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En temps de guerre, qui paie ?vieuxcmaq, Monday, December 10, 2001 - 12:00 (Analyses)
Doug Henwood (coorditrad@attac.org)
Il y a un vieux dicton d’économistes selon lequel, en temps de guerre, les gouvernements mettent en œuvre des politiques égalitaires pour obtenir le support populaire. Par exemple, au cours des deux premières guerres mondiales et de la guerre de Corée, le gouvernement a mis en place une taxe supplémentaire sur les bénéfices des entreprises – en partie parce que le gouvernement avait besoin de ce revenu, mais aussi afin que la population évite de croire que les entreprises tiraient profit de l’effort de guerre. Le taux d’imposition des particuliers a également été relevé pour les tranches supérieures à la fin des deux guerres mondiales. Les riches en campagne pour plus de réductions d’impôts Il y a un vieux dicton d’économistes selon lequel, en temps de guerre, les gouvernements mettent en œuvre des politiques égalitaires pour obtenir le support populaire. Par exemple, au cours des deux premières guerres mondiales et de la guerre de Corée, le gouvernement a mis en place une taxe supplémentaire sur les bénéfices des entreprises – en partie parce que le gouvernement avait besoin de ce revenu, mais aussi afin que la population évite de croire que les entreprises tiraient profit de l’effort de guerre. Le taux d’imposition des particuliers a également été relevé pour les tranches supérieures à la fin des deux guerres mondiales. Pas cette fois. Dans sa grande lutte contre le terrorisme, une lutte dont le gouvernement Bush nous dit qu’elle pourrait durer 40 à 50 ans, on dirait que c’est Papa Warbucks qui mène la danse. L’étalage d’égoïsme et d’opportunisme est frappant, même pour quelqu’un accoutumé à voir le Congrès en action. En quelques jours, après l’effondrement du World Trade Center, le Congrès avait adopté une subvention de 15 milliards de dollars pour les compagnies aériennes. Pour les 100 000 et quelques salariés licenciés, pas un centime. Il n’est pas question de remettre en cause le besoin d’un grand coup de pouce fiscal. L’économie américaine était déjà défaillante avant le 11 septembre. Distinguer s’il s’agissait d’une véritable récession n’était pas aisé, mais la croissance de l’emploi avait pris fin, et l’industrie avait commencé à décliner depuis un an. Entre mars 2000 et septembre 2001, plus d’un million d’emplois dans l’industrie ont disparu. Le secteur des services en a absorbé une part, mais lui aussi était mal en point. La cause sous-jacente de ce ralentissement est l’éclatement de la bulle financière créée autour des high-tech. Quand des bulles spéculatives géantes éclatent, elles laissent généralement derrière elles des économies sérieusement affaiblies, qui peuvent mettre des années à se rétablir. Les attaques du 11 septembre ont porté un coup économique et psychologique sérieux à une économie déjà affaiblie, qui a presque certainement entamé une véritable récession. CONGRÈS RÉTROGRADE Le remède classique à une récession serait une forte stimulation fiscale – réductions d’impôts pour les bas et moyens revenus – et une augmentation des dépenses gouvernementales. La logique sous-jacente est simple : en temps troublés, les personnes ayant de l’argent sont réticentes à le dépenser, et celles qui normalement n’en ont pas beaucoup se retrouvent avec moins encore, en raison des licenciements, du chômage partiel et des réductions de salaires. Les entreprises, confrontées à des ventes et des profits en baisse, coupent dans leurs investissements et licencient en masse. Alors, que s’apprête à faire le Congrès ? Il envisage des réductions d’impôts pour les très riches, et des baisses d’impôts sur les entreprises : économiquement inefficace, l’exact opposé de ce qui est nécessaire, mais néanmoins très agréable pour ceux qui les financent. En octobre, la Chambre a adopté une enveloppe de 100 milliards de dollars destinée à permettre aux entreprises de déduire davantage de leurs impôts les investissements qu’elles auraient faits de toute façon, facilitant à des compagnies comme General Electric ou General Motors la mise à l’abri de leurs profits dans des paradis fiscaux, et offrant des milliards de subventions à des compagnies rentables. La raison avancée à ces mesures est qu’elles encourageraient les firmes à investir, à croître et à embaucher, mais il n’y a aucune preuve comme quoi ce type de réductions d’impôts aurait ces effets désirables. Les compagnies investissent, croissent et embauchent quand leurs ventes augmentent, et les considérations fiscales sont au mieux secondaires. L’amendement de la Chambre accélérerait également les réductions d’impôts de Bush en faveur des plus riches contribuables, en ramenant leur mise en place de 2006 à 2002, et réduirait l’imposition des plus-values. Selon des estimations de Citizens for Tax Justice (CTJ, Citoyens pour la Justice Fiscale), 41% des réductions fiscales iraient au 1% le plus riche de la population, et près des trois quarts seraient destinés aux 10% les plus riches. L’administration Bush est très satisfaite de cette approche. Mais les riches ne pourront pas dépenser assez de leurs bénéfices pour avoir un effet stimulant significatif. LA LUTTE DES CLASSES DU PARTI RÉPUBLICAIN Les choses sont un peu plus complexes au Sénat. Les républicains y ont proposé des réductions d’impôts encore plus importantes pour les riches, et dont CTJ estime que plus de la moitié irait au 1% le plus riche. Contrairement à la Chambre, cependant, les républicains n’ont pas obtenu assez de voix pour faire passer leur amendement. Les démocrates ont, contrairement à leur habitude, émis quantité de critiques. Jim Jordan, directeur du Comité de la campagne démocrate au Sénat, a déclaré au New York Times qu’il était stupéfait de constater “ à quel point les républicains peuvent aller pour prouver qu’ils sont le parti des riches et des entreprises ”. Les républicains taxent ce genre de discours de “ lutte des classes ”, comme si leurs propres schémas de pensée n’entraient pas dans ce cadre.. Les riches paieront une part moindre du budget gouvernemental, et tous les autres paieront plus. Les démocrates ont proposé jusqu’ici d’augmenter les dépenses de sécurité intérieure, de couverture maladie pour les salariés licenciés et d’allocations chômage, mais rien qui n’aille pas dans le sens de la lutte des classes, ni probablement qui ressemble à un stimulus économique. Et les démocrates favoriseraient eux aussi des réductions d’impôts sur les entreprises. Si le “ plan républicain ” aboutit, les riches paieront une plus petite part des dépenses gouvernementales – y compris celles liées à la guerre – et tous les autres devront payer plus. Il n’est pas suffisant que les salariés perdent leur emploi, par centaines de milliers. La seule bonne nouvelle est que les deux partis s’entendent pour verser à ceux des plus pauvres qui ne remplissaient pas les conditions pour obtenir l’avoir fiscal de 300 dollars cet été, un chèque du même montant. Malheureusement, ces avoirs n’avaient pas eu beaucoup d’effet stimulateur : il semble que les bénéficiaires aient placé leur chèque en épargne ou l’aient utilisé pour liquider des dettes plutôt que le dépenser. Cette tendance à épargner en temps troublés est exactement la raison pour laquelle les dépenses gouvernementales directes devraient représenter une part importante de l’enveloppe destinée à donner un coup de pouce à l’économie. Que devrait comprendre une telle enveloppe ? En voici quelques éléments : une extension et un allongement de la couverture chômage (seulement 47% des chômeurs en bénéficient aujourd’hui, contre 75% dans les années 1970) ; une relance de la politique de répartition des revenus, abandonnée sous Reagan, pour accorder des aides aux Etats qui souffrent d’un fort déclin de leurs revenus en raison de la récession ; une aide à la compagnie ferroviaire Amtrak, pour promouvoir des transports économes en énergie et proposer une alternative à l’avion ; et des réductions d’impôts (plus généreuses que 300 dollars !) pour les ménages à revenus faibles et moyens. Malheureusement, les formations qui devraient se battre pour un tel ensemble de mesures, comme l’AFL-CIO, ont majoritairement abandonné la lutte. Doug Henwood est éditeur de The Left Business Observer www.leftbusinessobserver.com un magazine économique et politique |
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