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Marche mondiale des femmes 2000. Contradictions onusiennes

vieuxcmaq, Sunday, June 10, 2001 - 11:00

Sébastien Gilbert-Corlay (sebgc@ziplip.com)

Le 17 octobre dernier, 13 000 militantes venues de partout à travers le monde se sont réunies devant les Nations unies à New York. Elles y ont présenté des revendications pour éliminer la pauvreté et la violence faite aux femmes. Elles ont aussi déposé non moins de quatre millions et demi de signatures. Mais, malgré le poids de leurs arguments et l’encre de leurs pétitions, elles se sont butées à une institution qui n’a pris aucun engagement.

Les Nations unies en ont profité pour réaffirmer leur soutien à l’économie de marché, car selon l’ONU, la mondialisation de l’économie telle qu’elle se pratique aujourd’hui est encore insuffisante. Est-il nécessaire de préciser que l’ONU, le Fonds monétaire international (FMI) ainsi que la Banque mondiale (BM), sont reliés entre eux par des accords de coopération ?

D’après Terri Brown, une porte-parole de la Marche, « les pays riches, plus particulièrement les pays du G7, doivent accepter la pleine responsabilité de la production, de l’aggravation et de l’augmentation de la pauvreté chez les femmes. Leurs politiques économiques, implantées par la BM, le FMI et l’Organisation mondiale du commerce (OMC), ont dévasté en particulier des communautés de femmes dans le Sud, le peuple autochtone, les Noirs et les personnes de couleur au Nord et au Sud. Nous rejetons ces politiques économiques et demandons une réelle transformation de la mondialisation, de l’ordre mondial économique, social et politique ».

La mondialisation insuffisante

À l’inverse, Louise Fréchette, l’adjointe au secrétaire général, la numéro deux des Nations unies, estime que « dans notre monde de plus en plus interdépendant, la voie la plus sûre consiste pour les pays à s’intégrer dans l’économie mondiale. Je pense en effet que les pauvres sont pauvres non pas parce que la mondialisation est excessive, mais parce qu’elle est insuffisante et parce qu’ils en sont exclus ».

Même jour, même lieu, même Louise Fréchette, discours différent : « Il n’y a pas de doute que les conséquences négatives de la mondialisation est une préoccupation très très largement partagée aux Nations unies. Il faut s’assurer que ce phénomène, qui est à bien des égards irréversible, ne mène à un élargissement des écarts entre ceux qui sont bien nantis et ceux qui le sont moins bien, entre les pays pauvres et les pays riches. »

Face à ces contradictions onusiennes, la gente féminine peut se réconforter ! Car, aux dires de Louise Fréchette, « la grande majorité des questions relatives au statut de la femme, aux violences faites aux femmes qui ont été soulevées au cours des présentations sont des questions qui sont débattues d’une façon ou d’une autre au sein des différents organes des Nation unies ». Des questions comme pourquoi près de 80 % des réfugiés à travers le monde sont des femmes ? Ou pourquoi près de 70 % des enfants à travers le monde qui n’ont pas accès à l’éducation sont des filles ?

Rien ne change

Les questions sont débattues et rien ne change. Est-ce à dire que l’ONU n’a pas de pouvoir d’action ? Toujours selon Louise Fréchette, qui nous explique la douce médecine onusienne, « quand on est frustré devant la lenteur des progrès, il faut se rappeler qu’il y en a quand même eu, et que ça reste encore la meilleure façon d’avancer nos objectifs. Ce qui est important, c’est que ce genre de questions soient sur la table, qu’on puisse en débattre. »

De toutes façons, ni Françoise David, organisatrice de la Marche mondiale des femmes, ni Suzy Rotjman, membre du Comité de liaison international, ne sont vraiment déçues de la rencontre, parce qu’elles ne s’attendaient pas à grand-chose. Selon Suzy Rotjman, « le discours de l’ONU est plus "soft" que celui de la BM et du FMI mais, cela dit, les membres participent au même processus ».

Limites

Pour les Nations unies, « c’est l’action aux niveaux national et local qui est essentielle. D’abord parce qu’il y a beaucoup de questions qui sont du ressort national ou même local. Et parce qu’il y a des limites à ce qu’on peut attendre des actions internationales ».

Mais alors, si l’action internationale est tant limitée, qu’arrivera-t-il de revendications mondiales qui dénoncent les paradis fiscaux, le secret bancaire, « une pratique antidémocratique qui contribue au vol légalisé », ou qui demandent l’annulation de la dette des pays du tiers-monde ? L’ambassadeur du Canada à l’ONU, Robert Fowler, nous propose un remède homéopathique applicable lorsque déjà très malade, un baume onusien constitué de belles paroles : « J’espère que le dialogue ici aujourd’hui se poursuivra dans l’avenir, en reconnaissant que le mot dialogue signifie autant écouter que parler. »

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