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Plus fort que la matraque, l’arme médiatique

vieuxcmaq, Friday, April 27, 2001 - 11:00

Cédric Nox (spencer_max@hotmail.com)

Dans cet article nous présentons le point de vue selon lequel les forces policières se sont servis des médias comme d'une arme supplémentaire dans leur stratégie de répression des manifestations lors du Sommet des Amériques,
à Québec.

Provocation et intimidation

Il en fut abondamment question avant le Sommet, ériger un périmètre de sécurité constituait une entrave inacceptable aux droits fondamentaux d’expression et de manifestation. En fait, le périmètre, sous toutes les formes qu’il a prises lors de la tenue de ce sommet, fut bien plus que cela. Il s’est avéré être le point d’ancrage de l’ensemble de la stratégie policière et en particulier, de son utilisation raisonnée des médias.

En effet, une arme plus subtile que la matraque a joué un rôle tout aussi important dans les quelques jours de ce sommet : les relations publiques. Et cela a commencé longtemps avant la tenue du sommet par une campagne savamment orchestrée, d’intimidation et de provocation. On a pu lire ou entendre parmi les milliers d’articles et de reportages parus dans les journaux au cours des semaines précédant le Sommet :

« Sommet des Amériques: la GRC ne badine pas avec la sécurité » (TVA) ; « Au moins 6000 policiers seront en service au Sommet des Amériques afin d'en assurer la sécurité - au lieu des 5000 prévus à l'origine. Cet ajout d'effectifs confirme, une fois de plus, que les autorités s'attendent au pire. » (TVA) ; « La SQ planifie le pire pour le Sommet » (Le Nouvelliste)

Une campagne de relations publiques organisée et mise sur pied par les stratèges du gouvernement fédéral et des divers corps policier impliqués. Une campagne d’intimidation, visant à décourager certains manifestants potentiels de se rendre au Sommet ou à en effrayer d’autres. Et même le premier ministre Chrétien est aller jusqu’à dénigrer les manifestants et à minimiser leur impact sur quelque décision que ce soit : « Ils ne m’empêcheront pas de dormir», pouvait-on lire dans le Devoir.

Action

La stratégie policière utilisée à Québec rappelle les nouvelles stratégies militaires inaugurées par les forces de l’OTAN en Irak ou au Kosovo. Frappes chirurgicales, affrontements à distance, kidnapping des supposées têtes pensantes, limitation des corps à corps. Objectifs : limiter les blessés du côté policier et limiter les possibilités de bavures dont pourraient se complaire les médias. Les forces de l’ordre, afin de justifier leurs actions, ont mis tous les manifestants dans le même bateau. Le discernement n’était pas à l’ordre du jour du Sommet et il est évident qu’à la source des actions directes et des actes violents, l’intentionnel manque de jugement des policiers aura joué un rôle majeur.

Le périmètre grillagé fut dès vendredi rapidement entouré d’un second périmètre, plus pernicieux celui-là, un périmètre de gaz, de fumigènes et d’eau sous haute pression à l’intérieur duquel on risquait à chaque instant de se faire tirer dessus. Combien de manifestants pacifiques ont joué le rôle de cible humaine? Combien ont été gazés en raison de leur seule présence aux abords du périmètre de sécurité? Combien de ces manifestants pacifiques ont décidé de riposter aux attaques provocatrices dont ils étaient la cible? Qui peut les blâmer? Sur la place des Amériques, là où les réseaux de télévision filmaient en permanence, les bavures policières étaient soigneusement évitées. Mais dans les petites rues du quartier Saint Jean-Baptiste, où les balles volaient à profusion, où les appartements étaient gazés sans raison, là où les caméras étaient plus rares, les policiers avaient les coudées franches. Ils ont donc eu le beau rôle et justifiaient leurs actions musclées, qualifiées de « stratégiques » par les débordements provoqués dans le quartier Saint-Roch.

La violence commence là où l’autorité faiblit et la violence démontrée par les forces policières lors de cette fin de semaine est la conséquence logique de l’illégitimité du périmètre de sécurité et de cette réunion à huis clos de chefs d’états. Comme dans toutes les dictatures et les états totalitaires, le pouvoir, parce qu’il est illégitime est maintenu par un état policier répressif et violent.

Médiatiquement, des tirs de balles de caoutchouc, cela ne se voit pas et ne se photographie pas, des manifestants gazés, cela « passe » mieux que des manifestants matraqués.

Couronnement d’une stratégie de relations publiques! Dans les médias, on peut lire la satisfaction étatique du travail policier. Pour ceux qui ont eu la chance d’assister en direct aux scènes qui se sont déroulées à Québec, il est évident que les médias n’ont pas su jouer leur rôle et ont démontré leur asservissement à « l’establishment », auquel ils appartiennent de toute façon. «Le Québec a établi de nouveaux standards en matière de sécurité », clamait Serge Ménard, ministre de la sécurité publique.

En voilà un qui n’était pas à l’îlot fleuri dans la nuit de samedi à dimanche!
La démagogie du bouc émissaire

À lire les journaux, tous les manifestants ou presque étaient membres du Black Block. Les journalistes et représentants des médias ont joué à merveille le jeu des policiers et se sont fait prendre au piège par une stratégie de relations publiques visant à ériger la conscience sociale du public contre les actions des manifestants. On va même jusqu’à les traiter de « punks insignifiants » (JP Décarie, Journal de Montréal) de petits riches qui se plaignent le ventre plein, de jeunes énervés se gargarisant avec le mot démocratie dont ils viennent juste d’apprendre la définition dans le Petit Robert, une longue litanie d’insultes et de qualificatifs réducteurs et méprisants.

La stratégie de relations publiques comptait transférer le blâme en attribuant l’ensemble de la contestation à un bouc émissaire qualifié de violent. On termine là tout débat sur la quantité de malaise qui a pu réduire quelques individus à de telles extrémités.

Ce qui n’est pas passé

On peut citer en vrac quelques exemples des multiples facettes inspirées et créatives de cette mobilisation. Les fanfares joyeuses et festives et les non-violents radicaux (sit-in et chaînes humaines) qui se sont fait gazer de la même façon même à plusieurs centaines de mètres du périmètre. Le groupe des Deconstructionist Institute for Surreal Topology (et non Jaggi Singh pourtant accusé d’en être l’instigateur) qui a eu la géniale idée de fabriquer une catapulte géante qui pourrait envoyer des nounours en peluche au dessus du périmètre, des manifestants en carton insensibles aux gaz clamant leur slogan à l’intérieur même du périmètre.

Mais de cela, à la télévision, pas d’images. Ça ne faisait pas parties du discours des relationnistes du gouvernement et des corps policiers.

Pourtant ce qui était frappant à Québec, c’est l’impressionnant rassemblement de gens conscientisés aux effets négatifs d’une capitalisation à outrance des richesses naturelles et des individus. Mais dans la stratégie de nos bonzes de relations publiques, l’information se devait d’être synonyme de violence entre les 20 et 22 avril dernier.

Ce n’est pas nouveau, les médias sont les complices du pouvoir. Ce qui est nouveau c’est qu’il semble qu’à leur insu (?) le pouvoir s’en serve de plus en plus comme d’une arme permettant de préparer l’action, de passer à l’action et surtout de faire passer l’action.



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