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La Patrie, on s'en fout!

vieuxcmaq, Thursday, June 21, 2001 - 11:00

Nicolas Phébus (nicolasphebus@yahoo.com)

Texte d'un tract diffusé par une vingtaine de piqueteurs antifa le 20 juin dernier à Québec.

LA PATRIE ON S'EN FOUT!

Pourquoi manifestons nous aujourd'hui devant l'hôtel Royal Williams? D'abord, en ce moment, à l'intérieur, se tient une conférence ayant pour thème " Patriotisme et Souveraineté " durant laquelle un fasciste notoire, Jean-Claude Dupuis, prendra la parole. Ensuite, y'en a marre du nationalisme, ethnique ou civique, et que nous pensons qu'il est temps de revendiquer l'autonomie des mouvements sociaux.

Il faut démasquer l'extrême-droite,
Même quand ce sont nos "alliés" qui l'invitent!

La conférence de ce soir est organisée par des gauchistes, des gens avec lesquels certains d'entre nous militent depuis des années, ce qui n'est pas une raison pour ravaler notre haine du fascisme et notre opposition de principe aux idées qu'il véhicule. On nous a dit qu'on avait invité Jean-Claude Dupuis en sachant très bien qu'il s'agissait d'un homme de droite et d'un partisan du nationalisme ethnique. En fait, semble-t-il que c'est même précisément pour ça que le personnage fut invité, afin de faire un "bon débat". Si c'est le cas, alors il est irresponsable de la part des organisateurs de le présenter de façon neutre, comme si ce n'était qu'un conférencier comme un autre (après tout, Serge Roy et Paul Cliche sont assez connu tandis que Jean-Claude Dupuis est un parfait inconnu). On aurait au moins pu dire qui il était ou quels avaient été ces engagements passés, au lieu de le présenter comme un simple historien.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que "M." Dupuis n'est pas n'importe quelle sorte d'historien... Il s'agit quand même de l'ex-rédacteur en chef des Cahiers Jeune Nation, la principale revue théorique du fascisme québécois des années 1990! Ce n'est quand même pas anodin. N'est-il pas légèrement dangereux de mettre de telles idées et un tel engagement politique sur un même pied que ceux d'un Serge Roy ou d'un Paul Cliche, comme s'ils étaient aussi valables? Nous pensons qu'il y a un risque de normalisation des idées d'extrême-droite si on les introduit de façon banale dans le débat démocratique. D'ailleurs, il faudrait se questionner sur l'opportunité d'inviter ainsi des fascistes et des militants d'extrême-droite à "discuter" avec nous (Ne leur donne-t-on pas une crédibilité qu'ils n'ont pas?). Nous pensons qu'à chaque fois que de tels personnages prennent publiquement la parole, il est de notre devoir de les dénoncer et de manifester contre leurs idées. D'où la présente ligne de piquetage.

À la question sociale,
Pas de solution nationale!

Ceci dit, il y a d'autres questions qui forment matière à débat pour les rédacteurs de ce tract (et là, il n'est pas certain que les autres piqueteurs soient d'accord avec nous). La première, et la plus évidente, c'est la pertinence de la question nationale et du nationalisme dans une perspective de transformation sociale. En effet, alors que certains gauchistes fondent leur activisme sur la question nationale comme moteur de la transformation sociale, nous sommes plutôt d'avis qu'elle est actuellement un frein et qu'elle joue clairement un rôle conservateur.

Première étape, nous remettons en cause l'existence de l'oppression nationale au Québec. Qu'on nous prouve que les QuébécoisES sont plus exploitéEs et / ou oppriméEs parce que QuébécoisES (les autochtones, on veut bien, mais les québécoisES?). Pour nous, si la question pouvait se poser en terme "marxiste léniniste" avant la révolution tranquille, il nous semble clair que le Québec a déjà fait sa "révolution bourgeoise", qu'il est maintenant doté d'une "bourgeoisie nationale" -qui prend même des airs "impérialistes" à l'occasion (voir les QuebecorWorld, Bombardier et autres SNC-Lavalin) - et qu'il ne "nous" manquerait plus que l'indépendance politique formelle (qui n'est même pas à l'ordre du jour des nationalistes). Certains gauchistes à qui nous avons posé la question nous ont rétorqué que l'oppression nationale du Québec se traduisait par le fait que le peuple québécois n'était pas indépendant et n'avait pas en main tous les leviers politiques. Or, quel peuple aujourd'hui peut réellement se dire indépendant???

D'autre part, nous nous demandons s'il y a bien une "nation québécoise". Et, si c'est le cas, peut-être pourrait-on nous expliquer comment ça se fait que tout le monde "se reconnaisse" depuis belle lurette dans des comics américains comme "les Simpsons" et "les Pierre-à-feu"? Les partisans du " nationalisme civique ", pourrait peut-être également nous expliquer comment ce dernier pourra dépasser sa contradiction " ethnique " si la majorité de ceux et celles qui ne sont pas " blancs, francophones et catholiques " ne se reconnaissent tout simplement pas dans leur version de la " nation québécoise "? Si notre belle "société distincte" se limite au fait de parler français, d'être né ou de vivre sur un territoire nommé Québec, et d'avoir un background catho, alors permettez nous de vous dire que ça ne nous intéresse pas fort. Et qu'on ne nous écoeure pas avec la "culture québécoise"!

Finalement, il faudrait voir quel rôle joue la question nationale dans les mouvements sociaux. Il y a belle lurette qu'elle sert essentiellement à attacher les mouvements à un appareil politique bourgeois (le PQ). Pas besoin de rappeler les problèmes liés à cela, problèmes tellement évidents qu'il y en a de plus en plus à dire tout haut que ce serait "plus facile" pour les luttes si c'était un gouvernement libéral qui dirigeait à Québec. D'autre part, face à Ottawa, le fait que l'on soit en présence de "deux solitudes" a toujours facilité la tâche du pouvoir. Qu'on pense aux luttes ratées contre l'ALÉNA, la TPS, la réforme Axworthy ou, plus récemment, la lutte contre la réforme de l'assurance-chômage, toutes sabotées à cause des intérêts supérieurs PQ ou à cause de l'absence de liens réels avec le "Canada anglais".

Pour nous, l'idée de nation et de libération nationale est une construction sociale, essentiellement un projet politique (une volonté " d'être ensemble "). Cette idée, ce projet, nous le rejetons parce qu'il a toujours servi à camoufler sous les " intérêts de la nation " les intérêts de la bourgeoisie et parce qu'il sert de " passerelle " entre des gens aux intérêts sociaux, politiques et culturels diamétralement opposés. La question nationale nous divise entre nous, donne le leadership politique de nos luttes à une autre classe (les intellectuels et les petits-bourgois) et ne nous apporte plus rien.

[En plus, ça nous mène à des alliances politiques plus que douteuses, voir le panel d'aujourd'hui!]

Pour l'autonomie des mouvements sociaux
Contre le réformisme et l'électoralisme

Une autre question, périphérique à toutes celles soulevées par cette conférence, c'est la question de l'autonomie des mouvements sociaux, du réformisme comme projet politique et de l'électoralisme. En effet, on parle beaucoup ces jours-ci de l'Union des forces progressistes dans laquelle pourrait s'intégrer autant des partis que des mouvements sociaux. Et bien, disons le clairement : nous sommes radicalement contre!

Que les militantEs se regroupent sur des bases spécifiques, forment des organisations politiques, va. Mais qu'ils mettent en danger l'autonomie des mouvements sociaux, ça ne va plus. Les mouvements sociaux, même les plus sclérosés, n'ont rien à faire dans l'arène politique parlementaire. Leur terrain de lutte, c'est le social. Non pas qu'ils ne peuvent ou ne doivent pas faire de politique, simplement qu'il ne devrait jamais s'inféoder à qui que ce soit (sauf à leur base!). La force d'un syndicat ou d'un groupe populaire c'est de regrouper tout le monde, peut importe leurs opinions politiques, sur une question précise afin d'organiser la lutte sociale. Si l'organisation prend une couleur politique spécifique, ne risque-t-elle pas de s'aliéner une partie de sa base et partant, d'affaiblir sa lutte?

D'autre part, le mouvement social est toujours plus fort sur son propre terrain, autonome. On ira toujours chercher plus en construisant un rapport de force social large qu'en s'abaissant à aller jouer dans la fausse aux lions politique. Plutôt que d'essayer de se présenter aux élections et de se faire élire au parlement (ce qui a peu de chance d'arriver), ne ferions-nous pas mieux de faire la guerre aux candidats bourgeois et de la continuer une fois qu'ils sont élus? Il semble que ce soit pas mal plus porteur de victoires sociale, non? La pression de la rue fera toujours plus que la pression de quelques députés "de gauche" dans le parlement...

D'ailleurs, qu'est-ce qui nous prouve que les dits députés vont rester de gauche? On n'a pas eu assez d'exemples et d'expériences qui nous prouvent que non? Le PQ, le RCM, le RP, ça vous dit pas quelque chose? "La gauche" est au pouvoir dans de nombreux pays comme la France, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne, dans certains, comme la France, il y a même des députés "communistes", est-ce que ça change de quoi? Non, au contraire, ça nous désavantage! Parlez en aux gauchistes françaisES!!! Allez voir sur les sites indymedia de France ou d'Angleterre, voir si ça leur facilite la tâche d'avoir la gauche au pouvoir!!!

Choisi ton camp camarade,
Nous avons choisi la liberté!

La lutte quotidienne nous force à lutter côte à côte avec des gens qui ne partagent pas toutes nos convictions et ce n'est que normal. Nous sommes bien prêt à discuter avec pas mal de gens, en autant qu'ils ne soient pas trop compromis et qu'ils soient sincères. Ceci dit, aujourd'hui nous nous posons de sérieuses questions… En effet, si on voulait un bon débat, pourquoi le faire " entre nationalistes "? En organisant des conférences à 15$ l'entrée, avec qui veut-on débattre? Pas avec " notre monde " en tout cas, parce que c'est clair que rendu le 20 juin, il ne nous reste plus 15$ pour aller " débattre ".

Dans la vie, il faut faire des choix, comme par exemple dans quel camp on se situe. Nous avons choisi celui des éternels vaincus, celui des opprimés et des exploités. Nous ne sommes pas " simplement " antifascistes, nous le sommes parce que nous sommes révolutionnaires. Nous savons pertinemment que c'est le capitalisme qui engendre l'autoritarisme dans sa version soft nationaliste ou hard fasciste. Nous refusons ce monde car nous avons choisi le camp de la liberté.

Nous n'aurons que ce que nous prendrons!
Notre vrai pouvoir est dans la rue!

des anarchistes, 20 juin 2001

Encadré 1

Quelques citations pour bien situer la " pensée " de Jean-Claude Dupuis (extraits d'articles et d'éditoriaux qu'il a écrit pour les " Cahier Jeune Nation ") :

"Notre nationalisme est culturel, historique et ethnique. " (#6, octobre 1996)

" Les journaux ont affirmé que le Cercle Jeune Nation avait des sympathies pour le Front national de Jean-Marie Le Pen. Ce fait est exact, mais il faut préciser que nous n'importons pas nos idées politiques de France. "

" Dénatalité, immigration incontrôlée, éclatement de la famille, effondrement moral, criminalité galopante, taxation excessive, bureaucratie paralysante, abêtissement culturel, autodestruction de l'Église, nullité des chefs politiques et religieux, tel est le portrait du Québec contemporain. Actuellement, la nation canadienne-française est, par sa propre faute, menacée de disparition. C'est le prix de l'apostasie, le sort de tous les peuples qui refusent d'obéir à Dieu. " (#12, juin 1995)

" Je suis catholique et je crois, comme Mgr Paquet, que notre peuple a une mission providentielle, la mission de témoigner de la Vérité en Amérique du Nord. Cette mission, Dieu nous l'a confiée; nous sommes libres de l'accomplir ou non, mais Dieu ne nous l'a pas retirée. Son Église traverse actuellement la pire crise de l'histoire. Mais nous savons par les messages de la Bienheureuse Vierge Marie à la Salette et à Fatima que cette crise est temporaire. L'Église connaîtra à nouveau un éclatant triomphe, qui est peut-être pour bientôt. Le Christ lui a promis l'éternité. Par ailleurs, nous savons que l'Église s'incarne dans les réalités temporelles, et notamment dans les nations. Ne pourrait-on pas croire que les nations qui restent fidèles à l'Église ont également promesse d'éternité? Or la nation canadienne-française fut créée pour propager la foi. Le grand nombre de saints issus de notre peuple sont là pour en témoigner. Il n'en tient qu'à nous de renouer avec notre mission providentielle, de confesser notre apostasie et de proclamer en notre pays le règne du Christ-Roi. La renaissance canadienne-française se fera ainsi, en se rattachant à la renaissance universelle de l'Église. " (#12, juin 1995)

" le Québec est en train de mourir, physiquement par la dénatalité et l'immigration, culturellement par l'américanisation, et spirituellement par la déchristianisation. " (#11 juin 1995)

Encadré 2

Pour une culture communautaire et révolutionnaire mondiale !

Notre commune volonté d'être souverains et souveraines, égaux et égales, nous engage dans la voie d'une insurrection continuelle contre toutes les formes de domination. Pour être libres dans notre pleine communauté mondiale, nous devons combattre jusqu'à leur extinction les États, le capitalisme, le patriarcat, le nationalisme (comme idéologie d'État qui se poursuit jusqu'à son extrême limite dans l'impérialisme national), le fascisme et les autres formes ainsi qu'idéologies d'oppression. Nous devons nous unir comme classe, travailleurs et travailleuses ainsi qu'autres êtres dominés et dominées, sur la base d'une révolution permanente contre nos asservissements. Nous devons lutter pour la réalisation d'un monde où tout (pouvoir politique, travaux, richesses économiques, cultures, fêtes, etc.) nous appartiendra, où nous y donnerons nos propres finalités et où nous nous partagerons ce tout entre nous tous et toutes. Bref, nous devons créer une société mondiale de partage entièrement égalitaire. Nous sommes obligés et obligées d'apprendre à célébrer souverainement la totalité de nos existences et de nos expériences d'une manière libre et solidaire.

Pour un monde communiste et libertaire pour tous les individus !
Contre toutes les idéologies et les formes de domination et d'oppression !



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