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Mondialisation, impérialisme, ZLÉA.vieuxcmaq, Thursday, March 29, 2001 - 12:00 (Analyses)
Rémi Bachand (lagriculture@hotmail.com)
Depuis déjà quelques années, les groupes dits de gauche se mobilisent contre la mondialisation. Seattle, Washington, Nice, Davos... Cette lutte se déplacera en avril 2001 à Québec afin de manifester contre la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) qui concrétiserait, tout nous le porte à croire, un élargissement géographique de l’ALÉNA.Pour plusieurs, ces manifestations se feront, elles aussi, au nom de la lutte contre la mondialisation. Or, ce terme est-il vraiment celui qui doit être utilisé par la gauche dans sa lutte contre les inégalités caractérisant notre époque? Nous ne le croyons pas. Ce texte suggère en effet qu’il est erroné de mener la lutte contre la mondialisation et que le vrai objectif devrait plutôt être la chute du capitalisme et de l’impérialisme. 1- La mondialisation. Il y a lieu, tout d’abord, de polémiquer contre un premier mythe concernant la mondialisation, celui qui affirme que ce processus est récent. D’aucuns, par exemple, voient la naissance de ce phénomène au moment où le Président Nixon a abandonné le système d’étalon-or où une once d’or valait invariablement 35 dollars américains. Cette analyse a le défaut pervers de détacher complètement la soi-disante mondialisation du mode de production capitalisme, mode de production existant depuis 3, voire 4 siècles et qui est le vrai porteur des injustices ciblées par la gauche "anti-mondialisation". Cette critique évacue toute possibilité de faire une analyse critique intégrant une alternative extrinsèque au capitalisme. Une telle vision des choses, une critique de la dynamique économique et sociale depuis 1973 (d’autres parlent des années 80) seulement mène directement à revendiquer l’ordre sociale prévalant avant cette période, ordre social dit de l’État-providence. Or, cet ordre social, justement, est le fruit d’une conjoncture portant principalement trois éléments (un militantisme fort porté, entre autre, par l’apogée jusqu’à maintenant historique, des groupes d’extrême-gauche; la présence d’une alternative socio-économique, l’URSS et la Chine -à l’époque revendiquant vraiment un mode de production socialiste-; et l’idéologie économique keynésianiste dominante à cette époque dans les hauts lieux de l’impérialisme) dont le retour est, à court terme à tout le moins, des plus hypothétique. L’État-providence n’eut, après la seconde Guerre mondiale, comme fonction que de sauver le capitalisme, entre autre contre ces groupes d’extrême-gauche révolutionnaire qui faisaient de la chute de ce mode de production leur credo. Et cet objectif keynésien a été atteint! Le retour à l’État-providence (souhait réformiste s’il en est un) ne serait possible que dans l’optique où la bourgeoisie et l’État-bourgeois se sentiraient à nouveau menacés. La cause (cette menace envers le capitalisme) et l’effet (un retour à l’État-providence) remplis, le danger d’un retour en arrière planerait toujours au dessus de la tête des militants, telle une épée de Damoclès, dès que le pouvoir politico-économique sentirait la menace se dissiper! La lutte pour la survie devrait donc être continuelle pour la gauche et les damnés de la terre. Or, la vérité sur la naissance de la mondialisation est différente. En Amérique, la mondialisation a été graduelle certes mais a commencé dès la colonisation, en 1492. À cette époque, on assistait principalement à la mondialisation des biens (sucre, café, or, cuivre, argent et autres métaux en Amériques, esclaves (!) En Afrique). On voyait dans les colonies des bassins de matières premières. Plus tard, à partir de la révolution industrielle, et jusqu’à, disons, l’entre-guerre, ce sont les investissements directs qui se sont "mondialisés". (Lénine explique bien le phénomène dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme). À partir de ce moment là, et jusqu’à la chute du mur de Berlin, ce fût plutôt les investissements spéculatifs qui se sont "mondialisés". Conséquences: krach boursiers en 1989, puis par la suite, crises mexicaine, asiatique, brésilienne... Nortel et compagnie. Depuis cette chute du bloc de l’est, ce sont les services qu’on cherche à "mondialiser". Assurances et services juridiques évidemment; santé, éducation, services sociaux dans les prochaines années spéculent certains. La mondialisation n’est donc pas récente. En Amérique, elle tire ses racines de Christophe Colomb. Nous devons maintenant démystifier une seconde assertion des groupes de militants "anti-mondialisation". Celle qui postule la perte de la souveraineté de l’État. Or, cette souveraineté, dans l’État bourgeois, n’a toujours été que souveraineté bourgeoise. Pourquoi le peuple devrait-il se battre pour défendre la souveraineté bourgeoise de son État-bourgeois "national"? Les militants "anti-mondialisation", en apportant cet argument, ne font que souhaiter un retour à l’État-providence, discuté ci-haut par ailleurs, où l’État instaurait des programmes d’aide social afin de calmer l’appétit de ses damnés afin de les détourner -temporairement- du chemin historiquement inévitable de la révolution. Nous avons expliqué plus haut pourquoi ce retour en arrière était improbable, sinon non-souhaitable. Nous devons donc dès maintenant cesser de défendre la souveraineté bourgeoise de l’État bourgeois et revendiquer, enfin, une vraie souveraineté démocratique populaire extrinsèque à l’État bourgeois que nous connaissons actuellement! La mondialisation n’est, finalement, qu’un cadre juridique mis sur pied par les États-bourgeois afin de justifier une prise de position politique claire en faveur de la bourgeoisie. Il s’agit de convaincre la population que le parti-pris en faveur de la bourgeoisie (baisse des impôts signifiant le désinvestissement dans la santé, la privatisation de l’éducation et les coupures dans l’aide sociale; mise en place de mesures d’employabilité visant d’abord et avant tout à augmenter l’armée industrielle de réserve et ainsi, exercer une pression à la baisse sur les salaires; code du travail permettant aussi facilement la sous-traitance; augmentation si lente du salaire minimum; les exemples ne manquent pas) est obligatoire à cause de la mondialisation. Mais quels sont les soit-disants "acteurs" de cette mondialisation? L’ALÉNA, l’OMC, le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE (dont les seuls membres sont des États, les seuls membres influents, des États bourgeois) et les firmes transnationales... la bourgeoisie monopoliste impérialiste. La mondialisation, disions-nous, n’est qu’un cadre juridique mystificateur mis en place par les États bourgeois. Cessons donc de nous battre contre l’effet (la "mondialisation") et battons nous contre la cause (l’État-bourgeois), ce serait plus logique et surtout plus utile! Ces deux mythes dégonflés, attaquons nous au concept principal: la mondialisation. La mondialisation est un concept mis sur pied par la droite afin de détourner les attaques de la gauche de ses cibles habituelles: le capitalisme et l’impérialisme, issus tous deux de la lutte de classes. La mondialisation et un concept de droite, inventé par la droite, utilisé par la droite. Sémantiquement parlant, être contre la mondialisation, c’est être contre le commerce capitaliste international, mais aussi contre l’immigration, la solidarité entre les peuples, les échanges universitaires... les voyages. La lutte contre la mondialisation est une lutte protectionniste et réactionnaire. Les militants "anti-mondialisation" savent bien (je l’espère!) Que d’un point de vue sémantique, ils ne luttent pas contre la mondialisation mais contre un autre concept, contre une réalité qui allie le partage du monde par les capitalistes, la domination du monde par ces derniers, la maximisation des taux de profits et la prédominance hiérarchique d’un droit (celui dit de la propriété privée) sur tous les autres droits humains, etc. (contre la lutte de classes finalement!). Mais en se qualifiant de militants "anti-mondialisation", ils se montrent au grand public sous un jour protectionniste et réactionnaire, alors qu’ils sont tout le contraire (du moins pour la majorité d’entre eux!). 2- L’impérialisme. Le concept à utiliser devrait-être, selon nous, celui d’impérialisme. Afin de convaincre nos lecteurs de la pertinence de celui-ci, nous n’allons pas utiliser de façon dogmatique les définitions élaborées par les classiques marxistes que sont Luxembourg, Boukarine ou Lénine. Nous allons utiliser certains points apportés dans l’analyse du dernier, mais nous allons en ajouter certains qui sauront, espérons-le, être convainquants. La première caractéristique de l’époque actuelle, qui est aussi utilisée par Lénine, est celle de la division du monde entre les différentes puissances impérialistes. Comment ne pas voir le bloc économique qui se forme autour du Japon en Asie de l’est, l’ouverture rapide de l’Europe à l’est et la ZLÉA comme étant la preuve de cette idée. Les impérialistes sont jaloux de leurs bassins de main d’oeuvre et de matières premières, ainsi que de leurs marchés. En Amérique par exemple, jusqu’à quel point pouvons-nous voir la ZLÉA comme étant une réaction américaine aux accords de libre-échange entre l’Union européenne et le Mexique d’une part, le Mercosur d’autre part? Une "doctrine Monroe", 175 ans plus tard! Cette division du monde entre impérialistes permet l’exploitation quasi-exclusive des zones "néo-colonisées" de la part des puissances impérialistes. André-Gunder Frank explique, notamment dans Développement du sous-développement, l’importance de la dialectique économie endogène-économie exogène dans la dynamique développement-sous-développement. Selon lui, le sous-développement est le résultat de l’imposition à un pays d’une économie exogène, c’est-à-dire d’une économie basée sur les besoins d’autres pays, de marchés extérieurs finalement, à l’opposé à une économie exogène qui se développe en fonction des marchés intérieurs. Ainsi, les États-Unis, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Canada (ces quelques arpents de neige) sont aujourd’hui des anciennes colonies développées parce qu’en tant que colonies, ils ont eu un contact moins intense avec la métropole que les Congos, le Brésil, l’Amérique centrale ou l’Algérie. Or, la division du monde dont nous parlions est justement porteuse de cette "exogénisation" de l’économie des "néo-colonies" parce que, justement, l’objectif des impérialistes est de tourner les économies de pays du Sud vers leurs propres besoins. Le but ultime des États bourgeois dans ce processus étant évidemment la maximisation des taux de profits de leur bourgeoisie impérialiste. Cette maximisation des taux de profits devient plus importante que tout; droit à la santé, droit de vivre dans un environnement sain, droit à des conditions de travail équitables, droit à la survie dans un contexte de sous-emploi, etc.. Les États bourgeois américains, canadiens et mexicains ont, par l’entremise du chapitre 11 de l’ALÉNA sur les investissements, consacré cette supériorité hiérarchique du droit à la propriété privée en se privant, éventuellement, du droit de répondre aux voeux de leurs populations qui désirent voir leur santé et l’environnement être protégés contre la voracité des investisseurs désirant maximiser leurs taux de profits (voir par exemple les poursuites d’Ethyl, Metalclad et Pope & Talbot en vertu du chapitre 11 de l’ALÉNA). Plusieurs traités bilatéraux d’investissement conclus entre le Canada et les États-Unis avec des pays d’Amérique latine répondent à cette logique. L’AMI répondait à cette logique. Et tout porte à croire que l’accord sur les investissements qui serait inclus dans une éventuelle ZLÉA répondrait aussi à cette logique... En concluant de tels accords, les États se donnent des excuses pouvant être utilisés (et qui le sont effectivement) quand leurs politiques favorisent la bourgeoisie plutôt que les classes populaires. La ZLÉA La ZLÉA entre en ligne directe avec le processus impérialiste. Ce dernier, nous démontrait déjà Lénine en 1917, entre en ligne directe avec le mode de production capitaliste. 9 groupes négocient actuellement ce qui deviendra, si l’entente est conclue, la ZLÉA. Plusieurs d’entre eux démontrent les points démontrés ci-haut. Le groupe sur les investissements cherche, nous en avons parlé déjà, à assurer la supériorité hiérarchique du droit de propriété privée sur les autres droits (à la santé et au développement par exemple). Le groupe sur l’accès aux marchés veut voir, tel que le dit son nom, les marchés du Sud ouverts aux produits du Nord. Celui sur les services aimerait bien voir l’éducation et la santé ouvertes libéralisées. Le groupe sur la propriété intellectuelle veut, par exemple, s’assurer que des médicaments génériques ne sauront pas les priver de profits espérés même s’ils peuvent contribuer à l’amélioration des soins de santé d’un partie importante de la population d’un pays (voir la poursuite américaine contre le Brésil en vertu des accords de l’OMC). La liste pourrait s’allonger encore. Il importe dans ces temps de renouvellement de la lutte sociale et de lutte de classes de se mobiliser contre le bon concept. La lutte anti-mondialisation est un concept anti-mobilisateur et sémantiquement protectionniste et réactionnaire. Le combat doit se faire contre l’impérialisme et le capitalisme. La "mondialisation" et la ZLÉA ne sont que des nouvelles formes de la lutte de classes. Nous devons définir notre lutte en fonction de nos vrais objectifs: la fin du capitalisme et de l’impérialisme. |
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