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Maroc : l’hebdo Demain interditvieuxcmaq, Thursday, December 13, 2001 - 12:00
Geneviève Gélinas (gengelinas@hotmail.com)
La liberté de presse est une nouvelle fois bafouée au Maroc. Vers la fin de l’après-midi, samedi le 8 décembre, l’hebdomadaire satirique Demain a été retiré des kiosques à journaux de la capitale, Rabat, et la publication suspendue jusqu'à nouvel ordre. Motif de la suspension ? Le directeur du journal, Ali Lmrabet, n’aurait pas payé à temps une amende de 30 000 dirhams (environ 4 300 dollars) au tribunal de première instance. Et pourtant… Aperçu du fonctionnement de la justice au Maroc. La liberté de presse est de nouveau bafouée au Maroc. Vers la fin de l’après-midi, samedi le 8 décembre, l’hebdomadaire satirique Demain a été retiré des kiosques à journaux de la capitale, Rabat, et la publication suspendue jusqu'à nouvel ordre. Motif de la suspension ? Le directeur de Demain magazine, Ali Lmrabet, n’aurait pas payé à temps une amende de 30 000 dirhams (environ 4 300 dollars) au tribunal de première instance. Et pourtant… Aperçu du fonctionnement de la justice au Maroc. Le vendredi matin 7 décembre, date limite du paiement de son amende pour pouvoir publier l’édition du lendemain, Lmrabet aura à faire face à toutes les tracasseries administratives possibles avant d’obtenir finalement son récépissé. Premier revers : on refuse le chèque du coursier à la caisse du tribunal de première instance. Tant pis, retour un peu plus tard avec de l’argent comptant. Seconde rebuffade : il faut une lettre d’accompagnement. « Reretour » avec la fameuse lettre : un policier posté à l’entrée déclare que l’administration est fermée jusqu’à 13h30. A l’heure dite, surprise de taille : l’administration ne serait « pas ouverte le vendredi ». Il aura fallu le renfort d’un avocat, la menace de ne pas quitter le tribunal et de longues consultations en coulisses pour que vers 17 heures, le précieux récépissé soit enfin obtenu. La parution du lendemain est sauve, croit-on. Dans l’édition du lendemain, deux charges explosives. En couverture, Demain publie la liste de 45 présumés responsables de tortures, disparitions forcées et détentions arbitraires commises sous le règne du défunt Hassan II. La liste, qui contient les noms de hauts gradés de l’armée et de la police toujours en poste, sera aussi publiée par le Journal hebdomadaire, sans entraîner de suspension. Et en dernière page, l’édito de Lmrabet raconte son aventure de la veille au tribunal. La goutte qui fait déborder le vase? Etant donné l’acharnement des autorités à empêcher le paiement de l’amende, on peut imaginer que la suspension était déjà décidée, et que peu importaient les informations publiées, la décision était prise : il fallait donner une leçon à Demain. En fin d’après-midi le 8 décembre, Lmrabet apprend que des policiers sont en train de retirer les exemplaires de son journal des kiosques à journaux de la capitale, Rabat. À ce moment, il n’a même pas encore été averti de la suspension de Demain. Selon les autorités, c’est parce qu’on ne l’aurait pas trouvé… « C’est une pièce de théâtre satirique dans laquelle on me pousse à jouer. Mais voilà, moi je ne suis pas un acteur », s’insurge Ali Lmrabet. Il a bien l’intention de raconter l’histoire à ses lecteurs dans son prochain numéro, « s’ils me laissent le sortir ». Qui, « ils »? Il semble que les ordres viennent de haut. Dans un entretien du Procureur du Roi, Abdeslam Imani, avec l’avocat de Lmrabet mercredi 12 décembre, le Procureur aurait admis l’irrégularité des procédures, et se serait défendu en arguant qu’ « ils » (le ministère de la Justice, pour être clair) les poussent à faire des choses illégales. Les péripéties de Sapress Sapress, le distributeur du journal Demain, a aussi eu maille à partir avec la police. Le vendredi 7 décembre, des policiers se présentent à la section de Rabat et montrent au responsable un document, selon lequel l’hebdomadaire est suspendu. Ils partent sans lui laisser de copie. Le responsable appelle la direction générale de Casablanca, qui l’assure qu’étant donné l’absence de notification écrite, le journal peut être distribué en toute légalité. Ce qui sera fait. Mal lui en prit. Le lendemain après-midi, des policiers se présentent à Sapress et demandent à parler au responsable. Absent? Pas grave, on embarque le caissier et on l’amène au poste. Plus de peur que de mal, il en repartira une heure plus tard, après que le responsable soit venu s’expliquer avec les policiers. Le procès de la pierre sacrée Ali Lmrabet est condamné le 20 novembre pour « diffusion de fausses informations portant atteinte à l'ordre public ou susceptibles de lui porter atteinte » en vertu de l’article 42 du Code de la presse. Il avait publié une information selon laquelle le Palais royal de Skhirat serait mis en vente. Or, au Maroc, gare à celui qui touche l’institution monarchique ! Le Procureur qui mène la bataille contre le directeur de Demain sort en pleine plaidoirie une pierre de sous la table, expliquant que son trophée n’a rien de spécial mais que, scellée dans un mur du palais royal, cet amas de minéraux devient sacré. L’affaire aurait déclenché bien des rires si Ali Lmrabet n’avait pas finalement écopé de 4 mois de prison ferme et 30 000 dirhams (4300 dollars) d’amende pour cette offense. Il décide de ne pas porter sa cause en appel, ne désirant pas « cautionner une justice aux ordres». Coup de théâtre, c’est le procureur du Roi qui prend l’initiative d’interjeter appel. Ali Lmrabet n’ira pas en prison, en tout cas pas pour l’instant. Un revirement interprété comme une volonté des autorités de ne pas soulever l’ire des institutions internationales, et de ne pas transformer le directeur de Demain en martyr de la liberté de presse. Trop tard, c’est déjà fait. |
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