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DAKAR 2000 : des résistances aux alternatives

vieuxcmaq, Monday, January 8, 2001 - 12:00

Arnaud Zacharie (cadtmcontact@skynet.be)

Du 11 au 17 décembre 2000 à Dakar se sont succédé deux conférences internationales pour l'annulation de la dette et l'élaboration d'alternatives de développement. Ces conférences ont constitué un réel succès, à la fois grâce à une représentation panafricaine unique en son genre, à la qualité des participants des autres continents et au large consensus trouvé en matière de stratégies Nord-Sud.

La première conférence portait sur la problématique africaine. Elle a rassemblé quelque 200 représentants d'organisations de toute l'Afrique au sud du Sahara (provenant de 22 pays : Angola, Burkina Fasso, Cameroun, Congo Brazzaville, Rép. Démocratique du Congo, Côte d'Ivoire, Ethiopie, Ghana, Guinée-Bissau, Kenya, Malawi, Mali, Ile Maurice, Mozambique, Namibie, Sénégal, Rép. d'Afrique du Sud, Tanzanie, Tchad, Togo, Zambie, Zimbabwe). De nombreuses organisations des pays industrialisés (provenant de Allemagne, Belgique, Canada, Danemark, Etats-Unis, Espagne, France, Grande Bretagne, Irlande, Pays-Bas, Suède, Suisse), d'Amérique latine/Caraïbes (Argentine, Bolivie, Brésil, Haïti, Nicaragua, Pérou) et d'Asie (Cambodge, Inde, Népal, Philippines, Thaïlande) avaient envoyé des délégué(e)s aux deux conférences. La première s'est déroulée en plusieurs phases.

Conférence panafricaine

Après l'ouverture des organisateurs (CONGAD, Jubilé Sud, CADTM, CNCD), la coalition des femmes présente son Tribunal de la dette, sous forme théâtrale. Au banc des accusés : la Banque mondiale, le FMI, les pays du G7 et les gouvernements du Sud. Accusation : crime contre l' humanité et non-assistance à personne en danger. A l'appel des victimes de la dette, toute l'assemblée se lève.

Chacun à leur tour, les accusés sont mis devant leurs responsabilités : imposition de taux d'intérêts usuriers, refus du droit d'insolvabilité malgré les conséquences meurtrières de la dette, détournements de fonds publics, désinformation sur de prétendues mesures d'allègement, complicité de pillage des ressources naturelles... Des victimes de la dette viennent témoigner de son impact sur leur vie quotidienne. Au terme du réquisitoire, l' accusateur (joué par le juriste sénégalais Maître El Hadji Guissé) réclame une peine sans circonstances atténuantes: " La dette est historiquement injuste, socialement insoutenable et juridiquement infondée ". A ce moment, la salle, formée par plusieurs centaines de délégués, se lève pour applaudir. Les rires masquent une émotion plus grave. Pour beaucoup des participants - en majorité d'origine africaine - les situations qui ont été décrites renvoient à leur vécu quotidien. A la misère généralisée de leurs concitoyens.

Ensuite, la parole est donnée aux acteurs sociaux représentés par la coalition des artistes, des syndicats et des jeunes, puis au poète sénégalais Thierno Seydou Sall qui, accompagné d'un joueur de kora, lance quelques rimes acides au public. Enfin, le chanteur Youssou N' Dour réaffirme en quelques mots son soutien à l'initiative de Dakar 2000.

Après les exposés en plénière de Mr. Kasse (Sénégal), Samir Amin
(Egypte), Eric Toussaint (Belgique) et Yash Tandon (Zimbabwe), les
participants se divisent en quatre ateliers pendant trois journées, débattant des thèmes : dette et éducation ; dette et santé ; économie et emploi ; alternatives et stratégies. Les travaux dans ces ateliers ont permis de dégager pour chaque secteur un constat de l'impact pervers de la dette et des politiques du FMI et de la Banque mondiale, des résistances passées et futures face à cette réalité et des alternatives à appuyer pour dessiner les bases d'un autre modèle de développement. Un document de plusieurs dizaines de pages sera
disponible sur la question.

Le quatrième jour voit le manifeste de Dakar 2000 adopté en plénière. En quelques pages, il rend compte de la perversité de la dette, pierre angulaire d'une mondialisation exclusivement économique et financière, et dégage toute une série d'alternatives pour sortir l'Afrique et le Tiers Monde de l'économie d'endettement international et élaborer les pistes d'une autre mondialisation.

Enfin, une journée de réflexion est organisée par la coalition des
jeunes. De nouveau, les témoignages de la jeunesse africaine laissent transparaître les origines communes des différents problèmes. Une déclaration commune sortira des débats.

Stratégies Nord-Sud

La seconde conférence se déroule sous les auspices de la coalition
Jubilé Sud, en collaboration avec nombre d'organisations du Nord, dont le CADTM et les Coalitions Jubilé 2000 du Danemark, des Pays-Bas, de Suède, des Etats Unis, etc. Très vite, on ne parle plus d'annulation de dette, mais de répudiation de la part du Sud et de réparations à exiger pour la misère criminelle dans laquelle les peuples du Tiers Monde ont été et sont encore tenus. Le consensus se noue naturellement. L'année jubilaire n'était qu'un premier pas pour les mouvements sociaux. Dakar 2000 représente un nouveau point de départ pour une campagne mondiale d'envergure. Des coordinations régionales ont été mises en place (par exemple : une coordination pour l'Afrique de l'Ouest, une autre pour l'Afrique centrale, une troisième pour l'Afrique australe, etc.).

Entre deux réunions, le samedi 16 décembre, une manifestation
rassemble plusieurs milliers de personnes dans les rues de Dakar.
Enormément de jeunes et de femmes animent le cortège. Les percussions et les chants se mêlent aux banderoles dénonçant la tyrannie de la dette, exigeant son annulation et l'adoption d'un modèle de développement alternatif.

Comme le stipule le manifeste de Dakar 2000, " un autre développement signifie promouvoir et garantir la justice sociale, l'égalité des sexes, la démocratie et le respect des droits humains. L'étendue de la pauvreté et de l'exclusion est le résultat de l'influence néfaste de la politique du "tout au marché" et de la recherche effrénée du profit privé qui a poussé l'Etat à abandonner la politique visant à promouvoir l'équité et la justice sociale. "

C'est pour l'établissement de cet autre développement que les
participants, en se quittant, se sont engagés à lutter dans leur pays et en synergie avec les organisations du monde entier. Plusieurs rendez-vous ont déjà été fixés pour 2001 : le sommet social mondial de Porto Alegre en janvier, le sommet des PMA à Bruxelles en mai et le G7 de Gênes en juillet.

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