Ce texte offre un bref aperçu des manifestations du weekend, accompagné de commentaires et d'une analyse exclusive.

Bilan des manifestations du Sommet de Amériques

Ce qui suit trace un bilan des manifestations du Sommet des Amériques en mettant l'accent sur les affrontements directs ayant eu lieu. Veuillez noter que ce texte fait omission d'une bonne part des événements pacifiques entourant de près ou de loin le Sommet des Peuples. Le sommaire des événements est suivi d'une analyse et de commentaires.

En chiffres

- nb. total de manifestants durant le sommet de Québec: 60,000 (comparé à 40,000 pour Seattle)

- nb. record de manifestants pour une seule activité: 30,000 (durant la marche des peuples)

- nb de manifestants pronant l'action directe non-violente: approx 1000 à 2000.

- nb. de manifestants ouvertements violents (du "Black Bloc"): approx. 60 (comparé à 150 à Seattle)

- Dépenses reliés à la sécurité: 100M$ (contre 9M$ à Seattle)

- nb. de policiers: 6000 (contre 1000-2000 (?) policiers à Seattle)

- nb. de manifestants blessés: approx 100 (légerement) chez les manifestants, et un blessé grave nécéssitant une opération chirurgicale à la suite d'une balle de plastique à la gorge

- nb. de policiers blessés: approx. 30 policiers blessés plus ou moins légèrement et 2 policiers gravement blessés (dont un ayant été frappé à la figure avec une barre de fer)

- nb. d'arrestations: 60 le premier jour (vend.) incluant les arrestations "préventives" à l'extérieur de Québec, et 320 le 2e jour (samedi) incluant quelques journalistes.

- Parmi les événements notoires, notons:

1) l'étrange kidnapping de Jaggi Singh (un militant supposément modéré);

2) la fermeture complète du Centre officiel des médias au plus fort des affrontements;

3) l'interdiction des masques à gaz (un précédent juridique?);

4) discipline et tactiques sophistiquées autant de la part des manifestants que de la part des policiers;

5) mobilisation de la presse alternative mondiale sur le Web, incluant la radio via Internet.

Sommaire des événements

Jeudi et vendredi:

- arrivée des manifestants, contrôles et arrestations aux frontières, fermeture du périmètre de sécurité à Québec dès vend. 15:00.

- première grande marche partant de l'U. Laval et se terminant au "mur de la honte". Une première brèche est ouverte dans la clôture sur une longueur de 100 pieds. Près de 3000 manifestants pacifiques et un petit nombre d'anarchistes sont présents, plusieurs entrent à l'intérieur du périmètre et font face aux policiers. Les policiers demeurent calmes puis dispersent la foule à l'aide de gaz avant d'avancer pour refermer le périmètre devant les provocations du Black Bloc.

- Jaggi Singh, un militant modéré, est enlevé en pleine rue par un groupe d'individus inconnus habillés en civil.

- en soirée, un rave s'organise dans la basse-ville sous l'autoroute Dufferin-Montmorency. Les anarchistes continuent d'harceler les policiers sur le périmètre pendant que d'autres occupent et bloquent l'accès à l'autoroute.

- vers minuit la police change de tactique et prend d'assaut l'autoroute, coincant une centaine de manifestants dont plusieurs échapperont aux arrestations en faisant une chute d'environ 25 pieds entre le tablier de l'autoroute et la falaise qui mène au rave tout en-dessous dans la basse-ville.

- vers 3:00 a.m. (sam.) les policiers utilisent le gaz pour disperser le rave, présumément afin de sécuriser la base et les piliers de l'autoroute pour le passage des convois officiels du lendemain.

Samedi:

- Les affrontements se continuent sur le front ouest du périmètre. Les manifestants bloquent le boul. René-Lévesque. Des groupes se sont attaqués à nouveau à la clôture du périmètre et ont réussi à ouvrir au moins une nouvelle brèche dans le secteur Ste-Geneviève et St-Jean. Un grand nombre de manifestants y tiennent un sit-in pacifique et sont délogés par l'escouade anti-émeute qui avance sur la foule et arrête ceux qui restent.

- Quelques incidents isolés sont aussi rapportés du côté de la terrasse Dufferin.

- La police adopte ensuite une stratégie de guerre urbaine en haute-ville et vide de façon imprévisible plusieurs zones à l'extérieur du périmètre de sécurité en arrêtant quiconque s'y trouve et en utilisant massivement le gaz ainsi que les fusils à balles de plastiques lorsque nécéssaire. Ainsi, pendant que les activitées pacifiques ont lieu dans la basse-ville, le quartier St-Jean-Baptiste est vidé de tout ceux qui s'y trouvent et qui sont dès lors susceptibles d'appartenir aux groupes d'action directe.

- La Côte d'Abraham et le boul. Charest deviennent les seules lignes de front discernables avec feux et barricades improvisées se poursuivant tard dans la nuit.

Dimanche:

- La marche des peuples réunit plus de 30,000 personnes et se déroule calmement dans la basse-ville sous la supervision et la sécurité des membres syndicaux. Pendant ce temps, la police poursuit sa tactique de guerre urbaine ainsi que l'utilisation de gaz en haute-ville et pourchasse les membres du Black Bloc jusque dans la basse-ville en annoncant qu'elle arrêtera désormais quiconque porte un masque (à gaz ou autre).

Lundi:

- Le calme revient partout.

- Marche pacifique à Ste-Foy. Aucun heurt n'est signalé.

- Nettoyage des zones de festivités et d'affrontements par différents groupes environnementaux.

- Quelques manifestants réclament la libération des leurs à l'extérieur de la prison d'Orsainville.

- Le reste des manifestants plient baggages et quittent la ville.

Bilan de la couverture de presse

"Mainstream media":

Au Canada, la couverture fut un mélange d'images d'anarchistes et d'affrontements policiers avec aussi quelques photos de dignitaires. Il n'y eut aucune couverture du contenu des ententes discutées durant la conférence, à l'exception d'un pacte énergétique Canado-américain et de la fameuse "clause démocratique" directement issue du bureau des "spin doctors" de la conférence.

- Côté éditorial, le dernier jour a laissé filtrer quelques points de vue sympatiques aux manifestants.

- À noter que la fermeture complète du centre des médias officiels durant la journée de samedi a entraîné des carences dans la couverture des événements.

Presse alternative:

- Comme par les sommets passés, Internet fut utilisé massivement pour la diffusion en continu et en temps réel, à la fois sur le web et par la radio en-ligne (voicestreaming). Les pointes de traffic ont causé quelques difficultés temporaires (notamment sur indymedia.org et CMAQ.net) mais la pluralité des sites et la dualité web-radio ont assuré l'efficacité globale de la diffusion.

- Bien que la couverture alternative fut supérieure à celle des médias traditionnels, d'importantes carences au niveau des analyses et des commentaires contribuèrent à propager des éléments de désinformation et des analyses faussées par un manque d'expertise et de perspective.
(Par exemple, on y répéta à maintes reprises que l'utilisation de gaz était une agression allant à l'encontre de la convention de Genève! Rien n'est plus faux: la convention n'interdit pas l'utilisation de gaz "incommodants" tels que le CS pour le maintien de l'ordre et ne régit pas, par ailleurs, l'utilisation policière à l'intérieur d'un état de droit.)

- En outre, les reproches de la presse alternative se concentrèrent sur l'utilisation massive des gaz, comme s'il s'agissait d'un acte de violence de la part des policiers. En réalité, pour un manifestant, l'utilisation de gaz peut être désagréable mais sûrement préférable à un coup de matraque dans les dents...

Couverture Post-Mortem:

- Au Québec, la couverture fut répartie d'une part entre les félicitations et éloges du ministre de la sécurité publique envers les policiers, et d'autre part entre les nombreuses plaintes et récriminations de la Ligue de droits et droits civils (qui offre par ailleurs très peu de crédibilité dans l'opinion publique étant donné le bilan des blessés très bas et le professionalisme incontestable des policiers.)

Bilan tactique et politique

- Les manifestants de plusieurs appartenances et groupes d'intérets sont restés unis derrière "la diversité des moyens". C'est ainsi que des groupes disparates tels des sndicats (CAW, FTQ, CSN), le Black Bloc et les groupes environnementaux purent agir de façon ordonnée et en toute cohérence, augmentant ainsi l'efficacité globale de la manifestation et favorisant du même coup le travail des policiers chargés d'identifier séparément les individus prônant l'action directe et la violence.

- La tactique policière s'est avérée efficace: ils ont acheté du temps en adoptant la ligne douce jeudi et vendredi, puis ont ensuite repoussé les affrontements à bonne distance en effectuant des mouvements rapides et imprévisibles à l'extérieur du périmètre de sécurité. Le bilan des blessés est extraordinairement bas, témoignant de la retenue des policiers dans l'usage de la force.

=> Compte tenu de la situation, c'est un miracle que le sommet se soit soldé par un bilan de sécurité si positif malgré toute l'opposition publique suscitée. Il est permis de penser que les élus y réfléchiront 2 fois avant d'approuver à nouveau la tenue d'un tel événement.

=> D'autre part, les forces politiques s'opposant à la mondialisation économique ont, pour la première fois au Canada, établi un rapport de force qui, s'ajoutant aux restes de notre démocratie, pourra peut-être ralentir et influencer le pouvoir financier néo-libéral.

The Urban Monk

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