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Éclipses d'Apocalypse

vieuxcmaq, Sunday, April 22, 2001 - 11:00

Charles Carrier (sharl-a-c@globetrotter.net)

Description lyrique du contre-sommet. Réflexions sur la professionnalisation du militantisme et sur le rôle de l'anarchisme. La musique tribale, la danse et les chants. Exhortation au changement.

Je m'étais toujours demandé si j'étais seul à espérer qu'un monde meilleur soit possible. Bien sûr, je savais qu'il y avait d'autres gens étranges qui osaient rêver, mais, jusqu'à hier, je ne savais pas à quel point nous étions nombreux. Québec, le samedi 21 avril 2001, 12h30, quittant ma maison pour aller rejoindre les troupes qui étaient déjà en route pour prendre le Mur d'assaut, je n'aurais pas pu croire que je ne reviendrais jamais dans ma demeure... du moins, pas dans cette demeure que j'avais connue, car l'Apocalypse allait se faire connaître dans la Cité. En fait, le Siège du Périmètre d'Exclusivité était beaucoup plus symbolique que réel, car une fois que la Grande Muraille de la Cime, érigée pour repousser les barbares, fut mise à bas, personne ne tenta d'atteindre le Sommet des Amisriches. Au plus se contenta-t-on d'occuper l'espace. Symboliquement. Jusqu'à ce que les agents de l'ordre établi reviennent à la charge. C'est donc dire que l'océan de manifestants se comporta comme n'importe quel océan. Des vagues, certaines grandes et fortes, d'autres douces mais tenaces, s'élancèrent contre le Symbole de l'Exclusion, allant et venant au gré des vents lacrymogéniques qui créèrent tant de remous. Toujours, dans cette vision d'affrontement sans fin, l'on pouvait apercevoir les êtres sombres masqués et déterminés se ruer sur les projectiles fumi-gênants et s'emparer de ces serpents crachants un déstabilisant venin pour les retourner à l'expéditeur sans timbre-poste, hurlant d'audace comme des démons drapés des fumées de l'enfer. Et chaque fois, en hommage à leur courage, la communauté manifestive entonna l'hymne primal de la révolte. Oui ! la révolte ! Alors que ceux qui semblent diriger s'enfermaient dans leur tour d'ivoire et croyaient pouvoir nous faire avaler la pilule du doux commerce, la population fit volteface !

Deux constats théoriques s'imposent ici. Il est souvent question de la professionalisation de la classe politique dans la modernité. Comme quoi être politicien serait devenu un métier... Il faudra maintenant parler, en cette ère d'hypermodernité, de professionnalisation du militantisme. Ceux-ci sont débarqués ici prêts à tout, équipés pour affronter n'importe quoi. Ils savaient ce qu'ils venaient faire. Merci mille fois à tous ces militants venus d'un peu partout pour avoir exprimé les craintes tacites de bien des gens. Ces militants ont permis à ceux qui ne pouvaient être là de se faire entendre. Merci aux messagers ! S'il y a une chose vraiment intéressante à ce printemps de Québec, c'est la chance donnée aux peuples de se faire entendre de quelque manière que ce soit, autant pacifique que radicale. Merci aussi aux anarchistes qui ont fait en sorte que l'évènement soit pris au sérieux. L'heure est grave et, bien qu'il soit intéressant de manifester avec une gerbe de fleur dans les mains et des chansons d'amour aux lèvres, il faut aussi faire comprendre aux élites que nous sommes aussi sérieux que la situation le commande. L'autre constat, donc, est que les anarchistes sont toujours présents, depuis des décennies et des décennies, lorsque l'heure est grave. Bien que les différents anarchismes soient des mouvements plus que des groupes organisés, toujours les anarchistes sont là pour servir la cause d'un monde meilleur. Ils représentent la force du militantisme. Ils n'ont pas froid aux yeux et, même si ils ne savent pas toujours conserver leur sang-froid, on se doit de rendre hommage à leur détermination, car ce sont eux qui démontrent que nous n'entendons pas à rigoler. Contrairement à ce que M. Chrétien peut en penser, à savoir que « ce type de comportement [...] de la part de petits groupes d'extrêmistes est contraire à tous les principes démocratiques », les actions constatées durant cette fin de semaine représentent un principe fondamentale de la démocratie, la possibilité de se faire entendre alors qu'aucun dispositif officiel ne le permet. En un sens, c'était le plus beau des référendums, sans question, sans pourcentage, sans recomptage. Ceci étant dit, retournons donc à notre récit.

Lorsque la nuit fit que le semblant d'ordre qui régnait dans la Cité sombra dans les états les plus primaires, les feux s'allumèrent et les barbares dansèrent. Partout dans la cité, aussi bien dans l'agressivité que dans le calme, chacun dansa et chanta au son percutant du cuir, du plastique et du métal qui se mélangèrent pour former une chaosphonie tribale et revendicatrice. Que ce soit autour de feux dépassant l'imaginaire où dans les cercles intimes de bougies allumées pour repousser l'obscurité de l'ignorance, les humains s'abandonnèrent aux rythmes païens, tantôt techno, tantôt lascif et ils n'eurent de cesse d'évoquer le grand esprit, la vrai nature de l'humanité, de cette humanité bâillonnée. Si du haut de leur Sommet, les dirigeants croyaient tout ordonner, la plèbe avait conquis la sombre-sombre vallée. La Cité nous appartenait. Une manière pour nous de reprendre le pouvoir à ceux qui se le sont arrogés avec une arrogance hautaine, condescendante et complaisante. L'aristocratie hypermoderne n'a qu'à bien se tenir, voici venu l'heur tant attendu. L'heure de l'Apocalypse est arrivée, qui selon son étymologie, renvoit à l'idée de dévoilement, de révélation. À Québec, en ce printemps d'avril du nouveau millénaire, la vrai nature humaine s'est RÉVÉLÉE ! Ce n'est pas seulement la neige qui a fondue, mais la paralysie des peuples ! Le soleil et la lune ont DÉVOILÉ au monde élitiste que l'humanité n'entendait pas se laisser mener à l'abattoir en bêlant veulement et bêtement. La RÉVÉLATION du primat populaire s'est fait entendre. Aller porter la bonne nouvelle, vous qui êtes venus de partout. Laissez savoir au monde entier que même si les grandes utopies se sont écroulées, les utopistes rêvent toujours, et leur rêves peuvent être la réalité de demain. En ce dimanche de fin de sommet, le vent se lève, les bourrasques sont fortes, elles emportent l'odeur des gaz et risquent d'emporter l'ordre établi que celle-ci représente. Ce n'est qu'une question de temps et d'effort. Ce n'est pas tant le poivre de cayenne qui nous a monté au nez, mais toute cette atmosphère perfide. À BAS LA TYRANNIE DE L'INTÉRÊT ! À BAS LA TYRANNIE DU CALCUL, DE LA PENSÉE UNIQUE ET DE LA FOURBERIE ! PLACE À LA MAGIE, À LA COMPASSION ET AU DÉSINTÉRÊT !



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