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Le Sommet des Amériques et le Chiapas : comment s'assurer la mainmise sur les ressources énergétiques du Mexique

vieuxcmaq, Thursday, April 19, 2001 - 11:00

Richard Fecteau (rfecto@hotmail.com)

Le Sommet des Amériques et la ZLÉA comportent un objectif souvent tu : permettre aux États-Unis de s'assurer le contrôle des ressources en énergie de tout le continent. Le Chiapas, richement doté à cet égard, constitue une des cibles déguisées sous un accord de «libre-échange» où les perdants sont prévisibles...

La Déclaration de Québec rendue publique avant même le début du Sommet comporte une nouveauté dans l'intégration des marchés des Amériques. Dans l'article 13, au milieu d'autres mesures essentiellement cosmétiques, le document met de l'avant l'idée de l'intégration des marchés de l'énergie. Bien qu'aucune mention ne soit faite du cas spécifique du Chiapas, il est évident que les vastes ressources énergétiques de cet État sont lorgnées par Washington afin de compenser les manquements du secteur énergétique américain, le meilleur exemple du mensonge de la déréglementation.

Les enjeux réels de la guerre contre le Chiapas

Dans la rhétorique officielle des gouvernements mexicain et américain, le conflit au Chiapas est présenté comme une volonté d'assurer la stabilité du pays. Par stabilité, on entend ici mettre fin à toute forme de soulèvement armé. Une étude plus attentive nous révèlera toutefois que les vastes ressources en énergie de l'État le plus pauvre du Mexique constituent un des nerfs de cette guerre larvée.

Le Chiapas, en effet, contient environ 40 % des ressources hydroélectriques et la même proportion des réserves mexicaines de gaz naturel et de pétrole. Bien entendu, le gouvernement centralisateur de Mexico n'allait certainement pas laisser le soulèvement zapatiste remettre en question l'approvisionnement en énergie pour l'ensemble de l'économie nationale. La volonté d'en découdre avec l'EZLN s'inscrit ainsi dans une logique de contrôle des ressources vitales à une croissance économique qui, le Chipas l'illustre très bien, n'accorde que de maigres retombées pour les zones marginalisées du Sud mexicain.

Le marché de l'énergie aux Etats-Unis

Dans le cadre des discussions qui ont mené à la signature de l'Accord de libre-échange nord-américain, l'intégration des marchés énergétiques a constitué un des enjeux majeurs pour Washington qui lorgnait autant l'énergie hydroélectrique que pétrolière de ses deux voisins un peu naïfs. Le Canada est déjà dans une position désastreuse sur le plan énergétique. Avec l'ALÉNA, il s'est effectivement engagé à toujours maintenir la proportion de ses exportations dirigées vers le géant américain. Ainsi, il ne nous est plus possible de faire marche arrière et de privilégier les clients nationaux au détriment des importateurs américains, ce qui, bien entendu, menace notre sécurité énergétique.

Depuis l'ALÉNA, plusieurs états américains, notamment la Californie, ont complètement déréglementé le marché de l'énergie. Concrètement, cela signifie qu'il n'existe plus aucun mécanisme pour assurer la stabilité des prix et garantir l'approvisionnement du marché national. Le résultat fut un désastre et les prix font du yoyo depuis cette décision douteuse qui, bizarrement, ne profite à personne, pas même les producteurs eux-mêmes. Comme beaucoup de gens l'ignorent, ces initiatives néolibérales se font à sens unique et le retour en arrière est à toute fin pratique impossible : d'une part, cela contreviendrait aux obligations enchâssées dans l'ALÉNA. D'une autre, cela constituerait surtout une reconnaissance de l'illusoire stabilité qu'aurait dû assurer d'obscures forces du marché.

Sécurité énergétique aux Etats-Unis, instabilité continentale

Afin de compenser la menace d'une rupture des approvisionnements, afin aussi de réduire la dépendance aux importations de pétrole en provenance du Moyen Orient, Washington compte maintenant sur la ZLÉA pour verrouiller le processus et de mettre toutes les ressources énergétiques du continent à la disposition de ses industries énergivores et de ses consommateurs gaspilleurs. Il est donc à prévoir que la lutte pour le contrôle du Chiapas, même si elle prend des formes plus subtiles, se poursuivra. Les Américains feront tout en leur possible pour sécuriser leur approvisionnement; si ce n'est pas en achetant carrément le secteur énergétique mexicain, ce sera sans doute en ayant recours à leur marionnette préférée du continent, Vicente Fox, le président du Mexique.

Avec la ZLÉA, l'énergie devient donc une ressource comme toutes les autres. Désormais, les gouvernements du continent seront esclaves des besoins de leurs voisins et ne pourront plus mettre en place de politiques énergétiques et environnementales dignes de ce nom. Alors que George Bush vient tout juste de déchirer l'accord de Kyoto, une question s'impose : une fois le libre-échange coulé dans le béton, comment les gouvernements des pays du continent pourront-ils contraindre leurs consommateurs les plus irresponsables de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre ? Poser la question, c'est y répondre…

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