Lettre adressée à Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec, visant à dénoncer sa position anti-solidaire lors du Sommet des Amériques.

Montréal, le 18 mai 2001

Madame Françoise David
Présidente de la Fédération des femmes du Québec
110, rue Ste-Thérèse
bureau 309
Montréal (Québec)
H2Y 1E6

Madame David,

On ne se connaît pas. Pourtant, depuis les événements du Sommet des Amériques on se reconnaît encore moins.

Vous êtes féministe? Nous aussi. On doit bien avoir un petit quelque chose en commun. Au fait, nous pensions que la Fédération des femmes du Québec se souciait avant tout de l'amélioration des conditions de vie des femmes. Est-ce que nous nous trompons, ou vous expliquez l'exploitation des femmes avec des termes comme patriarcat et capitalisme?

Nous pensons que quelques bonhommes s'enrichissent honteusement sur le dos des femmes et sur celui d'un gros paquet d'hommes et d'enfants. La mondialisation de la pensée économique néolibérale, on en a parlé au sommet des peuples comme étant une cause fondamentale de l'appauvrissement des pays du sud et des moins riches de nos sociétés. Le mur érigé à Québec pendant le rassemblement des décideurs politiques est, à notre avis, un parfait exemple de l'accroissement exponentiel des inégalités sociales. En ce sens, il fallait s'y opposer activement. Quelques uns l'ont fait, certains les ont applaudis et d'autres les ont accusés. Dans quel groupe vous situez-vous?

Vous ne faisiez pas partie des courageux et des courageuses qui résistaient devant le mur de la honte. On ne vous en blâme pas, d'ailleurs on ne vous y attendait pas. Vos positions étaient claires dès le départ, vous avez penché du côté de la force du nombre. C'est un choix respectable. Pourtant, qu'avez-vous fait alors que vous n'aviez nullement besoin de vous "dissocier" publiquement de ceux et celles qui ont voulu dénoncer autrement ce système basé sur l'exploitation et l'injustice? Qui aurait pu penser que la Fédération des femmes du Québec a planifié et organisé "l'attaque du mur"?

En vous alliant à ceux et celles qui ont classé ces actes dans la catégorie "violence", en opposition aux actes « pacifistes », vous avez, en quelques sortes, légitimé la brutalité policière et participé à la condamnation de ces militants et ces militantes. Violence! Quel beau thème galvaudé n'est-ce pas! À choisir entre, d'un côté une poignée de militants-tes qui s'attaquent à une clôture entourée par des milliers de policiers-ères armés-es jusqu'aux dents et, d'un autre côté des milliards de femmes, d'hommes et d'enfants esclaves de la loi du marché et qui voient leur planète s'effriter au rythme de l'éclair, elle est où la VRAIE violence ?

Finalement, comment pouvez-vous dénoncer les centaines de personnes qui ont tenté de faire valoir leurs droits de citoyens et qui se sont vus sauvagement repoussés du mur de la honte alors que vous-même l’avez traversé en toute immunité, et cela, comble de l’ironie, pour participer à l’émission « Droit de Parole »? Au nom de qui parliez-vous? Croyiez-vous faire l’unanimité chez les québécoises? En tout cas, vous savez maintenant que vous ne la faites pas.

Vous ne parlerez plus en notre nom.

Isabelle Catafard
Katia Cournoyer
Esther Filion
Louis Gaudreau
Nathalie Germain
Guylaine Joly
Julie Marcoux