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De qui veut-on vous protéger ?

vieuxcmaq, Monday, March 19, 2001 - 12:00

Groupe anarchiste Emile-Henry (emile.henry@sympatico.ca)

Il paraît que c'est à cause de nous qu'on va mettre une clôture au milieu du quartier et 5 000 flics autour. Vous comprendrez que, dans ce contexte, on aurait deux ou trois choses à vous dire. Nous sommes des anarchistes de Québec: comme vous, nous vivons et travaillons au centre-ville, qui dans Saint-Jean-Baptiste, qui dans Saint-Roch, qui dans Saint-Sauveur.

Même si nous n'avons pas collectivement déterminé de ligne tactique particulière pour le Sommet (voir l'autre texte), depuis quelques mois, on n'a de cesse, dans les journaux et à la télévision, de vous mettre en garde contre nous. Certains, ne sachant pas qui nous étions --on cache bien notre jeu-- et s'imaginant sans doute qu'un anarchiste ça a nécessairement l'écume aux lèvres et le regard fou, nous ont mis en garde contre nous-mêmes...

Sur les mesures de sécurité

À notre avis, si les élites économiques et politiques ont effectivement été traumatisées par les événements de la rencontre de l'OMC à Seattle, ce n'est pas pour éviter un "Seattle" à Québec que la police met le paquet sur la sécurité du Sommet des Amériques. De un, les affrontements de Seattle ont été provoqués par une anti-émeute qui avait carrément pété les plombs parce qu'elle était incapable de déloger 4 à 5 000 militantEs non-violentEs qui bloquaient le centre-ville avec l'appui de 50 à 70 000 syndicalistes (les attaques contre les vitrines de certaines multinationales ciblées ont commencé plusieurs heures après le début de l'offensive policière). De deux, c'est en empêchant les gens de manifester et en leur opposant une anti-émeute massive et crinquée qu'on risque de provoquer un "Seattle à Québec".

Pour nous, les mesures de sécurité ont un autre but. D'abord, psychologiquement, le message envoyé est "nous pouvons nous rencontrer n'importe où dans le monde sans problème". Le capitalisme est triomphant et il doit montrer qu'il est plus fort que tous ses opposantEs. C'est une question d'image. Ensuite, pour la police, il s'agit là d'une magnifique occasion d'aller chercher des fonds et du matériel supplémentaires et d'accroître son pouvoir politique et social. En gros, pour tout ce qui est mesures de sécurité, la police a carte blanche, y compris pour passer par dessus les obstacles légaux tels les droits et libertés. La police est au service des riches (et des touristes!).

Pour nous, cela souligne un certain nombre de choses sur la nature de notre société. Premièrement, théoriquement ce qui fait la différence entre un État policier et une démocratie, c'est la présence des droits et libertés. On argue que le Sommet est une circonstance exceptionnelle, or, justement, la valeur des droits et libertés ne se vérifie qu'en situation exceptionnelle. Sinon, ça ne vaut rien. L'État de droit des libéraux, c'est donc un État où le capital a tous les droits (y compris celui de les suspendre tous, sauf les siens). D'ailleurs, à propos de la démocratie, quand dans un État seuls les technocrates de très haut niveau et les têtes des lobby patronaux ont accès aux textes des accords commerciaux, ça en dit long sur qui a le pouvoir. Pour nous, c'est clair que l'État dans lequel nous vivons est une dictature de classe (celle des élites financières et industrielles) à peine camouflée et le Sommet en est une illustration flagrante.

Sur la lutte contre le Sommet

Pour nous la lutte, contre la mondialisation est indissociable de la lutte contre le système économique qui la soutient : le capitalisme. Nous sommes radicalement contre le capitalisme et c'est parce que la mondialisation aggrave la situation que nous nous y opposons. Pour nous, les entreprises capitalistes sont des tyrannies privées, des dictatures, dans lesquelles les salariéEs n'ont que les droits arrachés de haute lutte. Le capitalisme créé une richesse inouïe et il fait rouler l'économie, c'est vrai, mais c'est au prix d'une concentration tout aussi inouïe de la dite richesse et d'une exploitation maximale des ressources naturelles et des salariéEs. Comme en plus le capitalisme n'a pas éliminé la misère, au contraire, il l'entretient, et nous mène à notre perte à cause de la recherche de profit qui se fait au détriment de toute autre considération (y compris écologique), nous ne voyons aucune raison de soutenir ce système.

D'autre part, nous ne croyons pas que les États sont victimes de la mondialisation. Au contraire, ce sont eux qui en balisent la voie. La preuve, la ZLÉA n'est pas un coup de force des entreprises et des lobby patronaux, mais bien un projet qui mûrit dans les officines des ministères des affaires étrangères des 34 pays membres de l'Organisation des États Américains (OEA, l'organisation subtilement derrière le Sommet des Amériques). Nous allons plus loin et nous disons que l'État, qui repose sur l'autorité et le pouvoir des élites, ne fait pas partie de la solution mais du problème. Il n'y a aucune raison de soutenir un système de gouvernement qui va systématiquement à l'encontre des intérêts de la majorité de la population et qui, de plus, se réserve le droit d'imposer les décisions des riches et des puissants à tous et toutes. L'État est un monstre froid. Si la démocratie a encore un sens, elle ne peut se construire qu'à l'extérieur de l'État et contre lui.

Nous sommes pour une lutte radicale, qui va à la racine des problèmes, et sans concession. Nous refusons les règles du jeu et, donc, refusons de nous enfermer dans les limites du 'possible' et des réformettes sans conséquence. Nous ne sommes pas contre toutes les réformes à priori, certaines sont effectivement bénéfiques et peuvent aller contre la logique du système, mais nous sommes contre le réformisme. Nous sommes révolutionnaires, si en chemin nous réussissons à arracher des concessions importantes au pouvoir, tant mieux, mais vous ne nous verrez jamais quêter des miettes. Notre alternative est le socialisme libertaire, c'est-à-dire une économie reposant sur l'autogestion, la satisfaction des besoins des gens et la démocratie directe. Face au Sommet des Amériques et à la ZLÉA, nous adoptons donc une position d'opposition catégorique et une attitude de confrontation.

Sommes nous violentEs? Non. En général, nous ne sommes pas violentEs et tabasser les gens dans les manifs ne fait pas partie de nos pratiques. Les vrais violents ce sont ceux qui se préparent au Sommet en accumulant gaz lacrymos, balles de caoutchouc et poivre de cayenne. Ceux qui viendront armés. Si nous ne comptons pas attaquer personne dans la rue ou mettre Québec à feu et à sang, par contre, nous nous réservons le droit absolu à l'autodéfense et nous refusons la passivité. Nous croyons que c'est raisonnable. Si nous sommes attaqués physiquement, nous répondrons. Également, nous pensons qu'il est raisonnable de venir au Sommet masqués. Les flics vont filmer dans les manifs et tirer du gaz lacrymos, peut-on condamner quelqu'un qui voudrait se protéger contre ça? Finalement, à propos de la casse, personne ne nous fera jamais pleurer sur les vitrines d'une banque ou d'une multinationale. Nous n'avons rien contre le fait de cibler des multinationales, que ce soit par un sit-in, un graffiti ou une brique. Nous ne considérons pas que s'attaquer à des choses soit violent. En fait, nous sommes pour le respect de la diversité des tactiques, nous sommes pour la résistance la plus large et la plus créative possible. Nous sommes pour que les opposantEs se respectent les un les autres dans ce qu'ils ont envie de faire et ce dont ils sont capables.

Le capitalisme est une prison
Brisons les murs !

Groupe anarchiste Émile-Henry [Nefac]
17 mars 2001

[Texte du tract diffusé par notre groupe samedi le 17 mars]

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