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Oui, le rêve est possible!vieuxcmaq, Sunday, January 28, 2001 - 12:00
MUGNY PATRICE (journal@attac.org)
La porte métallique s'ouvre. Des deux côtés de la rue s'alignent des petites maisons de deux étages. Derrière ces maisonnettes, d'autres rues semblables. Ici habitent des familles qui, week-end après week-end, ont construit leurs logements. Tout autour de Sao Paulo, de tels collectifs existent. Ces gens-là se sont battus pour obtenir, légalement ou illégalement, le terrain. Puis, ils ont trouvé des petits crédits. Puis, ils ont bâti. En bas de la rue, derrière une autre porte en fer, le long d'un ruisseau, s'étend une favela. Le contraste est saisissant. Le sentiment intense d'une juxtapositi on de l'espoir et de la désespérance. Et pourtant! Le lendemain, visite de l'autre côté de la grille. Enchevêtrement de ruelles en terre. Tout à coup, un enfant souriant montre un trou, duquel émerge une échelle. Descente et entrée dans une pièce. Une famille élargie d'une dizaine de personnes vit ici. La mère est souriante. Depuis peu, grâce à un petit programme de réinsertion sociale, l'alcool a quitté les lieux, les deux plus grands garçons sont scolarisés, et elle a pu couler une chape de béton sur le sol, ce qui améliore la salubrité du lieu. Les visiteurs ont la gorge serrée, le cour pris entre la nausée et un intense sentiment de révolte. Et cette femme qui les accueille, qui explique comment elle a recouvré l'espoir. Une question est posée aux enfants. Quelle profession souhaiteraient-ils exercer? Le décalage entre la question et le contexte est abyssal. Rencontre avec la nouvelle maire de la ville, élue de la gauche. La tâche est terrifiante. Première étape: ramener à un niveau de vie très modeste mais au moins décent 20% des 306 000 familles les plus démunies. Des très nombreuses rencontres de ces derniers jours, il ressort de manière incontestable que les droits des plus pauvres sont systématiquement bafoués. Quelques lois sociales, en particulier concernant l'aide aux enfants et aux adolescents, ont bien été votées, mais jamais respectées. Tout, absolument tout ce qui est réalisé résulte de combats incessants contre des pouvoirs politiques au service d'une oligarchie. Et lorsque l'on parle de combats, il importe de rappeler que l'environnement social est tout sauf serein. Dans un centre d'aide aux adolescents, sur 250 jeunes de 13 à 16 ans qui ont été encadrés par le centre en deux ans, 30 sont morts assassinés, soit par le milieu criminel soit par les polices parallèles. C'est pourquoi les espoirs suscités par l'élection de Martha Suplicy sont immenses. Les visites aux îlots de résistance se succèdent. Rencontre hier avec des familles qui squattent un gigantesque immeuble au centre-ville. Voyage ensuite pour vivre une journée avec des militants du Mouvement des sans terre. Cette immersion dans la réalité du monde d'aujourd'hui et surtout dans la vie des gens les plus maltraités par les puissants constitue une introduction exemplaire au Forum social mondial. Oui, un autre monde est certainement possible. Reste à le construire et donc à reprendre aux prédateurs de Davos le pouvoir qu'ils se sont donné. Car, faut-il le rappeler sans cesse, ce ne pourra jamais être à Davos, ou à Nice, ou dans tout autre cénacle de puissants plus ou moins compatissants, ou de technocrates plus ou moins avisés, que pourront être vraiment entendues les voix des écrasés. Oui, un autre monde est possible. Mais il ne pourra jamais se construire avec celles et ceux qui bénéficient le plus de ce désordre si inhumain. Il devra se penser et se bâtir en partant non des demandes solvables mais des besoins des plus pauvres. Demain (aujourd'hui, ndlr), nous serons à Porto Alegre avec cet espoir. PATRICE MUGNY, Conseiller national genevois, délégué écologiste au Forum social mondial.
Association pour une Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens
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