirai la même chose à la cour s'ils me demandent d'y aller", dit-elle fermement.

La tombe vide de Racak

Le nom de Sahide Metushi (1939-1999) ne sera vraisemblablement pas cité à La Haye, absent de la liste des victimes de Racak établie par le TPI. Son patronyme est pourtant gravé sur un morceau de planche, au pied d'un coffrage en bois creusé dans la terre pierreuse du cimetière de Racak. A sa gauche, la tombe de son mari, Haki, né deux ans avant elle. Puis celles de ses deux beaux-frères, Sabri et Harif, à peine plus jeunes. Des couronnes de fleurs artificielles aux couleurs criardes fanées par la neige recouvrent les monticules, souvenir de la dernière commémoration du massacre de quarante et un Albanais de Racak, le vendredi 15 janvier 1999. Dans l'un des angles du carré des martyrs, une rose en tissu s'est détachée d'une gerbe et gît au fond de la tombe de Sahide Metushi. Elle est vide. La police a fait disparaître le corps de cette tranquille vieille dame de 67 ans quelques heures après l'avoir exécutée non loin de sa ferme. Le trou est béant comme une plaie. Le deuil est inachevé, comme pour les familles des quelque 2 830 autres Albanais disparus dans toute la province entre début 1998 et le 12 juin 1999, date du retrait des forces serbes.

A Racak, la famille Metushi est la seule à vivre ce double calvaire, la mort et une sépulture inutile. "C'est très difficile pour mon père", confie Florije Metushi, la petite-fille de la victime, fragile adolescente de 14 ans dont le visage trahit déjà la rudesse de la vie dans ce Kosovo central. "Il va souvent sur la tombe vide mais parle rarement d'elle à la maison", ajoute-t-elle timidement. Comme la plupart des femmes et des enfants du village chassés de chez eux les mois précédents par d'autres opérations de la police serbe, Florije, réfugiée chez des oncles, apprend le drame par la télévision. Le 16 janvier 1999, le nom de sa grand-mère s'inscrit sur la liste des victimes. "La mort de son grand-père est plus facile à supporter. Les personnes tuées à la guerre sont enterrées dans les vêtements qu'elles portent au moment de leur mort. On ne les lave pas. Le sang est purificateur. Pour la famille de Sahide, le deuil n'a pas encore été accompli", souligne Agron, étudiant en religion à Pristina et futur hodja [imam] de Racak.

La reconstitution du drame est incomplète. Au petit matin du 15 janvier 1999, Sahide est réveillée, comme ses voisins, par des tirs d'artillerie et d'armes légères. La police serbe entre en force dans le village, qu'elle avait encerclé durant la nuit. Il s'agit, officiellement, d'accompagner une procureure enquêtant sur la mort de policiers tués les jours précédents dans les environs par des combattants albanais de l'Armée de libération du Kosovo (UCK). L'opération de police judiciaire n'est qu'un prétexte pour une sauvage expédition punitive qui figure en bonne place dans l'acte d'accusation du TPI. Racak est l'ultime massacre commis, pratiquement sous le regard impuissant d'observateurs internationaux. Il finira de convaincre l'OTAN d'utiliser la force contre le régime de Slobodan Milosevic.

Pour son malheur, Sahide habite à proximité de la mosquée, de derrière laquelle déboulent le gros des forces de police. Elle tente probablement de rejoindre la maison de ses cousins, située dans le haut du village, alors épargné par les tirs. Lebibe Shabani est la dernière personne à l'avoir vue depuis l'entrebâillement de sa lourde porte en bois. Elle était déjà morte. "Son corps était recroquevillé. Il reposait sur les genoux, la tête à quelques centimètres d'un mur. A ce moment-là, une voiture de police bleu foncé est arrivée. Deux hommes l'ont empoignée par les pieds et les bras pour la charger à l'arrière du véhicule. Pas loin, une grange brûlait.

J'ai pensé qu'ils l'y avaient emmenée pour faire disparaître le corps", raconte Lebibe, solide sexagénaire. "Une fois que la police est partie du village [vers 16 h 15], je me suis approchée. Il ne restait qu'un morceau de cuir chevelu, ses sandales et, toutes proches, trois douilles de balle. Elle a sûrement été exécutée à bout portant", raconte-t-elle. Des impacts de balle sont encore visibles sur le mur de pierre.

Lebibe n'a pas vu l'exécution. A ce moment-là, elle était retenue prisonnière dans une maison où elle, d'autres femmes et une dizaine d'hommes s'étaient réfugiés dès l'aube, aux premières détonations. Le soir du 15 janvier, Lebibe ne mesure pas encore l'ampleur de la tuerie. Elle sait alors seulement que cinq personnes, dont Sahide, ont été tuées par la police. Elle pense aussi que les hommes de la maison ont simplement été arrêtés après avoir été passés à tabac sous ses yeux. Ce n'est qu'à 6 heures, le lendemain matin, que l'on découvrira les vingt-quatre corps enchevêtrés dans un chemin creux, où les prisonniers ont été conduits pour y être exécutés. Plus tard, cinq survivants, dont Rame Shabani, qui a réussi in extremis à fausser compagnie à ses bourreaux, raconteront les événements. Seize autres corps sans vie seront retrouvés dans les cours de ferme, chez eux ou dans des bosquets de la colline vers laquelle ces gens fuyaient, pensant y trouver leur salut.

Pendant des mois après la fin de la guerre, la famille de Sahide Metushi cherchera son corps dans les ruines des quelque quatre-vingt-dix maisons (sur les deux cent dix) qui ont été brûlées par les Serbes pendant les bombardements de l'OTAN. "Les hommes ont fouillé chaque recoin de la colline, sondé la rivière et les puits. Rien. Son corps a disparu, soupire Florije. Mais mon père garde toujours l'espoir de la retrouver." En attendant, la tombe de Sahide Metushi est immensément vide, entourée du mystère de la disparition d'une innocente grand-mère, quand les Serbes n'ont pas cherché à cacher leurs autres crimes dans le village.

Krusha ë Madhe, le village des veuves

Assise en tailleur sur le tapis de la oda, la pièce réservée aux hôtes dans les maisons albanaises, Fahrije Hoti (32 ans) offre les cigarettes. Elle fait face aux invités. Gestes simples d'hospitalité et position anodine, des milliers de fois répétés par les hommes au Kosovo mais qui, ici, trahissent le drame de Krusha ë Madhe, village de 5 000 âmes proche de Prizren (sud-ouest du Kosovo). Les hommes de la famille Hoti ont tous été emportés par la guerre. Cheveux courts, démarche assurée, Fahrije fait maintenant tourner la maison, conduit la voiture et dirige une petite épicerie. Inhabituel pour une femme dans un monde rural albanais figé sur ses traditions patriarcales. C'est une lutte quotidienne et difficile qu'elle mène au sein de l'association Zejimi (le Réveil), contre l'indifférence et les pesanteurs sociales, pour donner aux veuves de guerre une place au sein de la société. C'est une question de survie pour les femmes du village. Non la cause d'une féministe.

Krusha ë Madhe était un riche village agricole de la plaine de la Drini, à cheval sur la voie de chemin de fer et la route nationale menant de Prizren à Djakove. Des paysans durs à la tâche et de solides fermes dans lesquelles les combattants de l'UCK avaient peut-être un peu trop tendance à prendre leurs quartiers, peu de temps encore avant le début des bombardements de l'OTAN. "Ils se promenaient en uniforme dans les rues parmi les locaux et les réfugiés. Mais, le jour de l'attaque, il n'y en avait plus un. Plus un pour nous défendre. Ils étaient repartis dans les collines", reproche Fahrije Hoti. Le 25 mars au matin, le lendemain des premiers raids de l'OTAN, les Serbes appliquent le scénario maintes fois répété : encerclement du village, tirs d'artillerie pour effrayer les habitants avant que la police et les paramilitaires n'arrivent, ne séparent les hommes des femmes, vieillards et enfants, et n'accomplissent leur basse besogne. Action concertée de l'armée, de la police et d'unités paramilitaires, ce qui balaie l'argument d'une opération spontanée de vengeance de la soldatesque répondant aux premiers missiles de l'Alliance atlantique.

Deux cent six Albanais sont exécutés en quelques heures à Krusha ë Madhe. Dans le pauvre cimetière du village, cinquante-quatre croix portent la même mention : IPAIDENTIFIKUAR. Non identifiés. Ce sont les restes carbonisés retrouvés dans les ruines de deux maisons incendiées. Cent six autres hommes ont disparu, dont le mari de Fahrije. Les autres sont expulsés à pied vers l'Albanie, distante d'une cinquantaine de kilomètres. Avant l'arrivée de l'OTAN, une grande partie du village est brûlée. Toutes les maisons pillées.

Depuis lors, Krusha ë Madhe est un village de veuves et d'orphelins : "Deux cent quarante-cinq femmes ont perdu leur mari, cinq cent deux enfants n'ont plus de père, quatre familles ont enterré père et mère", égrène Fahrije, la voix cassée par la douleur et les cigarettes. La mosquée dans laquelle Fahrije avait été retenue prisonnière avec d'autres avant d'être chassée vers l'Albanie est flambant neuve. "Mais nous, insiste Fahrije, nous n'avons pu reconstruire une partie de notre maison que grâce à un bienfaiteur grec arrivé par hasard. Et, à l'exception d'Italiens venus rebâtir l'école, il n'y a pas eu d'organisations internationales, ni nationales, pour nous aider."

Une bâche verte du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) remplace le mur brûlé d'une grange. "Quant aux politiciens albanais, ils ne viennent que pour chasser nos votes au moment des élections. Aucun n'a jamais déposé une gerbe sur les tombes le jour de la commémoration. Nous en avons marre de manifester vainement pour demander des nouvelles des disparus. Mais, le jour où nous aurons un président, nous saurons à qui nous adresser", dit Fahrije.

De femme au foyer, mère de jeunes enfants de 6 et 3 ans, Fahrije est devenue une activiste responsable. Elle organise des cours de langue, de couture, de coiffure, de conduite. Elle démarche les Allemands de la KFOR (Kosovo force de l'Otan), dont le contingent contrôle cette partie du Kosovo, pour obtenir un contrat : laver les uniformes des soldats. "Ça a marché pendant six mois, mais ils n'ont pas tenu leurs promesses. Six mois pour 200 DM par lavandière !" Les bras de Fahrije lui en tombent.

"Ce n'est pas bien vu pour une femme d'aller travailler la terre sans son mari ou quelqu'un de la famille. Certaines d'entre elles ont pourtant des champs, mais elles ne les exploitent plus. Nous n'avons pas réussi à organiser des cours pour leur apprendre à conduire les tracteurs. Trop peu de volontaires, pas assez de sponsors", regrette-t-elle. L'alternative réside alors dans une aide sociale bien mince : 50 euros par mois, quel que soit le nombre d'enfants.

Parallèlement à la solidarité communautaire, les traditions sont oppressantes. Une seule veuve du village – une jeune femme de 22 ans – s'est ainsi remariée. Le choix était cornélien. Elle a dû abandonner ses enfants à sa première belle-famille, et bien mal lui prendrait de remettre les pieds dans le village. Dans une province où mariage rime avec virginité, les nouveaux époux, en acceptant ces femmes de "deuxième main", peuvent refuser d'accueillir les enfants sous leur toit. Fahrije préfère ne pas se prononcer sur le choix de la jeune femme. "L'absence d'autorité paternelle a aussi de graves conséquences sur les enfants. Ils ne nous écoutent plus, ma fille de six ans ne veut plus aller à l'école."

Soudain sa voix enfle. L'évocation du procès de Milosevic emporte sa retenue : "Mon mari est revenu d'Allemagne, où il travaillait, peu de temps avant la guerre. Il n'a pas vu grandir ses enfants. Que Milosevic tombe entre nos mains et il verrait quel sort cruel nous lui réserverions. Sa mort en prison serait trop douce. C'est le cri de toutes les femmes et les mères de Krusha ë Madhe, de tout le Kosovo."



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