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Article du monde libertaire sur les actions de la fédération anarchiste à Davos

vieuxcmaq, Sunday, February 11, 2001 - 12:00

Sam Moi (Bakou69@club-internet.fr)

Certains reprennent le discours de la pensée unique en ne s'attaquant pas au fondement du capitalisme et paradent dans les salons et autres "contre-sommets", dénonçant des militants à la police ou justifiant le matraquage des militants radicaux en les dépeignant comme des violents casseurs qui cassent pour le plaisir, niant la possible diversité de stratégie et le caractère politique de ces destructions (avec lesquels certe, on peut ne pas être d'accord en termes stratégique, mais que l'on ne peut remettre en cause en termes éthiques : il s'agit de banques et non de personnes ( les flics eux s'en foutent et s'en donnent à coeur joie sur les manifestants, la violence de l'état et du capitalisme est 100 fois supérieure en intensité que celle des manifestants les plus confrontationnels. D'autres, comme les militants anarchistes, tentent de mettre en avant une pratique de terrain et un projet social radicalement différent, anticapitaliste et étatiste, basé sur la gestion directe des luttes préfigurant celle des moyens de production par ceux qui y participrent, l'action directe hors de tous leaders autoproclamés. Depuis toujours, le pouvoir cherche à conroler et choisir ses opposants qu'il intitutionnalise (ainsi d'ATTAC). Nous ne serons jamais de ceux là, et invitons les militants de base de ces mouvements à ne pas se laisser manipuler par un réformisme qui voudrait nous vendre sa soupe citoyenniste niant les différences de classes (ceux qui vendent leur force de travail, intellectuelle ou physique pour vivre, le "prolétariat", et ceux qui en profitent, avec les nuances consistant en ce que certains opprimés oppriment répondant aux divisions que le capitalisme a introduit-racisme-sexisme, pour diviser et mieux régner et se trouver des alliés au sein de ceux qu'il opprime) et se proposant de gérer un "capitalisme à visage humain. Nous ne voulons pas changer la forme que prend l'exploitation, mais supprimer l'exploitation dans son intégralité. Bonnes luttes et salutations

Forum économique mondial : Succès anticapitaliste, répression étatiste

A l'appel de la Coordination Anti-OMC de Suisse et de plus de 80 groupes et organisations politiques et syndicales internationales, dont la Fédération anarchiste, de nombreuses actions et manifestations étaient prévues pour empêcher la tenue du World economic Forum, cette réunion annuelle de puissants, de "maîtres du monde" comme ils se plaisent à se dénommer eux-mêmes. La répression de la contestation a été spectaculaire et d'une exceptionnelle intensité, marquant un pas dans la lutte du pouvoir contre la dissidence. Comme à l'habitude, les médias institutionnels ont joyeusement occulté, et désinformé, préférant les simagrés " citoyennes " de Porto Allegre aux milliers de manifestant-e-s anticapitalistes rassemblés en Suisse et aux frontières.

Voilà le récit des actions auxquelles nous avons participé :

Jeudi 25 janvier, pendant que des actions de blocages ont lieu à Zurich, un convoi de voitures, auquel nous participions avec d'autres libertaires français, suisses et italiens roulant à 20km sur l'autoroute bloque pendant une heure et demie le seul axe routier menant à Davos, largement emprunté par les Limousines des délégués, avant l'intervention musclée des flics arrivés par voiture et par hélicoptère. Quatre voitures sont arrêtées, les passagers embarqués. Un conducteur est menotté et projeté à terre après que des flics l'aient menacé avec un revolver et brisé la vitre de sa voiture. Les personnes sont relâchées après 3 heures de détention, contre trois cautions de 1000 francs suisses (environ 4500 francs français) et doivent en outre payer une dépanneuse pour récupérer la voiture endommagée par les flics.

Samedi 27 janvier, jour de la manif internationale à Davos, avec environ 500 manifestant-e-s, nous prenons le train jusqu'à Landquart, à 50 km de Davos et sommes bloqués à la gare transformée en un véritable centre de rétention pour l'occasion : flics, blindés, barbelés tous azimuts… Nous descendons sur les quais et bloquons toutes les voies, demandant un train pour Davos. Face au refus prévisible de la police, nous exigeons un train pour retourner sur Zurich. Nouveau refus.

Nous tentons alors de rejoindre l'autre convoi, bloqué sur l'autoroute, à quelques kilomètres de là, en coupant à travers les champs clôturés de barbelés. La police nous attaque aussitôt à coups de gaz et de balles en caoutchouc, tirées à hauteur de visage (ce qui est illégal en suisse mais les flics ne sont plus à ça près). Quelques-uns répliquent par des jets de pierres défensifs, bien piètre défense face à l'arsenal répressif déployé. Devant l'omniprésence des flics, nous décidons de revenir à Zurich, préférant éviter le massacre en rase campagne.

Arrivés à Zurich, nous nous dirigeons dès la sortie du train en manif vers le centre-ville pour protester contre le forum et contre la répression de toute opposition radicale au capitalisme par le pouvoir. Alors que nous arrivons à la limite du centre-ville, la police, bien décidée à ne pas nous laisser manifester et surtout pas sous les fenêtres de la bourgeoisie et des multinationales à Zurich, nous attaque sans sommations, de manière très brutale, sans aucune provocation de notre part, à coup de gaz lacrymogène, de balles en caoutchoucs et de canons à eau.

En réponse quelques vitrines de banques volent en éclat. La violence de l'Etat est omniprésente, nombre de journaux suisses la dénonceront. Nous nous réfugions dans le vieux Zurich, puis nous nous frayons un chemin jusqu'à la gare, où nous retrouvons le reste des manifestants venus par la route. Nous sommes alors presque 3000, sans compter tous nos camarades bloqués ou refoulés aux frontières. Alors que nous tentons de faire retomber la pression en faisant la fête autour d'un camion sono, la " radical rave ", la police nous attaque une seconde fois. Cette fois-ci, les manifestants ripostent : il était hors de question d'accepter de nous disperser : il s'agissait de défendre notre droit fondamental de manifester.

Après une heure d'affrontement, la police réussit à grand renfort de violence de nous ramener vers les quartiers pauvres, là où elle voulait nous cantonner. Ce qui lui importait avant tout, c'était défendre les lieux du fric et du pouvoir. Pendant la soirée, 121 personnes seront arrêtées, toutes seront relâchées, mais certaines après deux jours de garde à vue. Le Procès sont à suivre, surtout pour les suisses. Deux personnes finiront à l'hôpital, blessées à l'œil par une balle en caoutchouc. L'une d'elles, comme d'autres blessés, envisage de porter plainte contre le gouvernement suisse, les tirs à hauteur de visage étant illégaux.

Le bilan de cette semaine est plutôt positif : la mobilisation anticapitaliste (plusieurs milliers de manifestants dont plusieurs centaines de personnes bloquées et refoulées à la frontière) a engendré une paranoïa sans précédent de la part du gouvernement suisse. Ce forum très chic a mobilisé le plus impressionnant arsenal policier et militaire qu'ai connu la Suisse, transformant la petite ville de Davos en véritable forteresse. Ce dispositif a coûté 10 millions de francs suisses, plus de cent fois les dégâts constatés, ce que n'ont pas manqué de souligner les journaux suisses.

Toute une partie de la jeunesse suisse s'est radicalisée. Les anarchistes, quant à eux, ont pris une place non négligeable dans ces évênements. La gauche suisse en mal de récupération du phénomène, a fait preuve d'un curieux sursaut d'éthique (ou de calcul politique), promettant des suites politiques au gouvernement en se joignant au cœur d'un grand nombre de journaux suisses et étrangers à grand tirage, (certain même conservateurs !) dénonçant l'Etat policier en vigueur en suisse à cette période, la répression et la provocation policière. Du jamais vu.

Plusieurs dizaines d'actions de solidarité ont eut lieu en suisse et dans d'autres pays. Nous avons réussi à créer un climat qui rendra difficile aux autorités suisses de ne pas mettre en question la tenue du WEF l'année prochaine et surtout les mesures qui l'entourent. La pression est telle autour de ces grandes réunions internationales, qu'il ne reste plus que le Qatar pour accepter la tenue du sommet du F.M.I. sur son territoire.

Cependant nous ne devons absolument pas perdre de vue notre investissement local, ne pas le dissoudre dans ce type de luttes. L'enjeu reste avant tout de faire le lien entre ces luttes globales et locales. Manifester contre un sommet ne sert à rien si une dynamique locale, au sein de la population et de ses préoccupations, ne fait pas émerger un fort mouvement anticapitaliste à la base, sur nos lieux de travail, nos quartiers, nos lycées et nos facs. Nous ne pouvons pas non plus nous contenter d'un localisme obtus, les instances comme le WEF sont des lieux de décisions, et perturber leur fonctionnement, c'est retarder d'autant la prise de décisions antisociales. Une double action, en amont comme en aval est indispensable.

L'avenir réside également dans les liens que nous devons et pouvons tisser au niveau international avec d'autres organisations, groupes et militants libertaires, pour évoluer vers un échange d'expérience, de pratiques et une unité d'action ponctuelle, véritable ferment d'une réelle efficacité de nos interventions.

Sam (Groupe Durruti, Lyon)
Article du monde libertaire

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