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Une approche libertaire de la mondialisationvieuxcmaq, Sunday, November 5, 2000 - 12:00
Monde Libertaire Monde Libertaire (monde-libertaire@federation-anarchiste.org)
Une approche libertaire de la mondialisation Entretien avec notre camarade Francois Marchesseau, professeur d’économie. M.L. : Comment analyses-tu le phénomène de la mondialisation économique ? F.M. : Pour comprendre comment la planète s’est transformée en un espace commercial unique, il faut remonter à la fin du XVIIIe siècle avec la naissance de l’industrialisation en Europe donc la création du système capitaliste. Très vite, les puissances industrielles (Angleterre, France, Allemagne) ont besoin de matières premières d’où la colonisation... Ce qui va bouleverser les conditions d’évolution de ce ces sociétés-là. M.L. : La colonisation se serait donc faite pour une raison purement économique ? F.M. : Oui, au départ, pour des besoins d’approvisionnement en matières premières. Ensuite, dans l’intention de trouver des débouchés pour écouler les produits fabriqués en Europe (textile,outils, armes). Cela permet également l’assise du pouvoir politique, à savoir l’impérialisme avec la bénédiction des curés qui trouvent d’autres âmes à convertir. M.L. : Peut-on parler, à ce moment-là de déséquilibre Nord-Sud ? F.M. : Oui, puisque le Nord (Europe et États-Unis) concentre les activités productives avec des forts taux de plus-value transformation de produits primaires) et le Sud, quant à lui, sert de réservoirs de matières premières, de réserves à main-d’œuvre, éventuellement de chair à canon au gré des changements de stratégie politique. Il est donc illusoire d’imaginer un développement du Sud comparable au notre puisque notre richesse repose sur l’exploitation, l’asservissement des peuples colonisés. M.L. : Alors, pourquoi l’accès à l’indépendance des pays colonisésn’a pas favorisé leur développement ? F.M. : Ces pays sont devenus effectivement indépendants politiquement (avec un modèle étatique européen) mais la domination économique s’est maintenue parce que les flux de marchandises et de capitaux restaient les mêmes. De plus, le partage économique du monde était déjà fait entre les grandes puissances occidentales, le tiers monde continuant à servir de sources d’approvisionnement et fournisseurs de main-d’œuvre à bon marché. Ensuite, parce que les réseaux d’échanges internationaux se développent et la croissance des pays s’amplifie considérablement après la deuxième guerre mondiale, ce qui nécessite beaucoup plus de capitaux d’où l’achèvement de la mondialisation par l’aspect financier. «Le temps du monde fini commence» pour assurer les profits de demain. Or, ce sont les profits accumulés qui rendent possible le réinvestissement et ainsi pérennise le système capitaliste : toute l’humanité se trouve impliquée dans un même jeu. M.L. : Le non-développement du tiers monde est donc une nécessité du système capitaliste ? F.M. : Oui, c’est même une question de survie. Depuis les années 70, des pays développés sont même en surproduction, les marchés sont saturés donc nécessité d’écouler les surplus vers le Sud. De plus, pour se développer, le tiers monde devrait utiliser ses ressources pour satisfaire ses besoins propres. Son économie ne serait plus complémentaire mais concurrentielle des pays occidentaux ; ce qui mettrait en danger le système en place. De toute façon,l’endettement du tiers monde l’a enchaîné à notre fonctionnement économique et politique,pour favoriser l’enrichissement permanent d’une classe dominante. M.L. : Si tout est joué d’avance, quelle est, alors, la solution possible pour le tiers monde ? F.M. : Nous avons vu qu’il était impossible pour le tiers monde d’espérer un développement similaire au nôtre. Pourtant, une recherche de solutions est possible en dehors des pouvoirs. Dans certains pays africains, des villages entiers retrouvent des principes communautaires et s’organisent seuls. Et, ils s’en sortent très bien depuis qu’ils ont abandonné les méthodes inculquées sous la pression des agronomes et des experts en développement. C’est donc en reconstruisant, avec leurs spécificités socio-économique, un appareil de production adapté à leurs ressources locales et à leur force de travail (éducation, formation) qu’ils pourront briser leurs chaînes. M.L. : Avec la mondialisation, nous sommes passés du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes au droit des investisseurs à disposer des peuples. Pour contrer cette dictature mondiale, un mouvement anti-mondialiste s’est constitué. Qu’en penses-tu ? F.M. : Les opposants à la mondialisation se manifestent, en ce moment, à l’occasion de tous les sommets importants des symboles de l’organisation capitaliste : OMC, FMI, Banque Mondiale. Si ce mouvement obtient l’adhésion d’une partie de la population et parfois notre participation, il faut noter que ces manifestations émanent plus du refus d’une incohérence économique que du refus total de l’économie de marché. M.L. : L’association ATTAC, en France, regroupe déjà 20 000 adhérents. Son objectif est de taxer à 0,01 % les mouvements de capitaux pour aider les citoyens. Ce projet te paraît-il découler d’une attitude réformiste, également ? F.M. : Oui, car cette taxe, imaginée par l’économiste américain James Tobin, ne remet pas en cause l’économie de marché. Sur 1500 milliards de dollars de spéculations par jour, la taxe représenterait 150 millions de dollars soit 1 milliard de francs par jour., donc 365 milliards de francs par an ; comparée au PNB d’un pays comme la France (environ 8300 milliards par an), c’est une M.L. : Quelles sont les moyens de lutte contre la marchandisation de l’homme et comment faire pour que l’utopie devienne la réalité de demain ? F.M. : La vraie résistance, à mon avis, n’est pas d’adopter une position défensive mais plutôt de passer par la création de réseaux de liens solidaires, de structures autogestionnaires(Système d’échanges local, centres d’éducation libertaire, coopératives). « Agir local, penser global » me semble être une réponse plus adaptée au phénomène de la mondialisation. Peu de temps avant sa mort, François Partant avait écrit une fiction qui pourrait vite devenir une réalité si tous les exploités agissaient pour la mettre en œuvre. « Imaginons qu’un paquebot fasse naufrage au cours d’une croisière. Quelques centaines de personnes en réchappent et se trouvent sur une île déserte, où elles savent que personne ne viendra les chercher. Les naufragés vont devoir s’organiser pour survivre. Après avoir fait l’inventaire des ressources de l’île, ils se répartissent les tâches, les uns étant à la charge de fournir la nourriture, les autres de construire des abris, etc. Si, ayant trouvé des épis sauvages, ils décident de cultiver du blé, ils ne se demanderont pas si leurs rendements à l’hectare seront comparables à ceux de la Beauce, ni si leur propos recueillis par Françoise Huitel et Didier Ribes. — groupe Michel Bakounine
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