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La Zone de libre-échange des Amériques : le deuil de la démocratievieuxcmaq, Thursday, February 15, 2001 - 12:00 (Analyses)
Stéphane Paquet (spaquet@oricom.ca)
La doctrine libre-échangiste est, quoi qu'un disent ses chantres, absolument incompatible avec les valeurs démocratiques. Pire, pour les promoteurs du libre-échange, la démocratie est un ennemi à abattre. Les objectifs des accords tels la ZLÉA de même que leurs mécanismes de négociation l'illustrent avec éloquence. C'est précisément cette incompatibilité qu'analyse ce texte. La Zone de libre-échange des Amériques : La ville de Québec accueillera bientôt le Sommet des Amériques qui réunira les chefs d'État ou de gouvernement de tous les pays des Amériques, à l'exception de Cuba, afin de faire progresser les travaux préparatoires de la vaste Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA) dont l'entrée en vigueur est prévue pour 2005. Même si la question du dispositif de sécurité entourant le Sommet a beaucoup attiré leur attention, les médias de masse n'ont cependant guère évoqué les enjeux qui feront l'objet de cette rencontre. Dans ce contexte, il m'est apparu important de partager ces quelques réflexions quant aux rapports conflictuels qu'entretiennent, dans les faits, les valeurs démocratiques et la doctrine libre-échangiste. Je dirai sans détour que la démocratie est une victime directe des accords de libre-échange. Mieux encore, pour le libre-échange et ses promoteurs, la démocratie est l'ennemi numéro un; celui qu'il faut abattre à tout prix. Dans ses fondements mêmes, la doctrine du libre-échange est antidémocratique. Son objectif est de réduire la capacité des peuples et des États à se donner des lois et des règles, afin de leur substituer des accords destinés à servir la quête de profits des grandes corporations transnationales. Cela vous paraît-il exagéré ? Comment se fait-il alors qu'en vertu de l'actuel Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), le gouvernement du Canada soit l'objet de poursuites intentées par des compagnies américaines qui s'estiment lésées dans leur recherche de profits par des lois et des règles adoptées par nos parlements ? Et que le Tribunal de l'ALÉNA donne raison à ces compagnies, désavouant ainsi les lois que nous nous sommes données par l'intermédiaire de nos éluEs ? À titre d'exemple, rappelons simplement un cas parmi d'autres : en 1997, la compagnie américaine Ethyl Corporation poursuivait le gouvernement canadien car celui-ci avait interdit l'usage d'un additif dans l'essence, le MMT, jugé nocif pour l'environnement. Le tribunal de l'ALÉNA avait alors rendu une décision favorable à Ethyl Corporation. L'interdiction du MMT a été levée et Ottawa a dû verser 19 millions de dollars à la plaignante en guise de compensation. Il ne faut donc guère s'étonner que les mécanismes de négociation de ces accords soient, eux aussi, antidémocratiques. La démocratie est en effet totalement absente du processus : ni la population, ni même les parlements ne sont consultés. Demandez à votre députéE, fédéralE ou provincialE, où en est le processus de création de la ZLÉA, vous n'en tirerez rien. Ceux et celles qui savent, ce sont tout d'abord les membres de l'Americas Business Forum (ABF) (Forum des gens d'affaires des Amériques), un lobby commercial et industriel regroupant les plus grandes corporations transnationales des Amériques. Ce Forum des gens d'affaires jouit d'un statut officiel dans le processus de création de la ZLÉA : c'est lui qui prépare la « liste d'épicerie », s'assurant que les dispositions de l'accord seront en tout point favorables aux intérêts des milieux d'affaires. Puis, les ministres du commerce et de l'industrie et les négociateurs professionnels de chacun des pays jouent à « je-te-concède-ceci-si-tu-me-donnes-cela » avec nos normes du travail, nos services publics et notre environnement. Enfin, les chefs d'État et de gouvernement viennent à Québec faire de belles photos et rassurer les citoyenNEs inquiètEs en leur disant que touTEs les participantEs au Sommet déploient des efforts surhumains pour affermir la démocratie et faire disparaître la pauvreté de la surface des Amériques. Non mais, sans blague…!? Ces accords, construits par les lobbies corporatifs et dans l'intérêt des lobbies corporatifs, ne seront pas discutés par nos parlementaires ni soumis à la population afin qu'elle puisse en débattre. Pourtant, les dispositions de ces accords ont primauté sur les lois et les règles des États. Cela signifie simplement que les profits de quelques immenses corporations ont plus d'importance et plus de légitimité que les intérêts des peuples. Le Sommet des Amériques, c'est cela et rien d'autre. Sans ironie. Faut-il s'étonner que cet événement ressente le besoin de suspendre sans vergogne les libertés civiles dans le centre de la capitale, et de s'entourer du plus important dispositif de sécurité jamais déployé au Canada ? Que les militantEs qui s'organisent afin de dénoncer ce coup d'État consenti par nos gouvernements soient l'objet de manœuvres d'intimidation ? Que toute l'attention portée par les médias de masse à cet événement se soit concentrée sur la sécurité et l'organisation, et jamais sur l'objet des discussions qui s'y tiendront ? La démocratie est un combat de tous les jours. Lorsqu'on la tient pour acquise, elle nous glisse entre les doigts. Et quoiqu'en disent les chantres de la mondialisation des marchés, ce n'est assurément pas le libre-échange qui permettra à la démocratie de se raffermir dans les Amériques.
Site Internet de la coalition Opération Québec Printemps 2001
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