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Davos - Porto Alegre : Deux mondes s'affrontent

vieuxcmaq, Friday, January 26, 2001 - 12:00

Patrick Le Hyaric, directeur de l'Humanité (jacinthe@alternatives.ca)

Pour la première fois depuis qu'il existe, le Forum économique mondial de Davos se voit opposer un Forum social mondial, qui se réunit à Porto Alegre dans le sud du Brésil. Dans les brumes froides de Davos, des multimilliardaires, autoproclamés en directoire mondial, vont discourir dans des salles feutrées, à l'abri des regards indiscrets, sur les moyens de relancer la course aux profits.

À Porto Alegre, des milliers de militants, représentant nombre d'associations, de syndicats, de partis progressistes vont dans une multitude de forums réfléchir ensemble aux moyens de dresser un barrage à la mondialisation capitaliste et de rechercher les voies d'une alternative de transformation sociale, à l'unisson de grands mouvements brésiliens comme la centrale des travailleurs et le mouvement des sans-terre.

À Davos, les tenants de l'ultralibéralisme vont chercher les moyens de couvrir de panneaux " à vendre " les entreprises, les pays, jusqu'à la nature et la vie humaine.

À Porto Alegre, on va réfléchir à la construction d'un monde commun, débarrassé de la dictature de l'argent, aux nécessaires solidarités à construire, d'un monde où enfin on puisse partager les savoirs, les richesses et les pouvoirs. C'est l'exact opposé de ceux qui se croient les maîtres du monde, " l'interface par excellence ", disent-ils, entre " les leaders du monde des affaires et ceux de la communauté des décideurs ". Rien de moins. Pis encore, ils prétendent ébaucher " une carte routière pour le futur mondial ". Ainsi veulent-ils tracer le chemin par lequel doivent obligatoirement passer les habitants de la planète : celui de la marche forcée vers un modèle de société, où la traite des êtres humains est le deuxième marché mondial suivi de celui des stupéfiants. Sur " leur carte routière ", conçue pour ne laisser passer que les lourds chars de l'ultralibéralisme, il y a les fossés profonds où sont rejetés des milliards d'êtres humains, dans la famine, la malnutrition, la pauvreté, la précarité et le chômage. La surexploitation, le pillage des ressources naturelles, la délocalisation des entreprises ou des hommes, la mise en concurrence des peuples, le développement des racismes, des guerres et la domination des pays en voie de développement, vise à conforter la bonne santé des marchés financiers. Et ce n'est malheureusement pas le récent sommet de Yaoundé qui permet au continent africain de faire face au déferlement de la mondialisation capitaliste.

Ses effets sur la vie quotidienne sont terribles. Aurait-on pu songer que la Californie entrerait dans le IIIe millénaire en manquant d'électricité, que les chemins de fer anglais seraient plus réputés pour leurs accidents meurtriers que pour la régularité de leurs trains, que l'ultralibéralisme thatchérien aurait répandu la vache folle dans toute l'Europe, et qu'après les côtes de Bretagne, les îles Galapagos seraient souillées du pétrole qui coule des soutes gluantes du navire ultralibéral.

À l'opposé, à Porto Alegre, après les grandes mobilisations : Seattle, Genève, Dakar, la marche mondiale des femmes, la manifestation des syndicats à Nice, on ira parler du droit des peuples à décider de leur devenir à partir de valeurs communes : liberté, égalité, partages, dignité, progrès humain, éthique, développement durable, paix. Le Parti communiste français et l'Humanité, porteurs de choix neufs pour l'émancipation humaine, sont naturellement partie prenante de la construction de ce Forum et des alternatives à élaborer pour changer. Et c'est par la démocratie participative, par la conquête de nouveaux droits, par l'action pour dépasser le marché capitaliste, qu'on peut jeter les bases d'un monde nouveau, celui des êtres humains et du respect de l'environnement, de la lutte contre les inégalités, la création d'emplois, la formation. Cela suppose d'annuler la dette. Mais surtout de mettre fin au système qui la produit. De nouveaux systèmes de financement permettant de s'émanciper de la domination des marchés financiers doivent être édifiés contre l'hégémonie du dollar avec par exemple la création d'une monnaie commune mondiale et l'instauration de la taxe Tobin.

Un nouveau type de coopération, de solidarités et de partage appelle la conquête par les citoyens, les salariés, de nouveaux droits. Les droits au développement, à la prospérité, au bien-être pour chaque peuple, nécessitent une profonde démocratisation des institutions internationales qui devraient se conformer à la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU.

À Davos, on va parler argent, courbe des profits, ajustement structurel.

À Porto Alegre, on va jeter les bases d'une mondialisation du codéveloppement, du partage, de la coopération. Bref de l'avenir. Nous en sommes.



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