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Rapport de Reporters sans Frontières

vieuxcmaq, Friday, January 11, 2002 - 12:00

Frédéric Dubois (tartosuc@iquebec.com)

Le Top 15 des Etats liberticides



Depuis le 11 septembre 2001 et les attentats de New York et Washington, la plupart des Etats ont renforcé leurs dispositifs sécuritaires. Si cette réaction est parfaitement légitime, les atteintes aux libertés collectives et individuelles qu'elle a engendrées ne le sont pas.



Cent vingt jours environ après les attaques terroristes, il nous semblait opportun de publier un premier bilan. Car ces atteintes aux droits humains, à la liberté de la presse et de l'information sur Internet, se sont multipliées.

Le Top 15 des Etats liberticides

Depuis le 11 septembre 2001 et les attentats de New York et Washington, la
plupart des Etats ont renforcé leurs dispositifs sécuritaires. Si cette réaction
est parfaitement légitime, les atteintes aux libertés collectives et
individuelles qu'elle a engendrées ne le sont pas.
Cent vingt jours environ après les attaques terroristes, il nous semblait
opportun de publier un premier bilan. Car ces atteintes aux droits humains, à la
liberté de la presse et de l'information sur Internet, se sont multipliées.
Nous vous présentons donc ce "Top 15" des pays liberticides : le hit-parade des
pays au sein desquels les dérives sécuritaires et les entorses ont été les plus
nombreuses et les plus graves.
Il conviendra de distinguer deux types d'Etats liberticides : ceux qui ont cédé
à la "panique" suite aux attentats et qui se sont dotés d'arsenaux judiciaires
qui restreignent les libertés. Mais aussi les "Etats opportunistes" : ceux qui
ont saisi le prétexte de la guerre contre le terrorisme pour faire passer des
mesures jusque-là impopulaires ou qui prennent ce prétexte pour oppresser leurs
minorités et opposants.
Les victimes innocentes du World Trade Center et du Pentagone, celles des villes
et villages afghans sont dans les esprits.
Doit-on néanmoins laisser faire n'importe quoi au nom de la lutte contres les
terroristes ?
Nous ne le pensons pas.
C'est justement pour rester "attentifs, ensemble" que nous publions ce palmarès
des Etats liberticides.

Francois Bugingo
RSF - Canada
Tél: 514-272-6820

N°1 : Les Etats-Unis

Aux grands maux les -trop- grands remèdes

C’était le titre de l’un de nos articles publiés sur le site, le 10 décembre dernier. Il résume la situation aux Etats-Unis. S’il est naturel et légitime que les autorités aient réagi de manière vigoureuse après les attentats du 11 septembre, dans l’optique de se prémunir contre de nouvelles attaques, force est de constater que la « réponse » a viré aux mesures liberticides. Les atteintes aux libertés collectives et individuelles, aux droits civils, à la cyberliberté, à la présomption d’innocence sont flagrantes. De même le « délit de faciès » a fait son retour. Tout cela a été indubitablement engendré par les mesures adoptées par le président Bush et son gouvernement et avalisées par le Congrès.

- Stratégie de la détention préventive, massive et… abusive ?

Au lendemain du 11 septembre, les autorités ont orchestré une immense chasse à l’homme. C’est la théorie des interpellations massives, préventives et… abusives (selon les organisations de défense des droits humains) qui a été défendue par John Ashcroft, le ministre de la Justice, et relayée par le FBI. Près de mille deux cents personnes ont ainsi été interpellées et détenues sans jugement. Dans la majeure partie des cas, les prévenus (essentiellement interpellés pour infractions à la législation sur les visas) n’ont pu rencontrer un avocat ou contacter leurs familles. Le 27 novembre dernier, le ministre de la Justice a reconnu que six cents personnes étaient encore incarcérées sans procès. Il a catégoriquement refusé que son ministère publie la liste de ces six cents noms.

- Droits des prisonniers et présomption d’innocence bafoués

Les diplomates étrangers en poste aux Etats-Unis sont sortis, début janvier 2002, de leur réserve toute diplomatique pour fustiger les autorités américaines « qui ne respectent pas les droits fondamentaux de nos ressortissants incarcérés depuis les attentats du 11 septembre ». A l'instar du Consul général du Pakistan à New York, ils ont rapporté que « dans la plupart des cas, nous n'avons ni l'identité, ni le lieu de détention de nos ressortissants. On daigne tout au mieux nous donner leur nombre… Les autorités font aussi pression sur eux pour qu'ils n'accèdent pas à leurs droits à contacter leurs représentations consulaires ou des avocats. C'est proprement inadmissible».

Dans le cadre du procès Moussaoui, François Roux, l’un des avocats du Français, premier inculpé dans l’enquête sur les attentats, passible de la peine de mort, s’est insurgé, lui, début janvier, contre le non-respect de la présomption d’innocence de son client, comme de bon nombre de prévenus. « Nous allons faire de ce procès un combat pour faire respecter ce droit inaliénable, cette liberté immuable qu'est la présomption d'innocence. Un droit qui est clairement bafoué dans ce dossier. C'est inacceptable. Nul n'est coupable avant son procès », a-t-il déclaré.

- USA Patriot Act : vers un Etat policier

Le 26 octobre, George W. Bush signe les décrets d’application de cette loi dite « patriotique » qui se veut une réponse à la menace terroriste. Elaborée par John Ashcroft, le ministre de la Justice, elle recèle des dispositions qui restreignent notablement les libertés.

- Ecoute des conversations entre les avocats et leurs clients : le recul du droit

Le 2 novembre, le ministère de la Justice autorise l’écoute et l’enregistrement des conversations entre les suspects incarcérés dans le cadre de l’enquête sur les attentats et leurs défenseurs. Il est pourtant inscrit depuis fort longtemps, dans le droit américain, « qu’un accusé ne peut avoir de procès juste et équitable s’il ne peut parler librement à son avocat »…

- Tribunaux militaires d’exception : il y a les Américains… et les autres

Le 13 novembre, le président Bush a signé un décret permettant de traduire les terroristes présumés, non-Américains, devant des juridictions militaires d’exception. Initialement, ce décret permettait :

*D’organiser les procès dans le plus grand secret.

*Aux tribunaux de ne pas révéler les preuves dont ils disposent.

*De prononcer la peine de mort si les deux tiers des jurés y sont favorables.

Sous la pression des organisations de défense des libertés, d’éminents juristes et d’une partie des médias et de l’opinion publique, le gouvernement a assoupli les conditions de fonctionnement de ces tribunaux. L'administration vient en effet de notifier que :

*Les jurés militaires devront voter à l'unanimité pour prononcer la peine de mort.

*Après le jugement, un comité de trois personnes examinera le verdict et les requêtes de la défense. Il transmettra ses recommandations au ministre de la Défense. La décision finale quant au verdict appartiendra alors au président Bush. Autre avancée : en sus des avocats militaires commis d'office, les inculpés pourront se faire défendre par des avocats civils. *Enfin, le public et les journalistes pourront assister aux audiences. Les séances ne se dérouleront à huis clos que dans les cas où des informations jugées " secret-défense " pourraient être révélées.

- Interrogatoire de cinq mille personnes… d’origine moyen-orientale

Le ministère de la Justice a demandé le 13 novembre de procéder à l’interrogatoire de cinq mille personnes d’origine moyen-orientale, entrées régulièrement aux Etats-Unis avec un visa de touriste. L’objectif pour les autorités : identifier d’éventuels complices des auteurs des attentats du 11 septembre ou des « agents dormants » du réseau Al-Qaida d’Oussama ben Laden. Cet interrogatoire « géant » a contribué à mettre à l’index et à marginaliser des étrangers moyen-orientaux, arabes ou musulmans.

- Discrimination : le rêve américain brisé des Arabes et des musulmans

La communauté arabe et musulmane paie un lourd tribut aux attentats du 11 septembre. Les organismes représentatifs de cette communauté ont pourtant condamné les attentats. Pourtant, depuis cette date, les meurtres, agressions physiques, pressions morales ou licenciements abusifs de ressortissants de cette communauté sont légion. L'Arab American Institute recense cent cinquante-sept plaintes pour discrimination raciale ou religieuse. Un récent rapport publié par les autorités de Los Angelès recense quatre-vingt-douze crimes racistes commis à leur encontre depuis le 11 septembre contre… douze seulement pour l’ensemble de l’année 2000.

Le cauchemar des Américains musulmans ou d’origine arabe a été sur-médiatisé suite à l’affaire qui a concerné un agent des services secrets attaché à la protection rapprochée du président Bush. Lui même d’origine arabe, il a été expulsé d’un avion par le commandant de bord qui a affiché sa défiance envers cet homme armé d’apparence moyen-orientale…

- Le bâton et la carotte de la délation

Fin novembre, John Ashcroft, le ministre américain de la Justice, a annoncé que les étrangers, y compris en situation irrégulière, seraient " éligibles à un programme permettant de régulariser leurs visas, voire d'accélérer leur naturalisation américaine, s'ils fournissent aux autorités des informations précieuses permettant d'arrêter des terroristes ". Pour prouver sa bonne foi, John Ashcroft a transmis un document résumant ces nouvelles dispositions au FBI, au service de l'immigration et de la naturalisation ainsi qu'à la division criminelle du département de la Justice. Cette nouvelle disposition a été vigoureusement dénoncée par les organisations de défense des droits de l'homme, dans la mesure où elle a créé un climat de délation généralisée préjudiciable à des innocents.

- Une carte d’identité version « Big Brother »

Le gouvernement fédéral américain teste actuellement auprès de militaires et de fonctionnaires de ministères sensibles son nouvel outil de lutte antiterroriste : la carte d'identité. Avant le 11 septembre, il était inconcevable pour les Américains de voir leurs vies privées « contrôlées » par le truchement d'une carte d'identité fédérale, inexistante jusqu'alors. La situation a changé. Quatre millions de cartes d'identité seront mises en circulation dans les deux années qui viennent. Et dans la prochaine décennie, c'est l'ensemble de la population qui devrait être concernée. Vu d'Europe, la carte d'identité est un vieux classique qui ne porte, a priori, pas atteinte aux libertés individuelles. Aux Etats-Unis, les choses vont être fondamentalement différentes. Ce qui inquiète les associations de défense des droits civils qui parlent de la mise en circulation d'un vrai « Big Brother »… Car la version américaine de la carte d'identité est un concentré vertigineux de technologie et une redoutable machine à pister les agissements de ses détenteurs. Pourvue de deux photos, de deux codes barres, des empreintes digitales, d'une bande magnétique, elle permettra de retracer minute par minute les activités de ses porteurs, puisqu'elle sera au cœur d'un tentaculaire système de super-bases de données.

- CIA : des dollars et des terroristes pour lutter contre… le terrorisme

Mi-décembre, la CIA, la grande centrale de renseignements américaine, a obtenu du président Bush et du Congrès tout ce qu'elle souhaitait pour lutter contre le terrorisme. L'augmentation de près de 10% de son budget (et des autres agences de renseignement) va servir « à financer les opérations de corruption, de recrutement de personnes aux profils douteux et les opérations d'assassinats à l'étranger ». Concernant la corruption, le budget de la CIA a été multiplié par dix, selon l'hebdomadaire Newsweek. Cette manne sera utilisée au paiement de responsables étrangers « retournés » et d'informateurs, y compris des terroristes servant d’agents doubles. Mais ce qui alarme les organisations de défense des droits humains, c'est le retour de la CIA trente ans en arrière. Depuis le début des années 70, l'agence américaine n'était plus autorisée à organiser et à financer l'assassinat de personnes à l'étranger. Le sénateur républicain Richard Shelby a confirmé que « le président Bush a ordonné à la CIA, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés, de se libérer de cette interdiction ».

- Le recours à la torture fait débat

Fin octobre, des voix se sont élevées dans les rangs du FBI, de l'administration mais aussi dans les médias pour réclamer le recours à « d'autres méthodes que les simples interrogatoires pour faire parler les suspects peu bavards interpellés dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 11 septembre ». Certains responsables fédéraux n'ont pas hésité à parler de recourir au " sérum de vérité ", le penthotal, pour obtenir des confessions. D'autres " voies " ont également été envisagées : pressions psychologiques et physiques, voire expulsions vers des pays tiers, dont les polices utilisent la brutalité ou les menaces sur les familles des suspects pour obtenir des aveux.

- La liberté d’expression mise en sourdine

Depuis le 11 septembre, gare à ses propos et à ses mouvements d’humeur en public ! Plusieurs ressortissants non-Américains ont appris à leurs dépends que la liberté d’expression s’arrêtait lorsque les thèmes des attentats et du terrorisme en général étaient évoqués. En septembre, un Iranien a été renvoyé d’une université de Floride pour avoir fait un mot d’humour déplacé. Un autre Iranien risque jusqu’à vingt ans de prison pour avoir proféré, début décembre dernier, des menaces contre les Etats-Unis suite à une altercation verbale avec une hôtesse dans un avion. Enfin, fin décembre, un Japonais furieux de la lenteur de l’embarquement à l’aéroport de Seattle a déclaré à une hôtesse : « Si j’étais un terroriste, je ferais sauter cet avion. » Il risque cinq ans de prison et dix mille dollars d’amende.

- Liberté de la presse : la Maison Blanche organise la censure

En rupture avec la tradition institutionnelle américaine, le pouvoir exécutif a mis en place, début octobre, une forme de censure concertée de la presse. Condoleeza Rice, conseillère nationale à la sécurité du président Bush, a convoqué les principaux patrons de presse pour leur rappeler leurs " responsabilités " en matière d'information en période de crise. Plus inquiétant, le président Georges Bush, invoquant des motifs de sécurité nationale, a donné instruction aux principaux membres de son gouvernement, dans une note datée du 5 octobre 2001, de ne plus transmettre aux parlementaires certaines des informations indispensables à l'exercice de leurs mandats. C’est la crainte de " fuites " dans la presse qui a motivé cette mesure.

- Cyberliberté : l’Amérique, nouveau justicier mondial d’Internet organise la cyber-traque

Dans le cadre de la loi de lutte contre le terrorisme, le département américain de la Justice s’est arrogé le droit de poursuivre les " pirates " de l'Internet, qu'ils soient ou non américains, qu'ils agissent sur le sol des Etats-Unis ou en dehors. Le raisonnement des autorités est simple : dans la mesure où la majeure partie des communications Internet passent par les Etats-Unis, elles entendent désormais poursuivre quiconque, dans le monde, contreviendrait aux lois des USA dans le domaine du cyberespace, dès lors que l'objet des " délits " électroniques transiterait par les " tuyaux " américains.

La police fédérale américaine (FBI) s'est dotée d'un nouvel outil. Baptisé "Lanterne magique", il permet de décoder et de décrypter toutes les données protégées des ordinateurs individuels. Véritable " Cheval de Troie ", " Lanterne magique " est un logiciel que le FBI peut installer à distance. Une fois installé, il révèle aux autorités l'ensemble du contenu de l'ordinateur piraté.

"Carnivore", quant à lui, permet d'intercepter les e-mails des internautes pour en décortiquer le contenu. Avant les attentats du 11 septembre, le FBI avait été sommé par la Justice de l'utiliser avec parcimonie, et après accord préalable de juges. En octobre dernier, le président Bush a autorisé l'utilisation de "Carnivore" par la police fédérale. Et ce, comme bon lui semble.

N°2 : La Grande-Bretagne :

Le premier pays à déroger à la Convention européenne des droits de l’homme

Considéré avant le 11 septembre comme un pays trop clément envers les activistes religieux, voire un sanctuaire pour les terroristes présumés, le Royaume-Uni a pris un virage à 180°. La loi antiterroriste votée par le Parlement mi-décembre 2001 fait du royaume de sa Majesté le premier pays à déroger unilatéralement à la Convention européenne des droits de l’homme, tandis qu’Internet est placé sous « contrôle judiciaire ».

- Loi antiterroriste : détention en l’absence d’instruction et d’accusation

La résistance tenace de la Chambre des Lords (Chambre haute du Parlement) n'a pas suffi : la loi de lutte contre le terrorisme peaufinée par le gouvernement Blair a été votée par les députés.

Deux mesures sont particulièrement décriées : la possibilité de détenir en prison des personnes étrangères en l'absence de toute instruction et les pouvoirs accrus de la police, en matière de surveillance d'Internet, du courrier électronique et des conversations téléphoniques. La première mesure fait de la Grande-Bretagne le premier et seul pays du Vieux Continent à faire une entorse grave et caractérisée à la Convention européenne des droits de l’homme. L'article 5 de cette convention stipule en effet que toute détention de longue durée en dehors du cadre strict d'une instruction judiciaire est proscrite. En outre, le gouvernement n’a retiré du texte qu’au dernier moment, et face aux critiques unanimes, un « délit d’appel à la haine religieuse ».

- Liberté de la presse : Les médias sommés de " distinguer le vrai du faux "

Le gouvernement britannique, soutien indéfectible des Etats-Unis dans la guerre contre le terrorisme et dans l’opération militaire en Afghanistan, a choisi son camp. Et l'équipe du Premier ministre britannique Tony Blair a vertement appelé les médias à choisir le leur. C’est-à-dire le même, dans un climat d’union sacrée. Le porte-parole de Tony Blair les a sèchement rappelés à l'ordre, début novembre, quant à leur traitement des informations liées à la guerre en Afghanistan. " Je les appelle à distinguer le vrai du faux ", a martelé le directeur de la communication de Tony Blair. " Ils ne doivent pas mettre sur un pied d'égalité le tissu de mensonges des taliban et les déclarations de la coalition."

- Cyberliberté : Internet épié au nom de la lutte antiterroriste… entre autres

A l'instar des Etats-Unis, du Canada ou de la France, la Grande-Bretagne a mis la Toile sous surveillance rapprochée. Suivant l'exemple de Paris, Londres a allongé la durée de conservation des données des internautes par les fournisseurs d'accès. Le ministère de l'Intérieur a également annoncé qu'il entendait " avoir un droit de regard sur les transactions financières en ligne, ou contrôler ostensiblement les e-mails privés ".

Concrètement, en vertu de la nouvelle loi, la police est largement dispensée de demander l’autorisation d’un juge pour agir. Il lui suffit d’obtenir le feu vert du ministre de l’Intérieur ou de l’un de ses hauts fonctionnaires pour le faire. Autant de mesures qui provoquent un tollé : des fournisseurs d'accès envisagent la délocalisation de leurs serveurs hors de Grande-Bretagne.

N°3 : Le Canada :

Le pays où il ne fait plus bon être étranger ou journaliste

La loi C-36 contre le terrorisme entrée en vigueur le 24 décembre est tout sauf un cadeau de Noël. Elle institue les arrestations « préventives » (donc potentiellement arbitraires) de personnes suspectées de terrorisme et inclut de nombreuses dispositions dangereuses pour la liberté de la presse ou la liberté sur la Toile. Et, d’une manière générale, elle marque le repli de cette -ex ?- terre d’accueil sur elle-même.

- Loi (s) antiterroriste (s) : le gouvernement et la police ont les pleins pouvoirs

La première loi antiterroriste est en vigueur depuis le 24 décembre. Baptisée C-36, elle permet notamment l’arrestation préventive, pour soixante-douze heures, de personnes suspectées de préparer des actes terroristes. La seule base du soupçon suffit à la police pour agir. Les pouvoirs sont par ailleurs accrus, en matière de surveillance d’Internet, du courrier électronique ou des conversations téléphoniques. Une modification apportée à la Loi sur la défense nationale permet au ministre de la Défense nationale d'autoriser le Centre de la sécurité des télécommunications (CST) à intercepter des communications privées entre le Canada et l'étranger en vue d'obtenir des renseignements relatifs aux "affaires internationales, à la défense ou à la sécurité".

Mais le vote de cette loi signifie aussi que le Canada se referme sur lui-même. Les procédures d’immigration ont été durcies, de même que les contrôles aux frontières.

Un second projet de loi, s’il est voté par les parlementaires, donnera aux ministres davantage de pouvoir pour agir de façon unilatérale et secrète, excluant de fait le rôle du Parlement.

- Liberté de la presse : le secret des sources battu en brèche

La modification apportée à la Loi sur la défense nationale permettant d’intercepter des communications privées entre le Canada et l'étranger en vue d'obtenir des renseignements induit que la confidentialité des communications entre les journalistes et leurs contacts à l'étranger n'est plus assurée. La nouvelle loi permet également d'exiger qu'une personne pour qui il existe "des motifs raisonnables de croire [qu'elle] a des renseignements directs et pertinents relatifs à une infraction de terrorisme" soit convoquée par un juge afin de divulguer cette information. Les personnes qui refusent de se présenter à la convocation du juge ou de répondre à ses questions s'exposent à une peine allant jusqu'à un an de prison. Enfin, la Loi sur les secrets officiels, rebaptisée Loi concernant la protection de l'information, punira dorénavant "de l'emprisonnement à perpétuité" la remise d'informations sensibles "à une entité étrangère ou à un groupe terroriste". D'après l'article 16, les informations concernées sont celles "à l'égard desquelles le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial prend des mesures de protection", sans autre forme de précision. L'article 17 sanctionne la divulgation de "renseignements opérationnels spéciaux". Ces derniers incluent des informations d'intérêt public telles que les "limites ou les failles" de la politique de renseignement mise en oeuvre par le gouvernement fédéral. Des dispositions qui placent potentiellement les journalistes dans l’illégalité.

- Cyberliberté : Surveillance d’Internet en toute impunité

La surveillance étroite d’Internet et du courrier électronique est l’une des pierres angulaires de la loi antiterroriste. Avant la promulgation de cette loi, les autorités devaient informer les citoyens qu'ils faisaient ou avaient fait l'objet d'une surveillance. Aujourd'hui, la police et les services de renseignements n’ont plus besoin de l’aval d’un juge pour intervenir et n’ont plus de comptes à rendre aux citoyens.

N°4 : La France

La Loi sur la sécurité quotidienne fragilise la liberté d'expression

La France a institué le 15 novembre, à la hâte et sans réel débat, une loi antiterroriste qui ressemble à un fourre-tout judiciaire et crée l'amalgame entre terrorisme et délinquance. Jugée anticonstitutionnelle, cette Loi sur la sécurité quotidienne (LSQ) restreint considérablement la liberté d'expression sur Internet.

- Loi sur la sécurité quotidienne : Internet dans le collimateur

Suite aux attentats du 11 septembre, le gouvernement a été prompt à réagir et à soumettre aux députés un ensemble de mesures destinées à lutter contre le terrorisme. Ce dispositif n'a pas été " taillé sur mesure " pour épouser les formes nébuleuses de la menace terroriste. Des dispositions ont été ajoutées à la hâte à un texte déjà existant : la LSI, Loi sur la société de l'information.

Du coup, la LSQ est devenu un fourre-tout qui englobe à la fois treize amendements dits " antiterroristes " mais aussi la possibilité d'accuser anonymement quelqu'un sans que la personne incriminée puisse s'expliquer face à face avec son détracteur (création du " témoin anonyme "); le fichage génétique de toute personne condamnée pour simple vol ; la fouille des véhicules ; la perquisition sans contrôle de l'autorité judiciaire et en l'absence de la personne intéressée ; la possibilité d'interdire les rassemblements dans les halls d'immeubles ; la délégation de pouvoirs de police aux agents de sécurité privée ou les mesures de sécurité liées au passage à l'euro.

Au-delà des mesures liberticides contenues dans ce dispositif, ses détracteurs dénoncent donc une loi qui fait l'amalgame entre droit commun et lutte antiterroriste. Surtout, c'est l'absence d'un réel débat autour de sa mise en place qui fait l'objet de critiques nourries. Le texte est passé comme une lettre à la poste devant le Sénat et l'Assemblée nationale. Aucun parlementaire n'a eu le courage de saisir le Conseil constitutionnel (ce qui est la règle dans le cas de loi contenant des mesures sensibles d'un point de vue constitutionnel) pour qu'il s'exprime sur la validité de la LSQ.

- Liberté de la presse : les médias rappelés à l'ordre

Suite aux recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) aux radios et télévisions, et au rappel à l'ordre de la chaîne d'information Al-Jazira, les organisations de défense de la liberté de la presse et de la liberté d'expression ont appelé le CSA à veiller à ce qu'aucune forme de contrôle de l'information ne soit rétablie en France à la faveur du contexte international. Ces organisations se sont inquiétées des récentes recommandations du CSA sur le traitement de l'information dans le contexte du conflit en Afghanistan, et du rappel à ses obligations de la chaîne d'information basée au Qatar Al-Jazira. L'absence de tout contrôle du contenu de l'information est en France un acquis fondamental de ces deux dernières décennies pour les médias audiovisuels.

- Cyberliberté : Internet sous la férule des juges français

La LSQ prévoit de porter à un an la durée de conservation des données par les fournisseurs d'accès à Internet ; elle autorise les juges à recourir aux " moyens de l'Etat soumis au secret de la défense nationale " pour décrypter les messages et elle oblige les fournisseurs de moyens de cryptologie à fournir aux autorités leurs protocoles de chiffrement, afin qu'elles puissent décrypter à leur aise les messages. Autant de dispositions qui reviennent à placer Internet sous haute surveillance et à criminaliser le cryptage.

N°5 : L’Allemagne

Une loi antiterroriste " catastrophique "

Les associations de défense des droits civiques et de protection des données personnelles estiment que la loi antiterroriste concoctée par le ministre fédéral de l'Intérieur, Otto Schily, et adoptée par le Bundestag est " catastrophique ". Les mesures considérées comme les plus liberticides sont les suivantes :

- La suspicion de mise en danger de l'ordre fondamental démocratique et libéral est un motif de refus ou de non-prolongation d'un permis de séjour. Pour les étrangers résidant en Allemagne, c'est aussi un motif d'expulsion. S'y ajoutera par la suite l'exécution immédiate de telles expulsions.

- La séparation entre les services de renseignements et la police est levée : les services de renseignements ont un accès illimité au système commun des données de la police INPOL et la Direction du service de sécurité militaire (MAD), les Services de renseignements extérieurs allemands (BND), la police des frontières et l'Office fédéral pour la protection de la Constitution sont désormais associés à la procédure de délivrance des visas.

- Pour la première fois dans l'histoire de la République fédérale d'Allemagne, le Service allemand de protection de la Constitution se voit doté d'un pouvoir comparable à celui de la police.

- La loi relative au Registre central des étrangers est amendée pour autoriser la police et les services de renseignements à accéder de manière automatisée à l'ensemble des données.

- Il est prévu d'enregistrer des fragments d'entretien attestant l'identité des étrangers et des demandeurs d'asile afin de prouver leur " véritable " pays d'origine et de faciliter leur expulsion.

- Les empreintes digitales et " autres documents attestant l'identité " de l'ensemble des demandeurs d'asile devront être conservés dix ans et seront comparés systématiquement avec les indices relevés par la police sur les lieux des crimes et conservés par l'Office fédéral de la police judiciaire.

- Interdiction de toute association d'étrangers dont les objectifs ou les activités porteraient préjudice ou mettraient en danger les intérêts fondamentaux de la République fédérale d'Allemagne.

- Droit d'accès aux données de télécommunication susceptibles d'être stockées sur support électronique : qui échange des mails avec qui ; qui téléphone à qui ; données de localisation ; archivage global des contenus des communications ; nouveaux droits d'accès pour les services de renseignements aux données des entreprises de télécommunications, de gestion du courrier, des postes ou des banques. Les concepts juridiques utilisés sont imprécis et difficiles à apprécier. Leur interprétation est laissée en pratique aux autorités. Qui définit le concept de "soutien au terrorisme international" ? Qui définit les limites entre " terroristes " et " défenseurs des libertés " ? Les modifications apportées à la Loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en Allemagne et à la Loi sur la procédure d'asile ne sont pas propres à renforcer la sécurité. Elles renforcent bien au contraire les préjugés et les ressentiments de la population.

N°6 : La Chine

Le prétexte de la lutte antiterroriste pour réprimer les opposants et les minorités

Fin octobre 2001, le parlement chinois a ratifié deux traités internationaux de lutte contre le terrorisme : la Convention internationale contre les actions terroristes et la Convention de Shangaï sur la lutte contre le terrorisme, le séparatisme et les extrémismes. Des ratifications subites qui ont surtout servi à déclencher une violente répression contre le mouvement séparatiste musulman du Uighur, dans le nord-ouest de la région de Xinjiang, contre les séparatistes mongols et contre les adeptes du mouvement spirituel Falungong.

En fin d’année, le ministre de la Sécurité publique a durci un peu plus encore ces répressions. Il a annoncé la création d'un bureau qui coordonnera la lutte antiterroriste. Ce bureau, qui dispose d'une unité de police spéciale, a déjà fixé des ultimatums aux groupes interdits défendant les intérêts des musulmans du Xinjiang, des Mongols et des adeptes de Falungong. Selon les cas, ils ont jusqu'au mois de février 2002 pour se présenter devant les officiers de ce bureau et « avouer leurs activités illégales ». En échange, la justice sera plus clémente avec eux.

Reste que la peine de mort sera désormais la sanction prononcée contre les terroristes présumés et leurs complices en Chine. La République populaire se prépare en effet à amender son Code pénal pour punir plus sévèrement ceux qui fomentent des actions terroristes, ceux qui les aident mais aussi les auteurs de fausses alertes, voire les personnes qui diffuseront des fausses informations à caractère terroriste. Le nouvel arsenal antiterroriste chinois est dénoncé par les défenseurs des libertés. Ils rappellent en effet que « la Chine soutient sans faille la coalition antiterroriste internationale depuis le 11 septembre car cela lui permet de réprimer en toute impunité ses minorités dérangeantes et ses opposants ».

N°7 : L’Italie

Les services secrets pourront agir en toute impunité

Pour lutter contre le terrorisme, le gouvernement italien a mis en chantier une nouvelle loi visant à réformer ses services de renseignements. Le projet prévoit que les agents des services secrets civils (SISDE) et militaires (SISMI) pourront, en toute impunité, commettre des délits au cours de leurs missions, sauf tuer ou blesser des personnes. Le vol, les perquisitions « sauvages », les écoutes « à la hussarde », les filatures, les interventions sur des domaines privés ne nécessiteront plus l’aval d’un magistrat. Mieux : lors de leurs missions, les agents auront l’interdiction formelle d’avoir des rapports avec l’autorité judiciaire. Les missions et interventions seront décidées par le directeur du service concerné, en liaison avec son ministre de tutelle. Elles seront couvertes par le président du Conseil. Enfin, les documents inhérents aux missions et aux délits commis seront couverts par le secret d’Etat durant quinze ans.

N°8 : L’Inde

La lutte contre le terrorisme pour régler ses comptes avec le Pakistan

Mi-novembre 2001, le gouvernement indien a dévoilé son arsenal antiterroriste : l’Ordonnance de prévention du terrorisme (POTO). Le Premier ministre, Atal Behari Vajpayee, a demandé le soutien des chefs d'Etats étrangers, car le dispositif qu'il a présenté sans attendre l'approbation du Parlement, a été vivement critiqué. L'opposition a dénoncé un texte " anti-démocratique, liberticide, générateur d'abus et carrément inutile. Un suspect pourra désormais être incarcéré trente jours sans aucune justification de la part des autorités. Et quiconque possédera des informations sur des terroristes présumés, y compris les journalistes, devra en informer les autorités sous peine de poursuites ". Pour les opposants à ce dispositif, " ce texte cible avant tout les minorités, et principalement les communautés musulmanes du Jammu et du Cachemire, qui redoutent l'entrée en vigueur de ce texte "

Le parti BJP au pouvoir en Inde a en effet demandé au Premier ministre Atal Vajpayee de suivre l'exemple de l'opération militaire menée par les Etats-Unis en Afghanistan, pour éradiquer le terrorisme intérieur. En un mot : pour nettoyer le Cachemire des groupes armés soutenus par l’ennemi juré, le Pakistan. Cette requête fait suite à l'attentat perpétré le 13 décembre contre le parlement indien.

Une loi antiterroriste qui a dû être amendée sous la pression des députés et d'organisations de défense des libertés. Désormais, elle est en vigueur pour trois ans et non cinq. En outre, le législateur a introduit des procédures de contrôle pour éviter des abus.

N°9 : L’Union européenne

Une harmonisation de la lutte antiterroriste dans la douleur

La Commission européenne a présenté début novembre 2001 un projet de décision-cadre relative à l'harmonisation de la lutte contre le terrorisme dans les pays de l'Union. L'objectif était de rapprocher la définition du terrorisme et les peines appliquées. Ce projet a prêté le flanc à la polémique. La définition " unifiée du terrorisme " initiale était à ce point large qu'elle pouvait être appliquée à toute forme de lutte sociale". La capture illicite d'infrastructures en vue de porter gravement atteinte aux structures sociales ou économiques " entrait dans le champ du " terrorisme ". " L'encouragement à ces actions par un individu ou un groupe devenait un délit passible de sept ans de prison ". Les organisations de défense des libertés collectives et individuelles ont brutalement dénoncé " le retour au délit d'opinion ".

Mi-novembre, les Quinze se sont mis d'accord sur une nouvelle définition des actes terroristes. Mais ils ont eu beaucoup de mal à s’entendre sur la liste des délits qui pourraient faire l’objet de la délivrance du nouveau mandat d'arrêt européen. Concernant la définition du terrorisme, l'Union a dû concéder une formule garantissant explicitement la liberté d'association, de réunion, d'expression, de manifestation, ainsi que la liberté syndicale. Au sujet du mandat d'arrêt européen, l'Italie et l'Irlande ont refusé de valider une liste de trente infractions donnant lieu à une extradition automatique. L’Italie s’est notamment opposée au fait que les délits liés à la fraude fiscale ou au blanchiment d’argent sale soient intégrés dans cette liste. Le Luxembourg, lui, a demandé que le mandat européen concerne seulement les personnes passibles de quatre ans de prison, au lieu d'un an, comme prévu auparavant

La Commission européenne s'est prononcée ", elle, contre l'inclusion d'organisations politiques dans une liste de terroristes présumés commune aux Quinze ". " A ma connaissance, aucune organisation politique siégeant au Parlement de l'un des Etats membres n'est considérée comme un groupe terroriste par le gouvernement de son pays ", a déclaré Leonello Gabrici, porte-parole de la Commission européenne. Cette déclaration faisait écho au souhait de l'Espagne d'inclure dans cette liste le parti Batasuna, aile politique de l'organisation terroriste basque ETA.

N°10 : L’Espagne

L’ETA, cible de la lutte antiterroriste

Si le gouvernement de José Maria Aznar n’a pas fait voter par son Parlement une loi antiterroriste spécifique, il a mené l’offensive sur le front européen. Et il a réussi à imposer certains de ses points de vue. L’objectif étant de renforcer la pression exercée sur le terrorisme intérieur, à savoir l’ETA, dans le cadre de la campagne antiterroriste globale. Il a ainsi obtenu que les Quinze s’entendent sur la très controversée définition commune du terrorisme et qu’ils se rallient à son projet de mandat d’arrêt européen.

N°11 : Le Pakistan

Les intégristes musulmans mis sous contrôle

Parrain des fort peu démocratiques taliban afghans durant de nombreuses années, le Pakistan est soudainement devenu l’un des chantres de la lutte antiterroriste. La pression américaine et l’opération militaire alliée en Afghanistan ne sont évidemment pas étrangères à ce revirement politique subit. Du coup, les madrassas, les très intégristes écoles coraniques dans lesquelles se sont formés les taliban, tolérées avec bienveillance jusqu’alors, sont devenues indésirables à compter de l’automne 2001. Un fichier informatique va être créé en collaboration avec les Américains pour surveiller enseignants et élèves. Le président pakistanais, le général Musharraf, a restreint, début novembre, l'usage des haut-parleurs sur les mosquées. Seuls les appels à la prière sont désormais autorisés. Les prêches et les discours politico-religieux sont, en revanche, proscrits. Selon le journal " Dawn ", " le pouvoir veut éviter que les mollahs se servent des minarets pour critiquer son soutien aux Etats-Unis "

Autre revirement : alors que le pays du général Musharraf était l’un des seuls Etats à avoir reconnu le gouvernement des taliban et à lui offrir une tribune diplomatique, l’ambassadeur taleb au Pakistan et porte-parole des hommes du mollah Omar a été fermement prié de cesser de donner des conférences de presse durant l’opération militaire en Afghanistan. En ce début d’année 2002, il a été arrêté par les autorités pakistanaises et remis aux militaires américains.

N°12 : La Jordanie

Durcissement de la censure

En Jordanie, les attentats du 11 septembre se sont traduits par un net recul de la démocratie. Alors qu’un scrutin national devait être organisé, le pouvoir a pris comme prétexte la conjoncture internationale et la situation sulfureuse en Cisjordanie pour reporter sine die ces élections. Pire : le 8 octobre 2001, le gouvernement a promulgué deux lois. La première, destinée « à lutter contre le terrorisme », s’appuie sur des définitions et des conceptions particulièrement larges et floues. Ainsi, tout ce qui peut « porter atteinte à la Constitution est considéré comme terroriste ». Les sanctions prévues vont de la prison à vie à la peine de mort.

L’amendement du Code pénal et de ses articles relatifs à la presse durcit un peu plus encore la censure et la répression que subissent les journalistes. Désormais, ils risquent la prison s’ils sont déclarés coupables de s’être exprimés publiquement sur des sujets « qui pourraient porter atteinte à l’unité nationale, diviser la population ou nuire à l’image et à la réputation de l’Etat ».

N°13 : La Russie

L'arbre afghan ne masque pas la forêt d'exactions en Tchétchénie

Un violent coup de gueule, un véritable brûlot, que la prise de position sur le conflit tchétchène de l'ancien dissident russe Sergueï Kovalev, aujourd'hui président d'honneur de l'organisation de défense des droits humains Memorial. Les propos de Kovalev ne sont pas taillés dans la langue de bois. Appelé à commenter la chape de silence qui s'est abattue sur la situation en Tchétchénie, suite au ralliement de la Russie à la coalition antiterroriste dans la foulée des attentats du 11 septembre, il fustige les Occidentaux pour leur subite cécité quant aux exactions commises par les soldats russes. "Vous ne voulez rien voir", clame-t-il. "A l'origine, le Conseil de l'Europe (qui avait nommé un émissaire, NDLR) devait veiller au respect des droits de l'homme en Tchétchénie. Au bout du compte, il s'est vendu."

L'attitude bienveillante des Occidentaux à l'égard de Vladimir Poutine attise le courroux de Sergueï Kovalev. "Vous, Occidentaux imbéciles, vous regardez et vous ne comprenez pas que, dans tout cela, il y a la main du KGB. Le Président est issu du KGB, il a appelé ses collègues au pouvoir. Que faites-vous ? Vous cirez les chaussures de ce minable .»

Fin novembre, l'OTAN a révisé son opinion et sa position sur le conflit tchétchène depuis les attentats du 11 septembre. C'est ce qu'a indiqué George Robertson, secrétaire général de l'Alliance, lors de sa visite en Russie. " Maintenant, tous comprennent que le terrorisme rôde dans le monde entier et qu'on doit le combattre en commun ", a-t-il déclaré, faisant référence à la Tchétchénie. " Je suis venu en Russie pour construire avec la direction de ce pays un avenir plus sûr."

N°14 : L’Indonésie

Un projet de loi antiterroriste qui a « le goût des années Suharto »

La presse indonésienne est montée au créneau contre certaines mesures contenues dans le projet de loi antiterroriste concocté par le gouvernement. Le quotidien Jakarta Post n'y est pas allé par quatre chemins : « Les amalgames et imprécisions contenus dans ce texte, qui permettraient de justifier facilement toutes les formes de répression au nom de la lutte contre le terrorisme, rappellent aux Indonésiens les trente sombres années du régime Suharto.» Le Jakarta Post, comme les défenseurs des libertés, s'en prennent à la définition beaucoup trop vague des actes terroristes qui est proposée. Une définition qui permettrait de classer en «actes terroristes» de simples délits de droit commun.

N°15 : Le Zimbabwe

La lutte antiterroriste pour museler l’opposition

Le président zimbabwéen Mugabe et son équipe prennent le prétexte de la lutte contre le terrorisme pour museler l'opposition. Une nouvelle législation dite « antiterroriste » menace de mort ou d'emprisonnement à vie quiconque se rendrait coupable " d'actes d'insurrection, de banditisme, de sabotage et de terrorisme ". De lourdes peines de prison sont aussi prévues à l'encontre des journalistes, zimbabwéens et étrangers, qui " sapent l'autorité du Président ". Cette loi inquiète les défenseurs des droits de l'homme et de la liberté de la presse, dans la mesure où le président Mugabe considère comme des " terroristes " tous ceux qui critiquent son pouvoir

Les autorités zimbabwéennes ont d’ailleurs franchi un nouveau palier, en assimilant les journalistes étrangers travaillant dans le pays à des " terroristes ". Citant la position américaine depuis le 11 septembre, le pouvoir a rendu publique une liste de noms de journalistes étrangers accusés " d'aider les activités terroristes dans le pays ". Cette liste et ces accusations ont été reprises dans le journal gouvernemental Herald. " Les journalistes concernés doivent savoir que nous sommes d'accord avec le président Bush sur le fait que quiconque finance, abrite ou défend les terroristes est lui même un terroriste ", a précisé le porte-parole du gouvernement

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