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Perspectives populaires pour Québec 2001vieuxcmaq, Thursday, October 5, 2000 - 11:00
Renato Martin (marcela@alternaives.ca)
Un scénario assez favorable se présente pour la remise en question des fondements des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA). En fait, Québec 2001 pourra marquer un pas important dans la participation de la population au processus d’intégration et à la construction de l’Alliance Sociale Continentale dans une perspective populaire, démocratique, multiculturelle, multi-sectorielle et continentale. La troisième réunion des chefs d’État et de gouvernement des Amériques aura lieu dans la Ville de Québec en avril 2001, sept ans après la première réunion de Miami, et à quatre ans pour initier en 2005, selon la proposition des États-Unis, la création de la ZLÉA (zone de libre-échange des Amériques). Une fois encore, les chefs d’État et de gouvernement de 34 pays des Amériques se réuniront pour tracer un bilan de ce procédé d’intégration continentale et pour prendre des décisions sur le futur de la ZLÉA. Cette réunion présidentielle sera précédée de la cinquième réunion des ministres du commerce qui se tiendra l’année même en Argentine. D’un point de vue officiel, le processus d’intégration commerciale a passablement avancé. Depuis la première rencontre officielle en 94, plusieurs mesures d’harmonisation ont été mises en place un peu partout afin de favoriser la libéralisation commerciale et financière par la création, par exemple, de différents comités de négociations qui travaillent à faciliter le commerce, à réguler les achats du secteur public, les investissements, les services, les mesures anti-dumping, entre autres. Suite à la conférence de Toronto, en 1999, les différents groupes de travail se sont vus attribuer la tâche de débuter la rédaction des accords continentaux. Selon l’entente, les engagements dans les sphères sociales, la coopération et le développement, n’ont pas mérité la même attention. Par exemple, les décisions relatives à l’éducation n’ont pas encore été placées à l’agenda, bien qu’elles aient été réaffirmées comme étant importantes à Santiago en 1998. Par contre, il y a une volonté évidente d’accélérer la discussion sur les thèmes commerciaux. Les questions environnementales et des droits des travailleurs n’ont pas été non plus abordées. L’absence de mécanismes de consultation et de participation au processus d’intégration remet en cause la légitimité des décisions présidentielles mêmes. Le manque de participation de la société civile et des Parlements nationaux au dit processus d’intégration continentale, représente de graves risques pour la souveraineté nationale. Ce modèle d’intégration anti-démocratique ne correspond pas aux aspirations populaires manifestées et réaffirmées à chacune des conférences parallèles de Belo Horizonte, Costa Rica, Santiago et Toronto. En plus de réitérer les engagements démocratiques obtenus lors de ces conférences, qui sont en grande partie inscrites dans le document " Des Alternatives pour les Amériques ", la conférence de Québec devra relever ce grand défi : influencer les décisions présidentielles en augmentant la pression sociale. Perspective populaire Québec 2001 doit se positionner dans une perspective populaire. Ce qui signifie, déployer un effort systématique afin de révéler et de clarifier les initiatives gouvernementales entreprises depuis la rencontre des chefs d’État et de gouvernement des Amériques en 94, à Miami, qui posait les bases de la création de la ZLÉA. Nous devons faire connaître les conséquences environnementales, sociales, pour les droits humains et les droits des travailleurs de ces initiatives. Il faut également identifier à quels intérêts financiers et à quelles sociétés multinationales sert la mise en place de ces mécanismes. Parallèlement, il faut promouvoir les différentes alternatives à l’intégration continentale élaborées sur des bases distinctes comme le respect des différences culturelles, des droits humains, économiques, sociaux, des travailleurs et environnementaux. L’opinion publique doit recevoir notre message fondamental : la volonté d’intégration continentale des organisations sociales, manifestée à plusieurs reprises et réaffirmée à Québec, reste plus authentique que celle démontrée dans les rencontres officielles. Québec 2001 doit réaffirmer la position clairement formulée par les organisations populaires et syndicales lors du lancement de l ‘Alliance Sociale Continentale, à Belo Horizonte. Ils ont dénoncé le modèle d’intégration qui résulte de ces rencontres officielles. À cette occasion, nous avons affirmé sans équivoque, que nous sommes contre une ZLÉA qui serait une prolongation de l’ALÉNA ; contre une ZLÉA qui ne promeuve pas les droits des travailleurs et des travailleuses ; contre une ZLÉA qui menace la souveraineté nationale ; contre une ZLÉA qui porte atteinte aux droits humains, à l’environnement, aux femmes, aux populations autochtones ou aux travailleurs ruraux. Nous sommes contre le modèle d’intégration économique qui se développe actuellement. Ce message doit être repris de plusieurs façons et prononcé par autant de moyens jusqu’à la réalisation de Québec 2001. Si nos gouvernements sont convaincus que ce modèle correspond à la volonté populaire, alors, qu’il fasse des consultations nationales ! Qu’ils acceptent d’ouvrir un dialogue avec les organisations populaires en les intégrant aux processus de négociations commerciales qui deviendront ainsi plus transparentes. Perspective démocratique Les rencontres antérieures ont prouvé que la formule des conférences parallèles joue un rôle fondamental dans le regroupement des forces sociales. Elles ont permis aux différentes organisations populaires et syndicales de se concerter et d’établir des propositions communes. Pourtant, ce modèle commence à montrer des signes d’épuisement. Malgré le fait que lors des rencontres et conférences parallèles un nombre de plus en plus important de ministres et de chefs d’État témoignent de leur intérêt envers les propositions issues de ces rencontres, en réalité, aucune mesure tangible n’est prise qui favoriserait leur réalisation. Ce qui démontre le manque de volonté politique quant à l’application de mesures concrètes. Le comité des représentants gouvernementaux de la société civile illustre bien cette intransigeance gouvernementale. À plusieurs reprises, nous avons adressé des critiques quant aux limites et à l’insuffisance de ces instances, qui n’en demeurent pas moins inchangées. Ce qui est d’autant plus grave, c’est que le gouvernement se sert de ces " rencontres de la société civile " pour décréter le consensus et légitimer la construction de la ZLÉA. Une perspective réellement démocratique doit être présente à Québec 2001. Une rencontre avec les délégations officielles ne peut pas constituer l’objectif principal de ces événements populaires. Un dialogue avec la population doit être prioritaire. La participation aux événements officiels doit demeurer un moyen parmi d’autres. Nous devons adopter des formes plus créatives afin de rejoindre un plus grand nombre de secteurs sociaux. Perspective continentale Un des aspect hautement positif de notre expérience commune face à la ZLÉA fut la construction de l’Alliance Sociale Continentale. Il n’est pas exagéré d’affirmer que cette initiative revêt un caractère historique. Pour la première fois sur le continent américain, les organisations populaires et syndicales du Nord comme du Sud cherchent à articuler une plate-forme commune pour affronter les problèmes concrets à partir d’un point de vue continental. Les orientations idéologiques qui régulaient la pratique politique il n’y a pas si longtemps, ont rapidement été supplantées. Aujourd’hui, il faut faire face à des défis beaucoup plus concrets, comme les menaces environnementales, aux droits des travailleurs, aux droits des femmes, etc. La trajectoire de l ‘Alliance Sociale Continentale correspond à ce changement de perspective. L’Alliance Sociale cherche à poser les bases d’un mouvement continental nouveau genre, mais exprime également l’orientation distincte des organisations syndicales et populaires : ce qui représente un défi de taille. La perspective continentale doit être une priorité à Québec. Cela signifie que les activités devront être réalisées en continuité avec le travail entrepris antérieurement par l’Alliance Sociale Continentale et se poursuivra en élargissant la participation sociale. Pour atteindre cet objectif, les organisations responsables de l’organisation de Québec 2001 doivent créer les conditions nécessaires qui permettront une participation active de l’Alliance à Québec 2001. L’Alliance Sociale Continentale, pour sa part, doit prioriser la mise sur pied d’activités qui feront la promotion de Québec 2001, dans un maximum de pays du continent. Perspective multi-sectorielle Finalement, il faut mettre l’emphase sur le caractère multi-sectoriel et multiculturel de l’intégration continentale en créant des espaces propices aux débats, à la réflexion et à la formulation de propositions alternatives autour des axes prioritaires de l’intégration continentale : droits humains, des travailleurs, sociaux, environnementaux, des femmes, des travailleurs ruraux, des parlementaires et des autochtones. Il n’est pas suffisant d’affirmer que nous luttons contre l’intégration exclusivement financière et commerciale. Il faut incorporer la richesse multiculturelle de nos peuples au processus d’intégration continentale. Conclusion Les mobilisations contre l’OMC, à Seattle, en décembre 1999, témoignent d’un sentiment diffus, mais croissant, d’opposition face au modèle de mondialisation proposé. Un sentiment d’insécurité se répand dans la population face à ce phénomène qui rend l’avenir incertain. Les événements de Seattle ont démontré qu’il n’existe pas de consensus entre les gouvernements des pays développés sur le modèle de libre-échange. Ils ont aussi révélé l’incapacité des ÉU à établir un agenda commercial selon ses propres intérêts. Rien ne laisse croire que ces contradictions pourront être dépassées à court terme. Au contraire, les obstacles à la réalisation des accords commerciaux de l’OMC, ou sur les investissements comme l’AMI, ne cessent de croître. Les organisations de l ‘ONU, comme la CNUCED, l’OIT, ou le PNUD expriment leurs divergences sur ce modèle de mondialisation. Ce scénario semble passablement favorable à l’approfondissement du questionnement de la population sur les conséquences de la ZLÉA. D’une perspective populaire, démocratique, continentale et multi-sectorielle, Québec 2001 pourrait représenter une étape importante dans la lutte en faveur de l’intégration des peuples dans le processus d’intégration réservé jusqu’à maintenant aux secteurs financiers et aux multinationales et dans la construction de l’Alliance Sociale Continentale. par Renato Martins est membre du Réseau brésilien pour l’intégration des peuples (REBRIP et chercheur du CEDEC (Centre d’études et de recherches sur la culture comtemporanea) au Brésil et Marcela Escribano, responsable du programme Amérique latine d’Alternatives |
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