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Le terrorisme d'État et les droits de l'homme

vieuxcmaq, Monday, December 10, 2001 - 12:00

Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) Le marxiste-léniniste quotidien (pmlq@aei.ca)

Maximum 150 mots qui serviront pour présenter votre texte ainsi que pour le mode de recherche.

Publication: LML QUOTIDIEN VOL. 31 NO. 219
DATE: 12/10/2001

Titre: Défense honorable de l'État de droit: Le
terrorisme d'État et les droits de l'homme: du
juge Ajit Singh Bains
Nous reproduisons ci-dessous le texte de la brochure écrite en
1992 par le juge Ajit Singh Bains Le terrorisme d'État et les
droits de l'homme. À la lumière des lois antiterroristes
présentement adoptées par le parlement canadien qui accorde
l'impunité au Cabinet et à la police, il est important que les
Canadiens et les Canadiennes prennent position à la défense de la
primauté du droit et reconnaissent les dangers que les nouveaux
arrangements font planer sur la société.
La brochure du juge Bains a été écrite à partir de la prison
de Burail, à Chandigarh, en Inde, où il a été incarcéré après son
enlèvement le 3 avril 1992 aux termes de la loi anti-terroriste
de l'Inde, la Terrorism and Disruptive (Prevention) Act (TADA).
Il est important de noter que des Canadiens et Canadiennes qui
vivaient en Asie, en Afrique du Sud ou ailleurs où on a institué
des lois «anti-terroristes» dans le passé sont très inquiets de
ce qu'il voient au Canada aujourd'hui. Ils rappellent que ces
lois n'ont rien fait pour combattre le terrorisme et qu'au
contraire elles ont conduit à d'horribles crimes, conséquences de
la terreur d'État qu'elles autorisent.
La brochure Le terrorisme d'État et les droits de l'hommeest publiée par l'Association des groupes d'études progressistes
indiennes, New Delhi et New York, 1992. On peut l'obtenir en
communiquant avec le Centre national de publication, B.P. 313,
succursale «A», Ottawa ON K1N 8V3; (613) 565-0505; n...@igs.net.
* * *
Note de l'éditeur
Nous sommes heureux de présenter au public cet éloquent
essai à la défense des droits de l'homme et de l'autorité de la
loi.
Le juge Ajit Singh Bains se passe de présentation, comme
juriste ou comme défenseur des droits de l'homme. Son plaidoyer,
présenté avec beaucoup de dignité, à la défense de l'autorité de
la loi dans une société où l'absence d'une jurisprudence
civilisée se fait grièvement ressentir, que ce soit par les
Pendjabis ou les Assamais, ou les travailleurs de Bhailai et
Dalla, est surtout une exposition du processus par lequel les
sociétés s'enfoncent dans le marais de l'anarchie et de
l'illégalité et du rôle fondamental qu'y jouent les
gouvernements.
L'essai est d'autant plus remarquable qu'il a été écrit
derrière les barreaux de prison, où languit l'auteur depuis son
arrestation, il y a trois mois, en vertu de la Loi sur la
prévention du terrorisme et des activités déstabilisatrices
(TADA). Le lecteur aura certes l'occasion de voir combien
malicieuses sont les accusations de «sédition» et de
«sécessionnisme» portées contre le juge Bains. Vous verrez
comment il a su renverser les rôles, même dans l'adversité.
L'Association des Groupes d'études progressistes indiennesNew Delhi et New York 10 juillet 1992
Historiquement, le mot terrorisme fait allusion à l'usage de
la terreur comme méthode pour saper des luttes légitimes, armées
ou non armées. L'État y recourt de différentes façons, dont deux
de triste notoriété. La première consiste en l'usage direct et
sans discernement de la terreur contre la population, comme les
tueries dans les faux affrontements, la torture dans les postes
de police et les centres d'interrogatoire, l'extorsion par
l'arrestation, les menaces d'emprisonnement ou de viol, et divers
autres actes violents. Par ailleurs l'État finance des organismes
spécialisés, non gouvernementaux, qui font de l'intimidation par
différents moyens, comme les attentats à la bombe, les
enlèvements, les détournements et les tueries aveugles. Dans ce
dernier cas le but est de créer un climat d'anarchie et de
violence pour parvenir à convaincre le public, à bout de
frustration, que l'État a raison de recourir à la violence et à
la répression.
CRIMES ET SANCTIONS
Lorsqu'une personne privée tue une autre personne, elle
commet un crime, reconnu comme tel dans tout pays civilisé. La
loi agit contre l'auteur du crime. Tout pays ayant un
gouvernement constitutionnel et démocratique possède un code
criminel qui prescrit des sanctions pour chaque infraction. Mais
ce qui est très angoissant dans le monde aujourd'hui est la
prédominance de gouvernements qui nient à leurs citoyens les
droits de l'homme fondamentaux et qui, souvent, recourent au
terrorisme contre eux.
Les gouvernements dictatoriaux privent habituellement la
citoyenne et le citoyen de son droit à la vie et à la liberté,
soit par des lois, soit par des instructions informelles à des
officiers ou à des organismes. D'un point de vue strictement
légal, lorsqu'un officier reçoit l'ordre de tuer un suspect en
détention provisoire, il est protégé par la loi parce qu'il ne
fait qu'obéir à une autorité supérieure et par conséquent ne
tombe pas sous le coup de la loi. Il s'ensuit qu'un officier de
loi peut très facilement transgresser le droit à la vie et à la
liberté, comparé à un citoyen particulier qui doit réfléchir à la
fois au châtiment que lui réserve la loi et à celui que lui
réserve l'adversaire dont il a l'intention de violer les droits.
Dès que le citoyen privé tue et enfreint l'intégrité
physique d'une autre personne, il commet un acte criminel. La loi
peut être invoquée contre lui immédiatement et habituellement la
victime n'a pas besoin d'entamer les poursuites légales pour
faire juger l'auteur du crime selon la loi. La loi consiste
essentiellement à traduire en justice la personne qui a commis un
acte criminel pour qu'elle soit punie conformément aux sanctions
établies.
En théorie, lorsqu'un représentant du gouvernement commet un
acte illicite, la loi le punit au même titre qu'un membre du
public. Malheureusement, les actes criminels d'un gouvernement
sont difficiles à détecter puisque dans la routine le
gouvernement agit par l'entremise d'officiels et de
fonctionnaires. Dans la plupart des cas, le fonctionnaire ne fait
qu'obéir aux ordres de ses supérieurs qui nourrissent des
arrière-pensées ou des intérêts particuliers. En ce vingtième
siècle, les atteintes aux droits des citoyens de la planète ont
été commis dans une grande mesure par les gouvernements.
La procédure criminelle en Inde contient une section
archaïque qui exige l'autorisation du gouvernement pour entamer
des poursuites judiciaires contre un fonctionnaire. Puisque le
fonctionnaire accusé commet habituellement son crime suivant les
ordres de ce même gouvernement, il est facile de voir pourquoi
l'autorisation est souvent refusée. Récemment on est allé jusqu'à
adopter des lois accordant l'immunité aux forces paramilitaires
et militaires du Pendjab et du Jammu-et-Cachemire contre toute
poursuite judiciaire pour des crimes commis «dans le cours de
l'exécution du devoir».
En théorie, personne n'est au-dessus de la loi et quiconque
commet un acte illégal doit être puni. La loi est au-dessus de
tous, peu importe la position occupée dans la hiérarchie
étatique. Ce caractère essentiel de la loi est une protection
pour tous ceux qui veulent mener une vie normale. Les sanctions
et la protection sont des traits essentiels de la loi, mais
lorsque l'État ne fait pas preuve d'impartialité dans
l'administration de cette protection, l'autorité de la loi est
mise en péril. Se placer au-dessus de la loi en raison de sa
position dans l'État ou agir comme si un individu ou un groupe
d'individus sont au-dessus de la loi conduit à l'élimination de
l'autorité de la loi.
CE DONT SE PRÉOCCUPENT LES ORGANISMES DES DROITS DE L'HOMME
L'État est une entité légale qui a le devoir de protéger ses
citoyens et les organismes de défense des droits de l'homme font
en sorte qu'il agisse et se comporte conformément à la loi.
Autrement, c'est le fondement du régime démocratique qui est en
péril.
Les personnes privées ont peu de pouvoir. Même le plus grand
des brigands est limité par une durée de vie relativement courte,
mais lorsque l'État devient une institution du crime, son but est
de se maintenir à perpétuité. Par conséquent, les organismes des
droits de l'homme se préoccupent généralement des agissements de
ces gouvernements et de leurs représentants qui échappent à
l'application de la loi. Lorsqu'un citoyen fait du mal à un autre
citoyen, des poursuites peuvent être immédiatement entamées en
vertu du Code pénal. Lorsqu'un officier enfreint la protection
constitutionnelle à laquelle a droit son concitoyen en le
torturant dans un poste de police, il est rarement poursuivi
parce qu'il le fait en vertu de son devoir légal d'interroger un
suspect.
Aux mains de gens sans scrupules, même l'État le plus
démocratique et le plus humain peut devenir oppresseur,
tyrannique et dictatorial. C'est alors l'autorité de la loi qui
en souffre. Les organisations de défense des droits de l'homme se
préoccupent de préserver une société ouverte, ce qui exige que
tous observent la loi. Le fonctionnaire d'État a autant le devoir
d'obéir à la loi que le citoyen privé. Il est donc impérieux pour
un gouvernement qui désire conserver ce pouvoir suprême
d'administrer la justice et de maintenir la loi et l'ordre de ne
jamais enfreindre la loi, voire de ne jamais être perçu comme
enfreignant la loi. Rien ne saurait être plus préjudiciable à la
loi et l'ordre que le sentiment que ceux chargés de maintenir la
loi et l'ordre en sont des violateurs et se comportent de façon
non moins criminelle que ceux qu'on appelle légalement criminels
et qu'ils doivent par conséquent juger conformément à la loi.
Les gouvernements n'apprécient guère les groupes de défense
des droits de l'homme qui ont la tâche délicate de superviser
leurs agissements. Lorsque munis d'un pouvoir et d'une autorité
statutaires, les êtres humains ont tendance à se comporter comme
des dieux, voire comme des dieux tyranniques.
Le comportement arbitraire de gens au pouvoir est
l'expérience pratique dans de nombreux pays, et celui qui les
expose risque de devenir victime du pouvoir d'État. Le plus grand
reproche que l'on fait aux organisations des droits de l'homme
est qu'elles se soucient davantage des droits des prisonniers et
des suspects que de ceux de leurs concitoyens menacés par ces
prisonniers et suspects dont les droits de l'homme sont ainsi
garantis. Mais c'est une critique qui frôle l'absurde parce que
c'est à l'État qu'appartient le devoir d'attraper et d'enfermer
les criminels, pas aux organisations des droits de l'homme. Ces
dernières ont pour mandat de voir à ce que le suspect une fois
arrêté ait droit à un traitement conforme à la loi. Il serait en
effet ridicule de demander aux groupes terroristes de traiter
leurs victimes conformément à la loi!
Le gouvernement astucieux réussit à faire croire au public
que les groupes de défense des droits de l'homme ne sont rien
d'autre que des organisations bidons servant de refuge aux
groupes terroristes, puisque les défenseurs des droits de l'homme
soutiennent que ceux que les autorités considèrent comme des
terroristes et des extrémistes doivent avoir la possibilité de
prouver qu'ils ne sont pas ce qu'ils sont soupçonnés d'être.
LE RÔLE DE L'ENQUÊTEUR ET LE RÔLE DU JUGE
ET DU JURY
Traditionnellement, les avocats et les juges comprennent
aisément que durant la poursuite de criminels, il arrive souvent
que des innocents deviennent la cible des enquêteurs. C'est
pourquoi les systèmes judiciaires du monde entier sont conçus de
sorte que l'enquêteur ne soit jamais le juge. Des psychologues
ont conclu que l'esprit humain est apte à tirer des conclusions
hâtives et fonctionne par association. Dans la noirceur, l'homme
sensé peut se méprendre et voir un serpent au lieu d'une corde,
un homme en marche au lieu d'une ombre.
Partant de l'expérience et des découvertes en psychologie,
les sommités de la profession juridique ont su ériger un système
d'administration de la justice dans lequel un groupe de personnes
est chargé d'enquêter les actes criminels et d'en faire rapport à
une personne qui n'a pas eu l'occasion de conditionner son esprit
contre l'accusé.
Il est reconnu que l'enquêteur part de soupçons, lesquels
croissent avec l'arrivée de chaque nouvelle pièce à conviction.
L'enquêteur commence à croire que la personne qu'il a prise est
la bonne. Lorsque le dossier est exposé à une autre personne
étrangère à l'enquête, cette dernière peut faire un jugement
objectif et déterminer si l'accusé est l'auteur du crime ou non.
S'appuyant sur les témoignages et les preuves recueillis par
l'enquêteur, il prononce son jugement de culpabilité ou
d'innocence.
Ce faisant, l'accusé ayant reçu un traitement équitable,
s'il est condamné à une peine quelconque, ce sera avec le
consentement de la société. Il est considéré comme un criminel et
sa sanction est vue comme étant dans l'intérêt de la société. Et
habituellement le criminel est condamné à une peine de prison
pour qu'il puisse se réformer et comprendre que certains
comportements ne sont pas dans l'intérêt général de la société.
La loi confère à la police la tâche d'enquêter des suspects.
Le système judiciaire prononce son verdict après avoir donné à
l'accusé la chance de se défendre. D'où l'axiome de la justice
que l'accusé est présumé innocent jusqu'à preuve du contraire.
L'accusé peut être victime d'un coup monté, victimes des
circonstances, de médisances et de méchanceté. S'il faut en
croire l'expérience de la justice indienne, il arrive trop
souvent que l'accusé est victime d'un coup monté, d'où la
nécessité d'une méthode judiciaire permettant de déterminer la
culpabilité de l'accusé.
La sagesse convient qu'il n'est pas souhaitable qu'un
officier, sincèrement convaincu de la culpabilité d'un individu,
aussi éclairé soit-il, soit autorisé à lui infliger une sanction.
La raison en est que l'esprit humain a tendance à jouer des tours
et qu'un esprit conditionné a souvent tort.
RELÂCHEMENT DES SAUVEGARDES
Habituellement le terrorisme d'État s'attaque en premier à
ce pilier de la recherche de la vérité. Lorsque confrontée à des
difficultés, l'agence d'investigation soutient qu'il est
impossible de traquer les criminels sans relâcher les sauvegardes
habituelles pour une certaine période et sans pouvoir assumer à
la fois le rôle de juge et jury. Ce relâchement finit par saper
ce qui reste de l'autorité de la loi. En Inde, le conseil
informel aux forces armées de «ne vous occupez pas de la loi, il
ne vous arrivera rien» est one pratique établie. Sans la
discipline de la loi les hommes armés ne tardent pas à devenir
pires que les criminels qu'ils sont supposés pourchasser.
Les organisations des droits de l'homme veulent que les
représentants du gouvernement agissent conformément à la loi,
tout comme ces derniers l'exigent des citoyens. Les organisations
des droits de l'homme s'inquiètent lorsque le gouvernement
réclame l'adhésion à la loi en paroles alors qu'en pratique ses
propres agissements amènent ses officiels à croire qu'ils sont
au-dessus de la loi. Ils en viennent à croire qu'en raison de
circonstances politiques et de nécessités, ils peuvent brimer les
droits des citoyens sans craindre de subir des sanctions. D'où le
besoin d'avoir des organisations de défense des droits de l'homme
qui interviennent lorsque le gouvernement essaie de se placer
au-dessous de la loi.
Une autre raison pour laquelle les organisations des droits
de l'homme s'adressent d'abord aux gouvernements est que les
gouvernements sont les seules entités qui peuvent, avec force de
loi, retirer des droits aux citoyens. Un citoyen privé ne peut
priver un autre citoyen de ses droits sans craindre de sanction
judiciaire. Or, le gouvernement peut le faire, ce qui rappelle le
proverbe de Saint-Augustin: «Enlever la justice et les grands
royaumes ne sont plus que de grands brigands.»
LE RÔLE DE L'ÉTAT ET DES GOUVERNEMENTS
Les organisations des droits de l'homme présupposent que les
États sont légalement constitués, gérés par des êtres éclairés et
sensés et munis du pouvoir et du droit d'infliger des sanctions
et de maintenir des corps d'hommes armés pour le maintien de la
loi et de l'ordre et pour sévir contre les terroristes et les
autres criminels. C'est pour cette raison que les organisations
des droits de l'homme adressent leurs griefs à l'État et ses
gouvernements. Elles considèrent que les gouvernements peuvent
être amenés à la raison et elles font une distinction entre les
gouvernements et les terroristes.
La raison d'être du gouvernement est de protéger ses
citoyens et de sévir contre ceux qui menacent la vie, la liberté
et le bien-être de l'ensemble des citoyens. Lorsque la ligne de
démarcation disparaît entre l'acte terroriste et le gouvernement,
les organisations des droits de l'homme n'ont pas d'autre recours
que d'exposer les méfaits du gouvernement. Lorsqu'un
fonctionnaire du gouvernement se comporte en terroriste, il
devient plus dangereux que le terroriste puisque la loi agit
contre le terroriste mais pas contre un fonctionnaire qui décide
de faire sa propre loi. Si les dirigeants du gouvernement
ordonnent à leurs subalternes de désobéir à la loi, alors
l'appareil judiciaire n'a plus de sauvegarde.
C'est pourquoi les organisations de défense des droits de
l'homme deviennent cruciales, soit pour freiner les actions
illégales du gouvernement. Par contre, ce gouvernement s'efforce
de stigmatiser les organisations des droits de l'homme et ceux
qui militent en leur sein en disant qu'ils ne se préoccupent que
de défendre les droits des prisonniers et des suspects et pas du
public en général. Inversement, le gouvernement justifie la
négation des droits de ceux soupçonnés de terrorisme en invoquant
leur souci pour les droits des citoyens en général.
QUI SONT LES TERRORISTES?
Qui sont les terroristes? Vous et moi qui, par hasard,
pourrions être accusés de terrorisme par un représentant de la
police. C'est pourquoi il est important de déterminer la vérité
au sujet des suspects. En effet, un suspect ne doit pas être
appelé terroriste avant que le bien-fondé de sa culpabilité ne
soit établi. Des dissidents politiques, comme ceux qui ont
combattu des régimes fascistes dans plusieurs pays, ont été
qualifiés de terroristes et pourchassés parce qu'ils ont protesté
contre des gouvernements terroristes. Il faut donc être très
prudent avant de conclure qu'un suspect est un terroriste.
Il est très rare que les organisations des droits de l'homme
ne réclament pas des sanctions contre les terroristes. Les bandes
terroristes sont par nature proscrites par la loi et c'est à
l'État que revient la responsabilité des les poursuivre, de les
soumettre à des enquêtes et de les déférer en justice. Il est
toujours plus prudent de pendre un terroriste lorsqu'on a des
preuves vérifiables de sa culpabilité que d'exécuter un homme et
de poser les questions ensuite. Les organisations des droits de
l'homme veulent que les terroristes soient pris, mais elles ne
veulent pas qu'un homme soit traité comme un terroriste s'il est
un activiste politique ou un leader tribal, ou parce qu'il a fait
sienne une cause impopulaire, ou n'est pas aimé de certains
propriétaires fonciers ou certains hommes d'affaires.
La lutte armée par une partie de la population, grande ou
petite, contre le gouvernement qui est colonial ou totalitaire en
essence, ou qui fait fi des désirs du peuple, n'entre pas dans la
catégorie qu'on définit comme terroriste. Lorsqu'on a épuisé tous
les recours à la justice, le peuple se voit obligé de prendre la
voie de la lutte armée et cela devient un choix très populaire.
La lutte armée n'est pas quelque chose de nouveau; il y a eu de
nombreuses luttes armées dans l'histoire contemporaine, de la
Guerre d'Indépendance américaine de 1776 et la Révolution
française de 1789 à la guerre mondiale antifasciste et aux luttes
de libération des peuples du Vietnam et de l'Indochine. Cet acte
de libération ne saurait être identifié au terrorisme. Le
terrorisme et l'emploi d'agents provocateurs sont des méthodes
développées par les tsars de Russie. Ces derniers mobilisaient
l'appareil étatique, y compris des policiers en civil et des
organismes non gouvernementaux, pour se livrer à des attaques
terroristes comme moyen de contrer les efforts pour le changement
révolutionnaire. Les techniques modernes de contre-insurrection
mises au point dans plusieurs parties du monde en ce vingtième
siècle comprennent la méthode qui consiste à provoquer le peuple
pour faire naître en son sein le doute, la méfiance et la panique
pour qu'il en vienne à accepter les mesures de répression
violente. En Inde aussi il y a eu de nombreux cas de lutte armée,
mais on ne saurait qualifier ces luttes de terroristes.
Au sens strict, le terrorisme est un acte d'intimidation
dirigé contre des innocents, un acte qui menace la vie, détruit
la propriété, brime la liberté et crée des tensions. Cet acte
condamnable n'est pas un acte de libération réalisé par la lutte.
Son but est de saper la lutte pour une cause juste et de laisser
la population en proie à des attaques de l'État. Tout acte de
violence, armé ou non, dirigé contre des individus innocents,
menace le succès de la lutte pour une cause juste. L'acte
individuel de violence contre la population sous prétexte de
lutte armée pour une cause juste est inacceptable. Les
combattants de la libération utilisent des méthodes de lutte qui
ne causent pas de tort à des innocents ou à leur cause et qui
sont approuvées par le peuple. Lorsque des objectifs politiques
peuvent être atteints par la lutte armée, ceux qui manient cette
arme doivent faire preuve de grande responsabilité envers le
peuple. Ils doivent gagner le peuple à leur cause par la lutte et
se garder de lui faire quelque mal.
Durant la deuxième moitié du vingtième siècle, des dizaines
de luttes armées en Asie, en Afrique et en Amérique latine ont
conduit à la libération nationale. La lutte armée et la guérilla
sont maintenant acceptées comme méthodes légitimes de lutte pour
la liberté là où toutes les autres méthodes échouent. La lutte du
peuple en Afrique du Sud contre le régime raciste ne saurait être
qualifiée de mouvement terroriste. Elle s'est gagné l'appui de
l'opinion publique mondiale dans son effort grandiose pour
démanteler un régime immoral.
La violence pour atteindre un objectif politique n'est pas
justifiable si cet objectif peut être atteint par d'autres
moyens, telles les protestations pacifiques et les élections.
Mais lorsque l'État crée un climat de violence et substitue la
dictature aux méthodes démocratiques, le recours à d'autres
méthodes de lutte est universellement reconnu comme justifiable.
La lutte armée devient alors une épreuve de force entre le régime
impopulaire et les masses qui réclament un pouvoir populaire. Ce
ne sont pas les organisations des droits de l'homme qui font ce
choix. Ces dernières peuvent tout au plus observer et noter le
choix populaire.
LE TERRORISME D'ÉTAT
Lorsque, dans toute société, se produit un acte violent plus
atroce qu'un crime ordinaire et qualifié de terroriste, la
tentation est grande de vouloir exécuter les suspects sans leur
donner la chance d'un procès impartial sous prétexte qu'un
terroriste ne mérite pas les sauvegardes habituelles prévues par
le code criminel.
Ce mouvement de réflexe vers l'adoption de stratégies
totalitaires pour contrer le terrorisme, aussi destructrices
soient-elles, a peu de chance de réussite. Cette attitude
nonchalante à propos des principes de la démocratie conduit à la
même erreur que les terroristes qui, eux, ne manquent pas
d'arguments pour justifier leurs fins et leurs moyens. Non
seulement la répression sans discernement est-elle incompatible
avec les valeurs que nous tentons de protéger, mais elle rend
tout rapprochement extrêmement difficile, sinon impossible.
Une lutte armée pourrait en effet être étouffée par un
système de gouvernement dictatorial, qui recourt à une violence
sans retenue contre le peuple. Mais alors ce gouvernement ne
ferait que réaffirmer les conditions terroristes initiales qui
avaient poussé à la lutte armée.
Le groupe plus grand avec un statut officiel n'est pas plus
juste que le petit groupe sans statut officiel; par conséquent,
pour gagner la solidarité et le coeur du peuple, il faut que,
dans sa poursuite des terroristes, le gouvernement agisse
conformément aux procédures établies. Il est devenu pratique
courante pour des gouvernements de qualifier certaines personnes
de terroristes et de les exécuter sans attendre la tenue d'un
procès qui pourrait faire la lumière sur leur culpabilité ou leur
innocence. La personne peut ainsi être qualifiée de terroriste
par simple antipathie ou parce que la police trouve plus commode
de déclarer une affaire close en exécutant le suspect qu'elle dit
ensuite «responsable de la mort de 100 ou 200 personnes». Le
terrorisme peut être vaincu si les droits de l'homme de tous ceux
accusés de terrorisme sont respectés et défendus. Un terroriste
exécuté sans procès devient un martyr pour une certaine partie de
la population.
LA CRIMINALISATION DE LA POLITIQUE
En 1961 la Commission européenne de la protection des droits
de l'homme et des libertés fondamentales a soutenu que même si le
demandeur est un «terroriste» de l'Armée républicaine irlandaise
(IRA), décrite comme une organisation se livrant à des activités
destructrices, l'État irlandais n'en a pas moins la
responsabilité d'observer les dispositions de la Convention
concernant les arrestations arbitraires et la détention sans
procès. Dans toute société il y a une couche d'éléments criminels
se livrant au trafic de la drogue, à la contrebande, à la vente
d'arme et à différents crimes. Cette criminalité, restreinte mais
omniprésente, est répandue et revêt un caractère politique
lorsqu'une partie considérable de la population est mise en marge
de la société. Mais tant qu'existent des méthodes légales de
redresser les torts, le terrorisme, aussi noble que soit son but,
finit toujours par fusionner avec le crime. Dans la plupart des
cas, l'État se sert de cette couche criminelle pour s'en prendre
au peuple, comme on le présume dans le cas des massacres de gens
de religion sikh à Delhi et ailleurs en 1984. Le régime en
Afrique du Sud et d'autres régimes semblables sont connus pour
leur utilisation de méthodes criminelles. L'utilisation du crime
organisé, comme la mafia, en est un autre exemple. Lorsque l'État
et ses gouvernements criminalisent la politique de cette façon et
encouragent le terrorisme, c'est l'anarchie et la violence qui
dominent. Cela est très dommageable pour le peuple.
Pour atteindre son objectif, le terroriste a besoin d'armes.
Il se procure des armes par la contrebande, ce qui nécessité
certaines sommes d'argent. Il obtient cet argent par le vol, la
vente de drogues et la pratique de l'extorsion. Il se développe
ainsi des rapports complexes entre les mafias de la drogue, les
contrebandiers, les criminels et les terroristes. Petit à petit,
si l'État combat le terrorisme sans porter atteinte aux droits de
l'homme, les terroristes s'engouffrent dans le monde de la
drogue, de la contrebande et du crime. Ils perdent toute
crédibilité aux yeux du public et c'est l'État qui gagne la
sympathie de la population en prouvant qu'il ne pratique ni
n'approuve le terrorisme sous quelque forme.
La situation devient tragique lorsqu'il devient apparent que
l'État se livre lui-même à la violence et à la terreur comme
politique pour réprimer les luttes pour des causes justes. Il
perd le droit d'accuser de terrorisme ceux qui recourent à la
lutte armée pour établir une méthode de gouvernement plus
conforme à la loi. D'où le besoin de définir le terrorisme d'État
comme étant le fait d'un gouvernement qui agit sans respecter la
loi et qui ne cherche pas l'approbation ou l'aide de la
population pour gouverner. Il devient une source d'argent,
d'armes et de formation pour les criminels qui sont ensuite
lancés contre la population, causant souffrances et misères. Dans
ce cas, le terrorisme prend la forme d'un culte et certains
terroristes revêtent l'auréole du martyr. Ces terroristes peuvent
être perçus comme des champions de la cause populaire ayant pris
les armes. Puis le terrorisme se répand petit à petit, conduisant
à l'anarchie et à la violence et causant des souffrances sans
nom, comme en témoignent plusieurs régions de l'Inde aujourd'hui.
Dans ces conditions surgissent ceux qui croient que le
renversement de l'État est nécessaire pour mettre fin à
l'anarchie et à la violence. L'insurrection ne peut plus alors
être refrénée par la répression, ce qui donne lieu à une épreuve
de force entre le peuple et les gouvernements tyranniques.
LES MEURTRES ET LES ENLÈVEMENTS
Jusqu'à présent au Pendjab l'État a suivi la méthode
terroriste. Des innocents sont enlevés dans des véhicules non
identifiés par des hommes armés de la police et ne comparaissent
devant aucun tribunal. Beaucoup sont déclarés morts suite à des
«affrontements» truqués et les corps ne sont pas rendus aux
familles. On interdit les cérémonies funéraires. Des centaines
d'hommes sont portés disparus. C'est le cas notamment de Ram
Singh Biling, un journaliste militant pour la cause des droits de
l'homme qui a été enlevé par la police le 3 janvier 1992 dans le
district de Senneu

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