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Négociations entourant la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA)

vieuxcmaq, Sunday, June 10, 2001 - 11:00

Sébastien Gilbert-Corlay (sebgc@ziplip.com)

Si vous ne comprenez pas la teneur des débats qui doivent avoir lieu à Québec dans le cadre discret – et surtout très privé – du Sommet des Amériques, qui réunit les chefs d’État et de gouvernement de 34 pays de l’hémisphère, apparemment vous n’êtes pas seul ! Le ministre Pettigrew a déclaré à propos des textes qui seront dévoilés... après le sommet : " C’est bien trop préliminaire pour faire l’objet de discussion de la part des chefs de gouvernement et des chefs d’État, c’est beaucoup trop tôt ". Comme quoi le ridicule ne tue pas... C’est sans doute ce qu’on appelle un problème de transparence.

Pour Dorval Brunel, professeur au département de sociologie de l’UQAM depuis 1970 et ancien chef de cabinet du ministre des Affaires municipales, Pierre Laporte, il est clair que le processus de négociations n’est pas transparent " dans la mesure où il se fait dans cette splendide connivence entre gens d’affaires, chefs d’entreprises et chefs de gouvernement. [...] Mais, pour cet ancien journaliste de Radio-Canada, le plus grave, c’est qu’il n’y a pas de transparence dans les négociations de la ZLÉA, de même qu’il n’y en a pas dans la mise en œuvre de l’ALÉNA. "

D’un accord à l’autre, du pareil au même

Pas de transparence dans le processus d’application de l’Accord de libre-échange des Amériques (ALÉNA) et pas beaucoup plus en ce qui concerne le défunt Accord multilatéral sur les investissements (AMI). Un livre intitulé Lumière sur l’AMI, publié par le Monde diplomatique et l’Esprit Frappeur en 1998, affirme que " ceux à qui on a cherché à cacher l’existence de l’AMI sont les citoyens et leurs représentants. Car la négociation a été conduite par les gouvernements des pays membres de l’OCDE avec la plus grande discrétion et la volonté manifeste de maintenir leur opinion publique dans l’ignorance. Aucun gouvernement n’a informé les habitants de son pays, ni même leurs représentations parlementaires. "

La petite histoire se répète avec la ZLÉA et un gouvernement très proche du milieu des affaires qui refusait jusqu’à récemment de rendre publics les textes négociés en secret. Les gouvernements canadien et québécois répondaient qu’ils ne pouvaient dévoiler le contenu des négociations, le projet n’étant pas la propriété du seul Canada, mais aussi de ses 33 partenaires des Amériques. Maintenant que les 34 ministres du commerce ont accepté de rendre publiques les 900 pages des textes de la ZLÉA, lors de leur rencontre à Buenos Aires en Argentine il y a quelques jours, les citoyens devraient être, en principe, en
mesure de pouvoir enfin connaître le contenu de négociations entamées il y a sept ans. Mais les
procédures restent secrètes, et les textes ne seront pas disponibles avant la tenue du Sommet.

Par ailleurs, la transparence revendiquée par la société civile va plus loin que la publication de textes. Les citoyens veulent une place à la table de négociation. Pour l’organisme Transparency International dont l’objectif est de lutter contre la corruption, " secret rime avec corruption ". Et c’est sans compter le problème de traitement de l’information.

Copier/coller

Pour Normand Baillargeon, ancien chroniqueur au Devoir et professeur à l’UQAM, " les médias ont mis beaucoup trop de temps à comprendre la mondialisation et à expliquer ses conséquences ".
Dorval Brunel, renchérit en affirmant que les journalistes se limitent de plus en plus à faire des " copier coller " de communiqués gouvernementaux. Il n’y a plus beaucoup de travail d’investigation. Pour l’auteur qui prépare actuellement un livre sur l’intégration continentale, Mondialisation ou régionalisme, même s’il n’est pas possible de connaître l’état des négociations de la ZLÉA " directement, indirectement, on en a une bonne idée parce qu’il y a des comptes rendus qui sont faits. L’Unité de commerce de l’Organisation des États américains (OÉA) suit le dossier. Ces gens-là parlent, font des conférences. Il y a également les "
briefings " des gouvernements ". Le chercheur, qui a assisté à plusieurs de ces rencontres à la fois au Nord et au Sud, ajoute que : " On commence à avoir une bonne idée de ce qu’il y a sur la table. On sait notamment que, en gros, la vision de trois partenaires du Nord, le Canada, les États-Unis et le Mexique, c’est l’extension des normes ALÉNA que l’on connaît maintenant. "

Les partisans de la ZLÉA affirment qu’elle aura des effets bénéfiques pour tous les peuples des Amériques. Les dernières années ont pourtant démontré le contraire avec l’ALÉNA, dont le chapitre 11 élimine les mécanismes de réserve qui permettent à un gouvernement d’intervenir pour protéger certains secteurs comme l’environnement.

Mais du côté de ceux qui contestent les accords commerciaux et financiers comme la ZLÉA, des coalitions qui représentent plusieurs centaines de milliers d’individus, les arguments se multiplient, preuves à l’appui: privatisation, augmentations des inégalités, au niveau tant individuel qu’étatique, dommages à
l’environnement...

Contrôle des journalistes

C’est une compagnie privée de production canadienne qui aura la tâche de capter ce qui sera permis de filmer et qui redistribuera quatre sources vidéo à partir desquelles les médias s’alimenteront. Lors du sommet du G20, en octobre dernier à Montréal, les journalistes accrédités n’avaient accès à aucun débat et ils étaient confinés dans une salle garnie d’un buffet aux crevettes délicieuses et au saumon attentivement fumé. Y aura-t-il du champagne dans la salle de presse du Sommet des Amériques ?

Exergue :

Les dix dernières années ont vu la situation économique et sociale de la majorité de la population des Amériques se détériorer, comme en font foi les statistiques compilées par le programme des nations unies pour le développement. Le ministre des finances du Canada, Paul Martin, le reconnaît lui-même quand il déclare : " il est très clair que le problème de la mondialisation, c’est la disparition de la classe moyenne à
l’intérieur d’un pays. La mondialisation donne beaucoup d’autorité aux riches, mais elle précipite beaucoup de personne dans la pauvreté. La classe moyenne disparaît. "



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